Ce n’est pas un succès, c’est un triomphe. KPop Demon Hunters, film d’inspiration coréenne de Chris Appelhans et Maggie Kang est devenu le long métrage de fiction le plus regardé de l’histoire de Netflix. Ce girls band fictif en guerre contre un boys band de démons qui veut voler les âmes de ses fans cartonne de façon que ne laissait pas présager les images présentées au Festival d’Annecy en juin dernier.
Le film et ses chansons ont conquis le monde entier en un temps record. C’est bien simple : les fans de K-pop ou de cinéma sud-coréen ne sont plus les seuls à plébisciter ce film festif en diable ; tout le monde (ou presque) l’adore. Comme Parasite de Bong Joon-ho ou la série Squid Game, ce film d’animation a séduit le monde entier. « Le principe même de KPop Demon Hunters – hybridation parfaite de thèmes traditionnels coréens avec de la musique contemporaine et un style d’animation moderne – souligne ce que la Corée du Sud fait de mieux : mixer patrimoine et innovation, de manière à trouver une résonance mondiale », explique le Korea Herald, quotidien anglophone sud-coréen.
Au bon endroit au bon moment
« L’engouement pour la Corée n’est pas nouveau, déclare Bastian Meiresonne, auteur du passionnant ouvrage Hallyuwood, le cinéma coréen paru chez E/P/A. Un succès de cette ampleur type est aussi imprévisible qu’inexplicable : le film s’est juste trouvé au bon endroit au bon moment ».
La coréalisatrice « coréo-canadienne » Maggie Kang a puisé dans ses racines pour donner une authenticité remarquable à ce film produit par l’Américain Sony Pictures. Elle s’est aussi entourée d’artistes coréens de façon à rester irréprochable dans sa façon de décrire le pays.
« Ce mélange de cultures est devenu courant avec des films comme Coco ou Alerte rouge, insiste Matthieu Pinon, rédacteur en chef du magazine Otaku Manga. Cela correspond à un désir des studios de ne pas se limiter au seul public occidental sans pour autant trahir les cultures qu’ils évoquent. »
Plus proche du manga que de Disney
La présence de Maggie Kang au générique évite les polémiques concernant une éventuelle appropriation culturelle. « Son film est sincère ce qui explique aussi son succès, insiste Bastian Meiresonne. La réalisatrice ne se contente pas de multiplier les clichés. Elle a tenu à montrer le pays de la façon la plus précise possible. Les spectateurs le sentent et l’apprécient. »
Matthieu Pinon voit, quant à lui, une explication stylistique à l’appétence du public pour Kpop Demon Hunters. « Les réalisateurs se sont approprié le style d’animation très dynamique des récents Spider-man et Tortues Ninja ce qui plaît beaucoup au jeune public tout comme l’humour constant de l’ensemble ». Cette vision de la K-pop ne prend pas les fans de haut mais n’hésite pas à les taquiner en titillant leur passion dévorante et insatiable pour leurs idoles. « Le film est plus proche du manga que de Disney dans sa manière de montrer des personnages imparfaits comme ces héroïnes qui dévorent des nouilles instantanées entre deux combats, », décrit Matthieu Pinon.
Quand la musique est bonne
Et puis il y a les chansons, celles que petits et grands reprennent en chœur cet été et qu’on pouvait aussi bien entendre au fin fond du Lot que dans l’arrière-pays provençal. « Des titres comme Soda Pop et Golden restent durablement dans la tête et plaisent autant aux parents qu’à leurs enfants. Il suffit de voir les vidéos qui pullulent sur le Web pour en être convaincu. Les gens découvrent parfois le film grâce à elles », insiste Matthieu Pinon. Cinq chansons du film figurent parmi le Top 10 des musiques les plus écoutées dans le monde sur Spotify.
Aux Etats-Unis, une version karaoké est sortie en salle et les distributeurs invitent les spectateurs à se filmer en train de chanter et de danser. « C’est une bonne façon de se lancer dans la course aux Oscars notamment pour ces tubes qui ont de bonnes chances de figurer au palmarès », analyse Bastian Meiresonne. On parle d’ailleurs déjà d’une comédie musicale inspirée du film.
Pour autant, Bastian Meiresonne n’est pas certain que le triomphe de KPop Demons Hunters conduira le public à s’intéresser durablement aux produits culturels coréens. « Je crains que ce ne soit qu’un « one shot », prédit-il Ce film a correspondu aux attentes du public mais je ne pense pas qu’il attisera forcément sa curiosité pour d’autres œuvres ». Il a aussi peur que des imitations viennent gâcher la fête. « J’espère que ce succès va pousser les créateurs à inventer de choses plutôt que d’essayer de le copier », soupire-t-il. Une suite semble en tout cas des plus probables pour ce film tant aimé. On l’attend avec gourmandise.