Nathalie Appéré le confie à qui veut l’entendre : la « poloche », ce n’est pas tellement son truc. Les coups de billard à trois bandes, les tapes dans le dos, les rapports de force… Elle y préfère, de loin, ses dossiers. Pourtant, tous les six ans, il faut bien s’y mettre. En cette rentrée, alors que les municipales 2026 approchent à grand pas, le temps est venu de préparer le terrain. Rien n’est encore officiel mais personne n’en doute : la maire de Rennes sera bel et bien en lices pour un troisième mandat.
Depuis plusieurs mois, déjà, son premier adjoint Marc Hervé, flanqué de la secrétaire départementale du PS Laurence Duffaud, négocie avec les principales forces de la majorité sortante. Le fidèle lieutenant est pressenti pour diriger la future campagne. « Il y a la volonté pour Nathalie Appéré de pouvoir présenter aux Rennaises et aux Rennais un projet conforme à l’espace politique actuel, social-écologique », confirme-t-il au Télégramme. « Des discussions se déroulent donc avec tous les partenaires qui se reconnaissent dans la qualité du bilan et la volonté de poursuivre cette œuvre. »
Repartir ensemble ?
Fin juin, l’édile socialiste a posé une pierre supplémentaire sur le chemin de sa candidature en descendant dans l’arène en personne. Les représentants des mouvements alliés – les Écologistes, le PCF, Génération. s et les Radicaux – ont été conviés à une réunion ad hoc, consacrée au scrutin à venir. « Jusqu’ici, nous n’avions eu que des discussions en bilatéral avec Marc Hervé, souligne une participante. C’est inédit : lors des précédentes élections, les choses ne s’étaient pas passées comme ça. » Le message de Nathalie Appéré, selon plusieurs personnes présentes : la majorité actuelle a bien fonctionné, repartons ensemble.
La stratégie de l’élue rennaise se dessine : se placer en championne de l’union, exigence toujours plus forte de l’électorat de gauche, comme en 2020. À l’époque, les Verts avaient préféré partir seuls, poussés par de bons scores aux européennes et des mobilisations importantes de la jeunesse pour le climat. Cette fois encore, en adressant une main tendue aux autres forces, hormis les Insoumis, Nathalie Appéré place sur leurs épaules la responsabilité de la division. Qu’en feront ses alliés ? La question promet d’agiter les débats internes dans les prochaines semaines. Particulièrement chez les Écologistes.
Hésitations chez les Écologistes
Chez ces derniers, rien n’est encore décidé. « Il m’est difficile de dire quoique ce soit à ce stade », élude Gaëlle Rougier. L’actuelle adjointe à l’éducation a été nommée cheffe de file du mouvement pour les municipales rennaises, aux côtés de Priscilla Zamord, vice-présidente métropolitaine aux solidarités. Partir à nouveau en solitaire, quitte à rejoindre Nathalie Appéré au second tour, ou s’unir dès le premier ? La question doit être tranchée lors d’un vote des militants en octobre. D’ici là, les discussions vont se poursuivre « avec toutes les forces de gauche », indique Gaëlle Rougier.
Même chez les bons connaisseurs des arcanes écologistes, on ne se risque pas à faire des paris. « C’est très difficile de savoir ce qui va être décidé, souffle un conseiller municipal. Les élus ne sont pas tous d’accord entre eux et les militants non plus. Ils ont une tendance naturelle à vouloir partir seuls. Mais certains voient bien qu’ils sont en perte de vitesse électorale et qu’ils risquent de faire moins bien qu’en 2020. » Reste que ces hésitations ont l’avantage de faire monter les enchères, note cette figure de la majorité. De quoi pousser Nathalie Appéré à leur offrir des places de choix sur la future liste et dans le prochain exécutif, afin de les convaincre de la rejoindre dès le premier tour.
Avec les Insoumis, l’union est-elle possible ?
Pour l’heure, la maire sortante n’ouvre pas les bras aux Insoumis, qui lui rendent bien son inimitié et critiquent son bilan dès qu’ils en ont l’occasion. Entre eux, les pourparlers formels n’ont pas encore eu lieu, selon nos informations. « On a échangé par courrier mais on doit encore se mettre d’accord sur le cadre de la discussion », indique la députée Marie Mesmeur, l’une des deux chefs de file de LFI pour les municipales 2026 à Rennes. L’élue de la 1re circonscription d’Ille-et-Vilaine n’en fait pas mystère : l’éventuelle alliance locale avec le PS dépendra en bonne partie des choix faits par le parti au niveau national. « Le premier signe, ce sera le vote de la censure de François Bayrou à la rentrée, prévient-elle. On ne peut pas se revendiquer de gauche si on laisse le gouvernement tout casser. »
Cette guerre PS/LFI place plus que jamais les écologistes au centre du jeu rennais. Dragués par Nathalie Appéré, ils le sont aussi par les Insoumis. « On ferait sans doute un bon score ensemble », sourit Marie Mesmeur. Elle a d’ailleurs rencontré les élus verts début juillet. « Nous avons trouvé de nombreux points de convergence et une volonté commune de poursuivre nos échanges pour faire gagner la gauche à Rennes », écrivait alors Gwénolé Bourrée sur X, l’autre tête de proue du mouvement mélenchoniste pour le scrutin à venir. Avant de se faire reprendre par Gaëlle Rougier dans Ouest-France, indiquant qu’elle notait bien des points communs mais aussi des appréciations différentes « notamment sur la réalité de la situation budgétaire ». Signe que l’union rouge-vert-rose est encore loin.