À Carnon, sur la plage du Petit Travers, le temps se lit autant dans le sable que dans les habitudes des baigneuses. Autrefois largement pratiqué et symbole de liberté, le topless se fait aujourd’hui rare. Trois générations racontent leur regard sur une tendance passée, qui n’a pourtant pas totalement disparu des plages.
Quand on vient depuis longtemps sur la plage du Petit Travers (Carnon), on remarque vite que le décor a changé. Une partie du parking est devenue payante et une piste cyclable a fleuri. Mais une autre évolution se lit dans le sable : le topless, autrefois roi, a presque disparu.
Une revendication
Cathy, fidèle du lieu depuis quarante-cinq ans, déplie toujours sa serviette au même endroit, entourée de ses amies. Ce petit groupe de femmes est un témoin précieux d’une pratique née de la libération sexuelle et de mai 1968 : « On voit de moins en moins de femmes seins nus, c’est flagrant. Nous, on continue, parce que ça fait partie de notre histoire », souffle-t-elle. À l’époque, cette mode qui consiste à bronzer ou se baigner seins nus s’était imposée en Europe de l’Ouest dans le contexte des grandes transformations sociales des années 1960-1970. Pour Cathy et ses amies, ce geste reste aujourd’hui une manière d’affirmer la liberté du corps féminin.
Leur démarche dépasse alors la simple question du bronzage. Ici, tomber le haut reste un acte militant. « C’est bien plus qu’esthétique, c’est plus une revendication », insiste Cathy. Marie, 66 ans, se souvient : « En 1976, quand j’avais 18 ans, tout le monde enlevait le haut. C’était la libération du corps de la femme. Mais attention, ce n’était pas toujours accepté… Un jour, des voisines de serviette nous ont insultées parce qu’elles craignaient que leurs maris nous regardent. »
3 questions au docteur William Jacot sur le lien entre topless et cancer du sein.
La pratique du topless peut-elle entraîner des cancers du sein ?
Pour le moment, il n’y a pas de lien entre l’exposition au soleil et le cancer du sein, qui se développe au niveau de la glande mammaire. Les principaux facteurs de risque restent familiaux, hormonaux ou encore l’âge. Donc, que l’on soit topless ou non, la peau de la poitrine demeure particulièrement fragile et sensible aux agressions des UV.
Quels sont les dangers liés à l’exposition de la poitrine au soleil ?
L’exposition au soleil peut accélérer le vieillissement de la peau. Mais le danger principal reste le cancer de la peau. Que ce soit sur les jambes ou sur la poitrine, le risque est le même. Le bronzage n’apporte aucun bénéfice pour la santé : il s’agit d’une réaction de la peau face à l’agression des UV. Cette protection naturelle est imparfaite et peut endommager l’ADN des cellules, favorisant à long terme l’apparition de cancers de la peau.
Quelles sont les recommandations pour bronzer en toute sécurité, avec ou sans maillot ?
Il est conseillé de ne pas s’exposer au soleil entre 12 h et 16 h. L’application d’une crème solaire SPF 50 + est indispensable, à renouveler toutes les deux heures et après chaque baignade.
« Jamais je ne le ferais seule »
Julie, une quarantaine d’années, est la fille de Marie. Elle perpétue l’habitude, mais avec prudence. « Je le fais parce que je me sens en sécurité dans ce petit groupe. Ici, je suis à l’aise. Mais je remets le haut dès que je me lève ou que je vais dans l’eau. Je ne pourrais pas le faire seule. » Pour elle, le topless n’est plus une évidence mais un moment partagé, entre femmes de confiance. Un peu plus loin, Ambre, 22 ans, s’installe avec sa mère et ses copines. Quand on évoque le topless, les jeunes se rappellent : « C’était la mode à ton époque, maman ! » Ambre admet : « Ce n’est plus vraiment dans les mœurs aujourd’hui. »
Pour cette génération, la raison est simple. « La poitrine est de plus en plus sexualisée. On n’a pas envie d’être regardées comme des objets. Et quand on a une forte poitrine, c’est encore pire », explique Sacha. « On va quand même oser mettre des bikinis, mais pas les seins nus », témoigne Ambre. Les chiffres, eux, confirment le déclin. Selon une étude Ifop de 2021, seules 16 % des Françaises de moins de 50 ans pratiquent encore le topless, contre 43 % en 1984. La pratique du topless appartient aux souvenirs, bien qu’un petit groupe d’irrésistible résiste encore.
Le règne du bronzage
Aujourd’hui, les femmes continuent de venir à la plage en arborant leurs plus beaux maillots de bain. Mais pour Jessica, hors de question de tomber le haut : l’essentiel, c’est le teint. « J’aime bien bronzer, ça évite d’avoir une tête de cadavre. Mais je garde le maillot. Enfin… je descends juste les bretelles pour ne pas avoir de marques. » Elle avoue : « Je mets de la crème sur le visage et les épaules, mais ailleurs j’évite pour bronzer plus vite. » Alors on garde le haut, on ajuste, on bronze.
Pour la jeune génération, le geste n’a plus rien de militant, il est esthétique. « Sur une plage réservée aux femmes, je pourrais peut-être le faire. C’est pratique pour éviter les traces du maillot », reconnaît Jessica. La jeune femme, s’y est déjà risquée une fois, « en bateau, entre copines. Parce qu’au fond, on a toute la même chose sous le bikini. Mais sur une plage publique, jamais ! »
Et demain ? Peut-être que le topless reviendra, comme un vieux tube de l’été que l’on redécouvre avec tendresse. Il survit, discret, tapi dans les plis des serviettes. Mais il a perdu sa charge révolutionnaire. En attendant, au Petit Travers, Cathy et ses amies, continuent de brandir leur maillot comme un étendard. Symbole d’une époque révolue, mais aussi d’une liberté qu’elles refusent d’abandonner.
« Sun-tattoo », « burn-line » et « tan-lines » : pourquoi ces pratiques sont dangereuses ?
Sur TikTok et Instagram, les hashtags #burnlines, #tantok ou encore #suntattoo cumulent des millions de vues autour d’une tendance estivale préoccupante. Le principe : obtenir des marques de bronzage très contrastées, parfois jusqu’à la brûlure, ou dessiner des motifs avec de la crème solaire pour créer un « tatouage » éphémère. Pour y parvenir, certains internautes n’hésitent pas à s’exposer aux heures les plus chaudes de la journée.
Une pratique jugée extrêmement dangereuse par les dermatologues, mais aussi par le ministre de la Santé Yannick Neuder, qui a mis en garde : « Votre peau, c’est votre vie. Vous n’en avez qu’une, ne la sacrifiez pas pour 30 secondes de buzz. » Le rappel est d’autant plus nécessaire que, chaque année en France, 141 200 à 243 500 cancers de la peau sont diagnostiqués, dont 112 960 à 194 800 directement liés à une surexposition aux UV, selon Santé publique France.