Il avait disparu de derrière la caméra depuis Droit dans le mur, en 1997. À l’autre bout du fil, Pierre Richard est un peu espiègle et un peu pressé. à 91 ans, le comédien réalisateur vient de terminer une séance photo et parle de son dernier film comme on parle d’un enfant longuement désiré. L’homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme, projeté en avant-première ce mardi 26 août à l’Auditorium de Clair-Val, à Carqueiranne, pour la clôture de la cinquième édition du Festival de la Lune, avant de faire son arrivée dans les salles obscures le 17 septembre, est une fable tendre qui pointe le bout de son nez près de trente ans après son dernier film.
Presque trois décennies qui n’ont rien entamé de sa verve poétique, son regard malicieux et cette façon unique de mêler l’absurde à l’émotion. L’acteur de La Chèvre et Le Grand Blond avec une chaussure noire a posé sa caméra au cœur des étangs de Gruissan, un village de l’Aude, où il a planté ses racines et trouvé son inspiration. L’homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme est un film qui raconte l’amitié improbable entre Grégoire, un ermite solitaire et Michel, un jeune homme autiste Asperger, tous deux unis par leur amour pour la nature et leur affection pour un ours évadé d’un cirque.
Vous faites votre grand retour derrière la caméra après quasiment trente ans d’absence. Pensez-vous qu’il s’agit de votre dernier film?
Je crois que je n’en ferai plus, parce que physiquement, une aventure de deux ans et demi, c’est quand même très dur. À mon âge, c’est tellement plus facile d’être comédien. Je pourrais faire trois films par an tranquillement en m’asseyant sur une chaise entre deux plans. Là, je ne peux pas m’asseoir parce que le plan suivant, c’est moi qui le gère en plus de le jouer. Je ne vais pas jurer comme Aznavour qui disait toujours faire sa dernière, et au final, il en a fait dix des dernières. Moi, je ne ferai sûrement pas dix derniers films.
Vous interprétez Grégoire, un ermite fan de pêche qui vit seul dans une cabane. À quel point ce personnage est-il inspiré de vous?
Tous les rôles que j’ai interprétés dans mes films étaient très proches de moi. Évidemment, mon personnage a pris trente, quarante ou cinquante ans, mais c’est pareil. Fondamentalement, il est le même. La seule chose que j’ai perdue, c’est ma liberté physique. Mon œil est le même, ma passion est la même, ma poésie, si j’en ai une, est la même, je ne l’ai pas changée. La seule chose maintenant, c’est que je boite, ça, ce n’est pas la même.
On retrouve dans ce film des personnages hauts en couleur, un boucher fan de Johnny, un garagiste ancien voleur de voitures, un jeune autiste et un ours. Comment s’est déroulé le casting?
La majorité des comédiens qui tournent dans le film sont occitans parce que je voulais qu’ils aient cette verve, et surtout l’accent. Il n’y a rien de pire qu’un Parisien qui fait semblant d’avoir un accent. Sinon, j’ai dirigé un ours de 500 kilos, très photogénique et adorable à cinq mètres de distance. (rires) Pour le personnage de Michel, j’ai rencontré environ huit comédiens que la directrice de casting avait choisis. D’ailleurs, je me souviens que Timi-Joy [Marbot, l’interprète de Michel, ndlr] est le dernier que j’ai vu. C’était une évidence pour moi, et pour tout le monde. Sans hésitation, on savait que c’était lui, et on ne s’est pas trompés. Pendant le tournage, je n’ai jamais eu à lui dire quoi que ce soit, il était parfait tout le temps.
Le film a été présenté en Séance Spéciale cette année au Festival de Cannes. Qu’est-ce que cela représente pour vous?
Ce qui m’a le plus touché, c’est le fait qu’ils nous ont faits, moi et toute l’équipe du film, monter les marches quand il n’y avait plus personne. Et surtout, les photographes ont cessé de photographier pour m’applaudir. C’est du jamais vu, et c’est un hommage que j’ai vraiment beaucoup apprécié.
Avant-première ce mardi 26 août, Auditorium Clair-Val, à Carqueiranne. De 5 à 8 euros. Rés. cinemadelalune.com Film en salles le 17 septembre.