Les baleines de Cuvier intriguent les scientifiques par leur capacité à plonger plus de 3 000 mètres et à survivre sans oxygène durant plusieurs heures – DailyGeekShow.com
Leurs plongées sont vertigineuses. Leurs corps défient la biologie humaine. Et pourtant, on les connaît si peu. Les baleines de Cuvier, championnes de l’immersion extrême, pourraient inspirer de nouveaux traitements contre les AVC, le cancer et même Alzheimer. Voici comment ces mystérieux cétacés des profondeurs bouleversent la recherche médicale.
Ces cétacés survivent sans oxygène grâce à un métabolisme radicalement différent
Elles plongent à plus de 3 000 mètres de profondeur. Elles restent parfois plus de trois heures sans respirer. Les baleines de Cuvier (Ziphius cavirostris), que certains surnomment les « bulldogs de l’océan« , possèdent un ensemble d’adaptations physiques et génétiques.
Ces dernières les rendent presque invulnérables à l’hypoxie, cette privation d’oxygène si dangereuse pour nous.
Pendant que nous perdrions connaissance, elles continuent de chasser calmement dans les abysses. Leur secret ? Un métabolisme réglé comme une horloge, un volume sanguin doublé par rapport au nôtre, une hémoglobine surpuissante, et une capacité à ralentir leur rythme cardiaque jusqu’à 10 battements par minute.
Ainsi, les chercheurs de l’Université Duke, menés par Jillian Wisse et Nicola Quick, espèrent percer ces secrets pour les appliquer à la médecine humaine.
Lire aussi Il ne pourra en rester qu’un : à la découverte de l’adorable chat « Highlander »
En effet, les mêmes mécanismes cellulaires sont impliqués dans les AVC, les cancers, ou encore les dégénérescences neuronales : maintien de l’énergie sans oxygène, réduction du stress oxydatif, contrôle de l’inflammation.
Des échantillons de peau et de cerveau révèlent des mécanismes inédits de survie cellulaire
Pour comprendre ces adaptations, il faut prélever des échantillons vivants. Cependant, approcher ces baleines insaisissables relève de l’exploit. En effet, elles passent 90 % de leur temps en immersion. Lorsque l’équipe de Wisse parvient à en localiser une, ils ont moins de deux minutes pour tirer une fléchette et récupérer un fragment de peau.
Ensuite, une fois en laboratoire, les cellules épidermiques sont exposées à des conditions d’hypoxie extrême. Et là, surprise : elles continuent de consommer de l’oxygène à haut niveau.
Lire aussi Fascinant : un monde peuplé de créatures étranges découvert dans les profondeurs de l’Atlantique
C’est tout l’inverse des cellules humaines ou bovines. Par ailleurs, les chercheurs ont aussi découvert des gènes mitochondriaux uniques. Ces gènes maintiennent la production d’énergie même en atmosphère pauvre en oxygène.
Le plus fascinant reste sans doute le cerveau. Les équipes norvégiennes de Lars Folkow ont identifié chez les baleines un taux de neuroglobine 15 fois supérieur à celui du bœuf. Cette protéine protège les neurones du stress oxydatif. Elle agit comme un antidote cellulaire contre les AVC.
Vers des traitements contre l’AVC et le cancer inspirés des mécanismes de plongée extrême
Ce que les baleines de Cuvier accomplissent naturellement, les médecins rêvent de l’imiter. Ainsi, selon Jason Somarelli, oncologue à Duke, les mammifères marins auraient séparé leur réaction inflammatoire de leur sensibilité à l’oxygène. C’est une prouesse biologique. Elle pourrait permettre des traitements plus fins et plus sûrs.
Lire aussi Tête dans les étoiles et pattes dans la bouse : ce scarabée bousier s’oriente grâce à la Voie lactée
De ce fait, on imagine déjà des médicaments bio-inspirés. Ils pourraient protéger le cerveau lors d’interventions chirurgicales. Ou encore réduire les dégâts des AVC.
Ou bien ralentir certaines tumeurs. D’ailleurs, d’autres équipes travaillent sur les systèmes de réparation de l’ADN des baleines boréales. Certaines explorent leur résistance à Alzheimer.
Bien sûr, tout reste à découvrir. Cependant, la mer, une fois encore, pourrait être le plus vaste des laboratoires naturels.
Et peut-être qu’un jour, quand une patiente réchappera d’un AVC grâce à un traitement inspiré d’une baleine, on repensera à cette minute et demie. Ce moment suspendu, où une créature abyssale a croisé le regard d’une scientifique, en silence, au large de la Caroline du Nord.