l’essentiel
Les nuisances liées à la livraison à domicile s’invitent sur le pas-de-porte des Toulousains. Depuis l’ouverture d’un Pepe Chicken fin 2023, aux Minimes, les riverains multiplient les plaintes face aux nuisances générées par la livraison express.

En ce début d’après-midi, sept scooters attendent en file devant le numéro 46 du boulevard des Minimes. Les livreurs discutent, certains moteurs tournent encore, l’un d’eux reste accoudé à un muret, smartphone en main. Pour les habitants du quartier, cette scène est devenue banale, presque quotidienne. Une résidente témoigne : « Aujourd’hui encore, il y a beaucoup de livreurs devant. C’est à peine praticable en poussette, et on retrouve toujours des déchets au sol. » Elle confie également un malaise grandissant : « Rentrer seule la nuit, passer au milieu d’un groupe d’une dizaine d’hommes qui sifflent, c’est très intimidant. »

Livraison à outrance : quand les scooters saturent les trottoirs et épuisent les riverains.

Livraison à outrance : quand les scooters saturent les trottoirs et épuisent les riverains.
DDM – FREDERIC SCHEIBER

Une autre résidente relativise, sourire aux lèvres : « Je me fais siffler par certains livreurs quand je passe, mais ce n’est pas bien méchant. »

Les commerçants à bout de souffle

Certains commerçants, eux aussi, se disent affectés : « En tant que femme, c’est devenu difficile pour moi de travailler dans cette rue. Les livreurs du Pepe Chicken me sifflent à chaque fois que je passe. Je fais souvent la fermeture à 22 heures, et je me sens comme un morceau de viande. À la longue, ça pèse », témoigne Pathy, employée du Carrefour Express voisin. Elle évoque également des vols réguliers : « Les caméras les montrent, mais leur manager a beau leur parler, ça ne change rien. » Brandon, son collègue, résume : « Après les plaintes des riverains, ils venaient prendre le café ici en attendant leur commande, mais vu comment certains se comportaient, on a fini par arrêter ce service pour avoir la paix. » Des incidents notables, qui bien que regrettables, restes isolés et ne sauraient être considérés comme représentatifs du groupe des livreurs dans son ensemble.

Plus loin, Axel, employé dans un autre Carrefour City, raconte : « La zone jaune réservée aux livraisons est souvent occupée par les scooters. Ils sont trois ou quatre, moteurs allumés, ça fait du bruit, ça n’incite pas les clients à entrer. » Le jeune homme se souvient : « Quand j’allais en cours, je passais devant Pepe Chicken, il y avait plein de livreurs, les enceintes à fond dans les sacs. C’est un peu moins intense aujourd’hui, mais c’est toujours un problème. »

Des efforts de part et d’autre, dans un système qui déborde

Malgré les tensions, certains saluent les efforts du gérant : « On sait que le patron essaie de faire en sorte que ça se passe bien », reconnaît une résidente. « Il a affiché un mot devant la boutique pour rappeler aux livreurs de respecter les riverains, de ne pas jeter de déchets. » Même son de cloche côté commerçants : « Ce n’est pas contre lui. On voit qu’il essaie », admet Axel, conscient que le problème dépasse le simple cadre local.

Au-delà du cas du 46 boulevard des Minimes, Pepe Chicken illustre une tension devenue symptomatique d’un mode de consommation qui a explosé en quelques années. Une société en quête de gain de temps permanent, qui multiplie les commandes à toute heure, poussant les restaurateurs à se tourner massivement vers la livraison à domicile. Résultat : des rues saturées, des livreurs sous pression, des commerçants excédés, des riverains inquiets et, au milieu, des établissements qui tentent de rester rentables, dans un système où l’ultra-rapidité finit par éroder la qualité de vie. Contactée, la direction de Pepe Chicken n’a pas répondu à nos questions. Selon l’Insee, les livraisons de repas ont augmenté de 35 % en cinq ans. Une problématique qui, à Toulouse comme ailleurs, devient de plus en plus difficile à ignorer.