Par

Enzo Legros

Publié le

25 août 2025 à 6h04

Au 1er janvier 2026, Toulouse devrait officiellement devenir la troisième ville la plus peuplée de France. Avec 511 684 habitants recensés en 2024 et une attractivité exceptionnelle, la Ville Rose a de nombreux défis à relever. Celui de la santé s’annonce particulièrement corsé. Car qui dit plus de Toulousains veut aussi dire plus de patients en attente aux urgences. Au CHU de Toulouse, rien n’arrête la hausse du nombre d’accueils non programmés depuis plusieurs années. « On souffre de la démographie », s’accorde à confier à Actu Toulouse le professeur Sandrine Charpentier, cheffe du service déjà sous haute tension.

Des milliers d’urgences en plus chaque année

Dans son rapport d’activité de l’exercice 2024, le CHU met en image une réalité constatée sans effort dans les couloirs de ses établissements : le service des urgences sature de plus en plus au fil des ans. En 2024, 228 885 entrées ont été comptabilisées au pôle de secours.

Si l’on remonte cinq années en arrière, ce chiffre était nettement plus bas en 2019, avec « seulement » 169 663 passagesMais depuis, il ne cesse de bondir.

En moyenne, ce sont 10 000 cas supplémentaires qui se présentent tous les ans face au personnel soignant des hôpitaux de Purpan et Rangueil. « On n’a jamais eu de décroissance, pour diverses causes nationales mais aussi par rapport à cette démographie particulière du Midi-Pyrénées », développe Sandrine Charpentier.

Une tension grandissante en pédiatrie

Bien qu’il y ait de plus en plus d’habitants, la population toulousaine est vieillissante, et cela a un impact clair sur les hôpitaux. « Avec ce type de démographie, on a des urgences qui concernent beaucoup de personnes âgées, pour des maladies cardiaques, pulmonaires, des épidémies, les canicules, etc », explique la cheffe des urgences.

D’un autre côté, l’attractivité de Toulouse et de la Haute-Garonne amène de nouvelles naissances, et donc de potentiels cas de pathologies infantiles à gérer. En 2024, la prise en charge des enfants aux urgences a représenté 28,5 % des admissions totales du service.

Une recrudescence aussi liée au COVID

Pour Sandrine Charpentier, la hausse de passages aux urgences de Toulouse ces dernières années s’explique également par un effet post-Covid. « On a une population qui a eu moins de prévention sur les risques de maladies, de cancer, et aujourd’hui on en a les conséquences », regrette-t-elle.

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Le problème des déserts médicaux force aussi certains patients à se diriger vers les urgences. « Quand il n’y a plus rien, le CHU est souvent la dernière solution », remarque Sandrine Charpentier.

20 % des admissions pourraient être évitées

L’idéal pour les centres hospitaliers reste d’orienter au mieux la patientèle vers l’offre de soin adaptée à son cas, surtout lorsqu’une venue aux urgences n’est pas nécessaire, une situation qui représente environ 20 % des admissions.

C’est pour cela qu’a été créé le Service d’accès aux soins en Haute-Garonne. Il s’agit d’une plateforme téléphonique, testée depuis 2023 dans plusieurs départements, qui s’occupe de filtrer les appels du Samu (au numéro 15), et redirige les patients vers le bon interlocuteur.

« Le but est que toute personne puisse avoir une solution, indique la responsable des urgences.

En contactant le Samu, un Toulousain peut avoir un médecin directement au bout du fil, qui déterminera si la gravité du cas nécessite une prise en charge urgente ou un rendez-vous médical sous 48h. « Ce sont des solutions qui fonctionnent », se réjouit Sandrine Charpentier.

« Les ressources humaines ne sont pas à la hauteur »

Malgré tout, il n’existe pas de solution miracle contre l’engorgement des urgences. Été comme hiver, le CHU de Toulouse s’attend chaque année aux vagues liées aux épidémies et aux canicules.

Même si on reçoit de nouveaux internes dans le service, cela ne suffit pas à compenser tous les départs à la retraite. Par rapport à la démographie de Toulouse, les ressources humaines ne sont pas à la hauteur de ce qu’il faudrait.

Sandrine Charpentier
Cheffe des urgences de Purpan-Rangueil

La suppression du numerus clausus, la limitation du nombre d’étudiants en médecine, en 2020, apparaît comme un bon choix. « Seulement, pour former un médecin, il faut dix ans », rappelle Sandrine Charpentier. Les effets de cette mesure ne se ressentent donc pas encore à Toulouse. En attendant, le CHU doit s’adapter par ses propres moyens.

Repenser le fonctionnement des urgences

Parmi les solutions envisageables, l’hôpital de Purpan essaye de répartir les urgences « par filière », en brisant les murs qui opposent les services de soins non programmés et les pôles spécialisés. « On a un travail à faire sur l’identification des lits disponibles, et répartir la charge sur les différents services », décrypte Sandrine Charpentier.

On a longtemps séparé les soins non-programmés et les urgences, il y a un travail à faire sur l’identification des lits disponibles, et répartir la charge sur les différents services.

Sandrine Charpentier

À l’avenir, elle verrait d’un bon œil un élargissement des compétences enseignées aux infirmiers, pour qu’il puisse prendre en charge certaines urgences sans l’intervention d’un médecin. Pour le reste, les hôpitaux font appel à la responsabilité des habitants.

« On sait qu’on sera toujours en haute tension »

Les médecins s’inquiètent notamment des taux de vaccination, plus bas ces dernières années qu’à la période précédant le COVID. « La pandémie a fait oublier beaucoup de choses, l’hiver dernier personne ne s’était vacciné contre la grippe, ça a été horrible », illustre Sandrine Charpentier.

Malgré tout cela, le service des urgences tient bon. « Les gens ne doivent pas oublier que la santé est un bien précieux qu’il faut conserver », formule la responsable des urgences, avant d’être lucide sur l’avenir lié à la démographie toulousaine. « On sait qu’on sera toujours en haute tension », conclut-elle.

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