Grenoble figure parmi les villes françaises les plus vulnérables au dérèglement climatique, selon un classement du Parisien. Pour Serge Taboulot, président de l’IRMa, la capitale des Alpes pourrait même être l’une des premières à franchir la barre des 50 °C dans les décennies à venir.

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Les Grenoblois sont-ils condamnés à suffoquer un peu plus chaque été ? La question se pose avec acuité. Dans une cuvette, entourée de montagnes, Grenoble apparaît effectivement comme un territoire particulièrement vulnérable aux effets du dérèglement climatique.

La capitale des Alpes figure d’ailleurs à la 392ᵉ place sur 454 dans un classement des villes françaises les plus épargnées ou, au contraire, les plus menacées par ce phénomène, publié ce lundi 18 août par Le Parisien. Pour l’établir, nos confrères se sont appuyés sur une vingtaine de critères issus de données publiques, portant sur les impacts du changement climatique.

Pour Serge Taboulot, ancien ingénieur de Météo France Alpes du Nord et président de l’IRMa, Grenoble pourrait bien être l’une des premières villes françaises à voir le thermomètre franchir la barre des 50 °C.

France 3 Alpes : Que pensez-vous de ce classement dans lequel Grenoble apparaît en mauvaise posture ?

Serge Taboulot : « Que Grenoble soit en fin de classement me paraît parfaitement logique. La ville fait partie des plus menacées par le dérèglement climatique. C’est un fait que l’on connaît depuis longtemps, parce qu’elle a toujours été exposée aux fortes chaleurs. »

(Archive) Serge Taboulot lorsqu'il était prévisionniste à Météo France.

(Archive) Serge Taboulot lorsqu’il était prévisionniste à Météo France.

© France 3 Alpes

France 3 Alpes : Pourquoi Grenoble est-elle particulièrement touchée par ces épisodes de canicule ?

Serge Taboulot : « Grenoble souffre d’un problème de ventilation. Tout est lié à la topographie et au relief. La ville est entourée de trois massifs — Belledonne, la Chartreuse et le Vercors — qui font barrière. Cela crée un carrefour microclimatique renforçant l’impression de confinement et de chaleur l’été.

France 3 Alpes : Il a donc toujours fait chaud à Grenoble l’été. Mais cette situation a-t-elle été renforcée par le dérèglement climatique ?

Serge Taboulot : « Oui, ce n’est pas nouveau : Grenoble, l’été, c’est dur. Mais les températures ont bel et bien augmenté depuis la fin du XIXᵉ siècle, d’environ 2,5 °C. On ne dispose pas de séries de mesures incontestables à Grenoble, ce sont des estimations. Quoi qu’il en soit, +2,5 °C, c’est énorme. Donc clairement, entre la hausse des températures et la topographie particulière du Y grenoblois, l’agglomération grenobloise est, selon moi, l’un des « hot spots » français les plus menacés par des conditions estivales difficiles à l’avenir. »

Grenoble doit se soucier du dérèglement climatique.

Serge Taboulot, président de l’IRMa,

à France 3 Alpes

France 3 Alpes : À quoi doit-on s’attendre dans le futur, concrètement ?

Serge Taboulot : « Grenoble fait partie des villes françaises susceptibles de figurer parmi les premières à enregistrer 50 °C sous abri. Je ne prends pas les paris, mais cela arrivera sans doute avant 2100…Probablement autour de 2040, 2050 ou 2060. Actuellement, les températures augmentent en moyenne de 0,5 °C par décennie en France. La question n’est donc plus de savoir si on atteindra 50 °C, mais quand et où. Et pour le « où », Grenoble est une belle candidate.

Puis, on doit aussi s’attendre à des canicules plus fréquentes, plus intenses et plus longues. C’est déjà le cas. On vit une nouvelle saison : le « sur-été », avec des canicules possibles dès la mi-juin et jusqu’au 10 septembre. Grenoble a toujours connu de fortes chaleurs, mais désormais, elles sont plus fortes, plus longues et vouées à l’être toujours davantage. »

À Grenoble, le climat devient de plus en plus méditerranéen, mais sans la mer pour tempérer les températures.

Serge Taboulot, président de l’IRMa,

à France 3 Alpes

France 3 Alpes : Face à cela, est-il toujours possible d’inverser le cours des choses ?

Serge Taboulot : « L’humanité peut influer sur l’accélération de la hausse des températures observée depuis des décennies. Pour cela, il faudrait changer en profondeur nos modes de vie. Ce n’est pas impossible, mais peu probable au vu de l’évolution actuelle de l’économie mondiale. »

France 3 Alpes : Doit-on alors être fataliste ?

Serge Taboulot : « Non, car il y a aussi la notion d’adaptation. Il faut apprendre à vivre avec ces fortes chaleurs. À Grenoble, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir aller passer l’été dans le Vercors ou en Chartreuse. Mais il y a des motifs d’espoir : Grenoble a toujours été assez pionnière en matière d’adaptation. Plusieurs choses sont déjà mises en place, comme redonner une place à l’eau, végétaliser les espaces, désimperméabiliser les sols… Évidemment, il reste beaucoup à faire, mais des solutions existent.

Et plus largement, pas seulement pour Grenoble, il existe des solutions simples comme les toits blancs, qui absorbent moins la chaleur et permettent de conserver la fraîcheur des bâtiments. »