Le nouveau lâcher s’est déroulé en catimini. Ce lundi 25 août au matin, trois visons d’Europe ont regagné la nature dans une localisation tenue secrète, quelque part dans la vallée de la Charente, entre Angoulême (Charente) et Saintes (Charente-Maritime).

Ces petits carnivores en danger critique d’extinction avaient besoin de quiétude pour faire leurs premiers pas en milieu « réel », après avoir grandi au sein d’un élevage conservatoire fondé en 2019 au sein du parc animalier Zoodyssée, à Villiers-en-Bois (Deux-Sèvres).

« Une cinquantaine de visons y ont vu le jour. C’est une vraie prouesse tant la reproduction de ce mammifère est compliquée », a expliqué Coralie Dénoues, présidente du Conseil départemental des Deux-Sèvres, lors d’un point presse organisé à Zoodyssée.

« Un sacré challenge »

« Cette réintroduction est un sacré challenge. Sur le papier, tout est fait que pour ça ne fonctionne pas : cet animal peut se reproduire une seule fois par an, les chaleurs de la femelle ne durent que trois jours et le couple peut être amené à se battre jusqu’à la mort. Nous aurons de la mortalité, nous le savons. Mais si nous ne faisons rien, l’espèce va disparaître », a souligné Olivier Thibault, directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB).

La population française est estimée à moins de 250 individus, principalement en Nouvelle-Aquitaine. Le vison d’Europe a perdu 90 % de ses effectifs au cours du XXe siècle. Zoodyssée et l’OFB, accompagnés par 150 partenaires, sont aujourd’hui les premiers en France à oser « une translocation » de ces mustélidés dans leur environnement primaire.

Cinq jeunes âgés de trois mois ont été lâchés le 7 août, trois le 25 août et deux doivent suivre le 8 septembre. L’objectif est d’arriver au chiffre de 100 individus regagnant la nature d’ici à 2031.

« Notre angoisse, c’est de les perdre »

Le défi est de taille car ce carnivore semi-aquatique survit là où l’environnement est préservé. « C’est une espèce parapluie, si elle arrive à vivre, c’est signe que les zones humides sont de qualité », a précisé le directeur de l’OFB. Sa raréfaction s’explique par la perte d’habitats favorables, essentiellement les zones humides et les cours d’eau, les collisions routières ou encore la progression du vison d’Amérique — qui se distingue de son homologue européen par l’absence de tache blanche sur la lèvre supérieure.

Pour que cette mise en liberté se passe au mieux, les équipes ont travaillé à une préparation en amont. Dans les 30 enclos de l’élevage conservatoire, les protégés sont déjà sous haute surveillance. « À J + 70 après la naissance, c’est l’émancipation, les petits se séparent de la mère. Nous sélectionnons les plus vigoureux qui passent ensuite deux semaines en enclos d’acclimatation in situ, où ils sont seuls. Au moment du lâcher, ils sortent par une trappe. Certains ont mis plusieurs heures, d’autres sont partis de suite », a détaillé Yann de Beaulieu, de l’OFB.

Ces animaux vifs et discrets sont équipés d’émetteurs permettant un repérage à 500 m. « Notre angoisse, c’est de les perdre. C’est arrivé lors du premier lâcher, nous avons eu un problème technique. Mais les premiers jours, nous avons pu constater qu’ils capturaient des proies et trouvaient des abris », a complété le spécialiste. Ce qui est déjà bon signe.