« Un kidnapping dicté par le désespoir ». C’est en ces termes qu’est évoqué, au matin du lundi 18 août 1975, l’affaire qui a éclaté à Firminy dans le courant du week-end précédent.
L’affaire commence au matin du samedi 16 août 1975. Djelloul B., un ressortissant algérien de 42 ans demeurant à Unieux, part faire son marché à Firminy avec un ami. Tous les deux sont membres de l’Amicale des Algériens en Europe, qualifiée par la presse de l’époque comme « une association d’anciens clandestins du FLN ». Après son tour au marché, Djelloul B. « revint au siège de l’amicale où il déposa son filet à provisions vers 11 h 30 ». Puis le quadragénaire se volatilise. Disparu. Évaporé…
Transporté dans le Lot-et-Garonne pour y être séquestré
L’affaire rebondit seulement le lendemain… À plusieurs centaines de kilomètres de la vallée de l’Ondaine, dans le camp de Bias près de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), la Confédération des français musulmans rapatriés d’Algérie explique, par la voix de son président, avoir été informée du rapt. Une revendication qui ne dit pas son nom, mais qui oriente le travail des enquêteurs vers le sud-ouest de la France.
Aussitôt, « des contrôles de véhicules ont été effectués dans le secteur et les gendarmes surveillent les alentours du camp ». Les enquêteurs acquièrent une certitude : Djelloul B. n’est pas séquestré dans le département de la Loire, mais se trouve à la main de ses ravisseurs dans le Lot-et-Garonne, peut-être même à l’intérieur du camp de Bias.
Enlevé à la place d’un autre…
Dans le même temps, on s’interroge sur le choix de ce kidnapping. « Djelloul B., selon les enquêteurs, n’est pas une personnalité de premier plan », indiquent nos reporters Jacques Ailloud et Gabriel Selaquet dans La Tribune – Le Progrès du lundi 18 août 1975.
Finalement, la vérité éclate le lundi 18 août 1975, Djelloul B. est libéré par ses ravisseurs qui le détenaient effectivement au camp de Bias. La démonstration de force des gendarmes, intervenant avec une centaine d’hommes, deux blindés et un hélicoptère, a précipité cette libération appelée de ses vœux par le ministre de l’Intérieur Michel Poniatowski.
Et une incroyable révélation s’ensuit : « Ce commando en cagoules du samedi n’était pas composé de physionomistes. Il y a eu erreur sur la personne : c’est le secrétaire appointé de l’Amicale des Algériens du secteur que l’on voulait enlever »…
Chargé dans une R16 par trois hommes en armes
A peine libéré, Djelloul B. revient à Firminy le mardi 19 août 1975 où il est accueilli par un meeting organisé par les partis de gauche et plusieurs syndicats. Une nuée de photographes a aussi fait le déplacement.
Il livre alors le témoignage sur son enlèvement, au cours duquel il a dû s’exécuter sous la menace, sans toutefois être violenté. « Il raconte que samedi, alors qu’il revenait du marché son cabas à la main, un homme a poussé la porte sur ses talons. Il était masqué et portait un revolver automatique à la main. En arabe, il l’a invité à sortir », détaille notre journaliste Raymond Rousset. « Dehors, un autre homme attendait avec, lui aussi, cagoule et revolver. Lui aussi était d’origine nord-africaine, tout comme le troisième homme attendant au volant d’une Renault R16 garée un peu plus loin ».
Le séquestré poursuit : « On a démarré et stoppé après la sortie de la ville, sur la route du Puy, aux limites de la Loire et de la Haute-Loire. Là, attendaient un couple d’Européens à bord d’une DS qui a rapidement pris la route du Midi. Le couple était à l’arrière, et deux revolvers encadraient Monsieur B. ».