🕒 Article publié le 24 août 2025
✅ Mis à jour le 24 août 2025
Comme Alain Juppé avec le miroir d’eau, Pierre Hurmic veut laisser sa trace : il rêve d’offrir à Bordeaux une zone de baignade en plein centre-ville. Paris s’est réappropriée l’eau de la Seine, avec ce projet Bordeaux vise à proposer un nouveau lieu de fraîcheur à ses habitants, à moderniser l’image de la ville et à retisser le lien avec la Garonne.
Une étude récente commandée par la mairie explore plusieurs pistes concrètes. Elle confirme que créer un nouvel espace de baignade au cœur de la ville est techniquement possible, mais qu’il implique des choix stratégiques et coûteux.
Afin d’éviter toute polémique, nous précisons que ce visuel n’est qu’une illustration et que le nom “Bordeaux Plage” n’a rien d’officiel. Mais avouez que l’idée d’étendre sa serviette face à la place de la Bourse a de quoi faire rêver…
Où serait située cette zone de baignade ?
Deux options se dessinent aujourd’hui. La première lieu viserait une baignade directement dans la Garonne. Cet emplacement supposerait l’installation de filets anti-courant, de pontons flottants et de protections lourdes. Le chantier, évalué à près de 10 millions d’euros, serait spectaculaire. Cependant, la puissance du fleuve, dont le débit peut grimper à 5 000 m³/s en crue, pose un défi énorme.
Stand-up paddle sur la Garonne à Bordeaux © Les Marines de la Lune
La seconde option cible les Bassins à flot, un quartier déjà réaménagé avec la Cité du Vin et le Bassin des Lumières. Ici, l’eau est plus calme et les travaux plus simples. Le coût, estimé entre 2 et 3 millions d’euros, semble plus réaliste. Mais il reste un obstacle : assurer une qualité d’eau irréprochable pour convaincre les Bordelais de s’y baigner.
Bordeaux face au défi climatique
Si cette idée avance aujourd’hui, c’est aussi parce que la ville a besoin de s’adapter. L’été 2025 est en train de battre des records, avec 41,6°C en août et six nuits consécutives où le thermomètre n’est jamais descendu sous 20°C. Ces vagues de chaleur bouleversent le quotidien des habitants.
Les climatologues préviennent : en 2050 Bordeaux pourrait vivre des températures proches de celles de Séville. Dans ce scénario, les canicules frôleraient les 50°C. La mairie multiplie les projets de végétalisation et de renaturation des espaces publics. Pourtant, Bordeaux manque encore d’ombre et d’espace vert. Dans ce contexte, une zone de baignade dans le centre-ville devient plus qu’un luxe. Elle représente un complément stratégique pour offrir un refuge de fraîcheur à 800 000 habitants.
Paris Plages et les JO, un modèle inspirant
Le succès des Jeux olympiques 2024 à Paris a servi de déclencheur. La Seine, longtemps interdite à la baignade, a accueilli des épreuves de triathlon et de natation en eau libre. Dès l’été 2025, trois sites de baignade publique ont ouvert dans la capitale. En 2023 déjà, les analyses montraient que la Seine était baignable sept jours sur dix.
À Bordeaux, l’eau de la Garonne a souvent mauvaise réputation à cause de sa couleur marron. Pourtant, cette teinte ne traduit pas une pollution, mais la présence naturelle de sédiments portés par les marées. Contrairement aux idées reçues, la Garonne est considérée comme l’un des estuaires les plus propres d’Europe, avec un écosystème riche et en constant mouvement. Cette vitalité se manifeste jusque dans des phénomènes spectaculaires comme le mascaret, cette vague qui remonte le fleuve au gré des marées.
Le véritable défi pour la baignade n’est donc pas la qualité de l’eau, mais bien la puissance et l’instabilité de ses courants.
Se baigner en ville : une dynamique européenne
Bordeaux s’inscrit dans un mouvement plus large. Partout en Europe, les grandes villes se réapproprient leurs fleuves. Berlin développe son projet Flussbad pour transformer un bras de la Spree en site de baignade publique. Vienne a aménagé l’île du Danube, aujourd’hui immense plage urbaine. En Suisse, Zurich et Bâle sont déjà des modèles. Chaque été, les habitants se laissent porter par le courant de la Limmat ou du Rhin en plein centre-ville. En Belgique, Bruges a lancé un bassin flottant dans ses canaux, conciliant patrimoine et loisirs aquatiques.
Ces initiatives montrent une tendance claire : la baignade n’est plus perçue comme un simple loisir. Elle devient une réponse climatique et urbaine, inscrite dans une stratégie d’adaptation des villes à la chaleur. Et Bordeaux ne se limite pas aux exemples européens. Pierre Hurmic s’inspire aussi de Québec, ville jumelle de Bordeaux, où la baignade dans le fleuve Saint-Laurent est déjà une réalité :
« Cela fait un moment que l’on regarde ce qui se fait là-bas. Ça pourrait être un projet fort de ces prochaines années »
Bordeaux Plage : rêve ou réalité ?
Pour l’instant, cette nouvelle zone de baignade n’est encore qu’un projet. Son avenir reste suspendu aux choix politiques, aux contraintes techniques et à l’adhésion des habitants. Mais l’idée, déjà, dépasse la seule question des loisirs : elle touche à l’identité même de Bordeaux et à son rapport au fleuve.
S’il se concrétise, le projet pourrait transformer durablement l’image de la Garonne, offrir un nouvel espace de vie en plein cœur de la ville et marquer le mandat de Pierre Hurmic. S’il devait s’arrêter en chemin, il aura malgré tout ouvert un débat essentiel : comment préparer la ville aux étés de plus en plus chauds et redonner aux bordelais la possibilité de se réapproprier leur fleuve.