Après 160 tournois sans victoire sur le sol américain, l’Anglais aux cheveux longs remporte enfin la FedEx Cup et 10 millions de dollars. Portrait d’un éternel second devenu champion, adulé pour sa persévérance et son humanité.

«Ton parcours est un rappel que le travail, la résilience et le cœur finissent par payer. Personne ne le mérite plus que toi. Félicitations Tommy Fleetwood ». Dans le monde du golf, ce message vient de Dieu lui-même. Tiger Woods adoube. Le gotha du sport américain suit, de LeBron James à Michael Phelps. Dimanche soir à Atlanta, le destin se décide enfin à sourire à celui qui l’a tant attendu. Tommy Fleetwood, l’éternel second. Celui qui jusqu’alors incarnait à lui seul la beauté ingrate de ce sport n’avait jamais en 12 ans de carrière gagné un tournoi de la PGA, le célèbre circuit américain. Fleetwood a marqué l’histoire par des stats d’anti-héros. 30 top 5 sans victoire, le plus grand nombre pour un joueur au cours des 100 dernières années, et 44 top 10. Une régularité hors norme.

Né à Southport, au nord de l’Angleterre, Fleetwood est un enfant chéri adopté par le tour américain. Adoré des joueurs, et ultra populaire auprès du public, il fait partie des figures qui démocratisent et disruptent l’image du Golf. Cheveux longs, allure bohème, un peu rock mais toujours élégante, ce Jésus des fairways a fait de ce parcours fataliste une philosophie de vie qui a fini de conquérir les cœurs. Interrogé sur sa victoire, il répétait son mantra pour ses enfants. Peu importe la victoire ou la défaite, il faut « être quelqu’un de bien ». Fermez les rangs, c’est presque trop. Fils d’un professeur de golf, il s’est formé sur les links écossais balayés par les bourrasques, grandi dans la culture de ce sport qui ne pardonne rien mais qui, parfois, accorde des moments de grâce.

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« On l’a fait ensemble »

Des titres amateurs à la pelle, une entrée rapide sur le circuit professionnel en Europe où il s’était fait une place au soleil avec 7 victoires, Tommy Fleetwood a aussi remporté la Race to Dubai en 2017, et la Ryder Cup de 2018 en France où son binôme avec Francesco Molinari est entré dans l’histoire. Mais toujours cette ombre : jamais une victoire sur le sol américain après 160 tournois joués. Au fil des années, son palmarès impeccable devenait une ironie. Comment un joueur aussi aimé, aussi constant, pouvait-il ne jamais gagner parmi la quarantaine de tournois annuels. L’Anglais est alors devenu une mascotte. Gentil, drôle et accessible, il serre toutes les mains, signe tous les autographes, pose avec les fans venus en famille. On aimerait l’avoir à table. Marié à Clare Craig, de vingt-trois ans son aînée et sa manageuse, père du petit Frankie, beau-père attentif de deux adolescents, il affichait partout une tendresse désarmante. Le golf, souvent perçu comme un sport froid, trouve en lui une incarnation humaine, et une identification auprès de tous les amateurs plus habitués à la défaite et la frustration.

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« On l’a fait ensemble », a-t-il murmuré, en parlant de sa famille, de son équipe et de ses supporters. Des mots simples qui lui ressemblent en contraste avec l’ampleur de sa victoire. La FedEx Cup, compétition annuelle du PGA Tour, est une sorte de championnat du monde officieux, un contrôle continu de toute la saison, dont le bac est condensé en trois tournois. Gagner le dernier, c’est remporter l’ensemble, et être reconnu comme le meilleur joueur de l’année. Fleetwood, en signant cette première victoire s’est arrogé le trône du golf mondial. Et 10 millions de dollars. Un conte de fées aux ailes d’or.