Par

Thomas Blanc

Publié le

25 août 2025 à 18h58
; mis à jour le 25 août 2025 à 19h00

Marseille s’apprête une nouvelle fois à accueillir le Delta Festival, rendez-vous gigantesque qui draine chaque été près de 150000 festivaliers venus de toute la France et même de l’étranger, du 27 au 31 août 2025. Installé sur les plages du Prado, cet événement est devenu un point fort du calendrier estival marseillais. Mais à mesure que l’ouverture approche, les critiques reviennent aussi en force. Habitués des plages, riverains et élus se divisent : d’un côté un festival qui promet ambiance et retombées économiques, de l’autre des inquiétudes sur la privatisation d’un espace public et son impact écologique non négligeable.

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La plage, un espace public rare 

Pour Sylvain Ronca, président de l’association Les Nageurs du Prado, le Delta Festival empiète de manière problématique sur un espace déjà rare et précieux en plein été. « Des gens réunis par dizaines de milliers, cela crée des désordres », s’inquiète-t-il, rappelant que la plage est avant tout « un espace public dont doivent profiter les familles ». « Organiser un tel festival en été, c’est massacrer les loisirs des gens », persifle-t-il.

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Un argument central de son association est la « privatisation » temporaire du bord de mer : « Les grands festivals et rassemblements doivent être maintenus et encouragés, mais pas en pleine ville, pas sur le littoral. »

À ses yeux, les journées de préparation ressemblent davantage à l’établissement d’un chantier industriel qu’à la mise en place d’un rassemblement festif. Il dénonce sur Facebook le fait que « les parkings, les graviers, les pelouses de Prado Sud sont transformées en immense chantier ». Et d’énumérer : « ballets de semi-remorques, immenses grues, nuages denses de poussières, cris stridents des marches arrière de multiples Fenwick, armée de vigiles, érection de kilomètres de barrières. »

Des kilomètres de barrières, parfois opaques bloquent la vue sur la mer aux riverains et aux passants.
Des kilomètres de barrières, parfois opaques bloquent la vue sur la mer aux riverains et aux passants. (©Thomas Blanc / actu Marseille)

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Des places en partie accessibles

Face à ces critiques, l’organisation du festival nuance et cherche à rassurer. « Il y a une pensée globale qui fait croire que les plages sont inaccessibles, mais c’est faux. Nous n’utilisons pas du tout celle du Prado Nord. Elle est accessible avant, pendant et après le festival », assure un porte-parole auprès d’actu Marseille.

Les responsables précisent aussi que « la plage de Prado Sud n’est fermée que la veille du festival à 20h » et que « les installations y sont montées le jour même. » Pour eux, le dispositif ne conduit donc pas à une véritable privatisation : seule une partie limitée est temporairement fermée.

La signalétique aux abords du festival indique bien que la plage du Prado nord est accessible.
La signalétique aux abords du festival indique bien que la plage du Prado nord est accessible. (©Thomas Blanc / actu Marseille)Une étude d’impact à réaliser ?

Si l’opposition des habitués de la plage illustre la question de l’usage de l’espace public, d’autres voix soulignent les conséquences écologiques d’un festival de cette ampleur sur un milieu déjà fragilisé.

Hervé Menchon, adjoint au maire de Marseille en charge de la biodiversité, reconnaît la valeur festive de l’événement mais insiste sur ses effets. « Le Delta Festival est un super événement à destination des jeunes, mais il prend place sur l’espace public maritime pour lequel on a beaucoup travaillé. Ce milieu est déjà agressé par la canicule, on ne peut pas y ajouter le festival comme cela. »

Selon lui, une étude d’impact environnemental serait nécessaire, non seulement pour le bruit et la pollution lumineuse, mais également sous l’eau, dans le milieu marin.

« Cette étude doit être financée par les organisateurs du Delta Festival et non par la ville, autrement ce seraient les Marseillais qui paieraient », précise l’adjoint, porte-parole d’une partie des élus opposés au Delta Festival sous cette forme au sein d’une municipalité globalement favorable à l’évènement puisqu’elle lui délivre chaque année une autorisation d’occupation temporaire de l’espace public.

 Ce n’est pas parce que le Delta Festival fait des efforts qu’on peut excuser ses effets néfastes. Je leur propose un défi : se réinventer ailleurs, sortir de ce modèle économique soumis au bord de mer.

Hervé Menchon
Adjoint au maire de Marseille en charge de la biodiversité

Le Delta Festival dit « respecter le cahier des charges »

Un défi qui ne semble pas séduire l’organisation. Pour le Delta, l’attrait même de l’événement repose sur sa localisation.

 Les plages du Prado font l’ADN et la beauté du festival. Nous accueillons 150 000 personnes dont la moitié vient de l’extérieur de la région, attirées par cette carte postale.

Delta Festival

L’alternative, pour eux, n’existe pas. Ils balaient d’un revers de main les différentes solutions. « Le parc Chanot n’est pas dimensionné, l’hippodrome Borély demanderait trop de travaux », fait savoir le chargé de communication César Cornil.

Dernier point de friction : le bruit. Si les riverains expriment régulièrement leur exaspération face aux basses vrombissantes jusqu’à tard dans la nuit et qu’une étude diligentée par le Comité d’Intérêt de Quartier (CIQ) du Prado en 2022 établissait que la manifestation ne respectait pas les normes en vigueur à ce sujet, le festival se défend d’ignorer la réglementation.

« Nous avons des capteurs qui nous permettent de réagir en temps réel pour adapter le niveau sonore et nous respectons à la lettre le cahier des charges donné par la ville de Marseille », concluent les responsables de l’évènement.

De nombreux partenariats

Sur le point de vue environnemental, la présence de milliers de festivaliers fait craindre « des dégradations importantes » de l’espace à Sylvain Ronca, président des Nageurs du Prado.

Face à cela, le Delta Festival rappelle qu’il est en partenariat avec 56 associations environnementales pour nettoyer les plages du festival avant et après son déroulement mais aussi tout au long de l’année dans d’autres espaces de Marseille. « Sept plongeurs de l’association Team Oxygen nettoieront en profondeur la mer et des bénévoles s’occuperont de la plage avant et après le festival », confirme l’organisation également engagée auprès de Clean My Calanques par exemple.

La multiplication des partenariats par le festival avec des associations pour limiter son impact sur l’environnement relève « du greenwashing [c’est-à-dire redorer son image publique avec des actions pour en faire oublier d’autres] que je combats » , d’après Hervé Menchon.

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La manifestation a tout de même au moins une conséquence directe : la fermeture du Hublot, espace de sensibilisation à la biodiversité marine, durant deux jours à cause du bruit.

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