L’Agence Média Palestine s’est entretenue avec Gabriel Cardoen, militant d’Urgence Palestine à Strasbourg, qui a été la cible de harcèlement à son domicile par des militants d’extrême-droite.

Jo Westphal pour l’Agence Média Palestine, le 25 août 2025

« Dans la nuit du 24 au 25 juillet, on a eu des tags sur notre immeuble : « Fuck Palestine », « Bureau du Hamas, 4eme étage », des drapeaux français avec le ruban jaune de soutien au régime israélien… Le lendemain, une tentative d’intrusion. Le surlendemain, la porte vitrée de l’immeuble est brisée, en pleine journée… »

Le drapeau de la Palestine flotte aux côtés d’un drapeau LGBT+ et d’un autre de la Kanakie, sur le balcon de Gabriel Cardoen, militant d’Urgence Palestine à Strasbourg, qui vit en colocation avec un·e autre membre du collectif. Leur domicile est la cible de harcèlement depuis plusieurs mois.

« Il y a quelques mois, on avait déjà eu des autocollants sur la porte en bas, puis a-carrément une croix noire sur la porte de notre appartement, comme pour dire ‘on sait où vous habitez’. On avait porté plainte à ce moment-là, sans grand espoir de justice mais avant tout pour se protéger, pour avoir une trace et mener un action politique en médiatisant cette histoire. »

« Cette fois-ci, c’est une banderole accrochée à notre balcon, avec le slogan ‘De la mer au Jourdain’ qui a déclenché cette colère. » Si les voisin-es direct-es de Gabriel sont très favorables à la banderole « De la mer au Jourdain », ce n’est pas le cas d’autres : « Nous avons reçu un courrier d’un ‘comité de voisins’, anonyme, de mise en demeure de retirer la banderole sous dix jours, sans préciser les démarches envisagées en cas de refus… Les dix jours sont écoulés, pour l’instant, pas de nouvelles. »

« Un autre courrier de mise en demeure de retirer la banderole, cette fois du propriétaire, sous peine de mettre fin au bail : là encore, la base légale de cette action n’est pas claire, j’attends un retour de mon avocate. Mais je ne retirerai pas ma banderole. »

« Ça ne fait que renforcer notre détermination »

« Nous sommes dans un quartier juif, ce qui n’est bien sûr pas le problème, mais qui donne aux sionistes un sentiment de confiance. De plus, le préfet leur donne raison en interdisant des manifestations pour la Palestine dans ce quartier, comme si notre mouvement de solidarité était hostile au quartier juif, ou comme si le quartier juif était en antagonisme avec le mouvement de solidarité pro-palestinien. »

« C’est faux, bien sûr, comme dans tous les quartiers, il y a de tout. J’habite ici depuis des années, je me balade avec mon keffieh, je suis facilement reconnaissable, et je n’ai jamais eu de problème. »

« Nous n’avons aucune idée du ou des groupes dont émanent ces actes, mais en réalité, ils sont isolés. Il s’agit d’une minorité bavarde qui prend beaucoup de place. »

Le 25 juillet et les jours qui suivent, Gabriel raconte avoir reçu de nombreux messages de soutien, et observé beaucoup de passage devant l’immeuble, des personnes curieuses, touchées et solidaires lui faisant des signes. « C’est un peu l’occasion pour beaucoup de faire leur coming-out de non-sionistes », ironise-t-il, « et pour des membres de la communauté juive alsacienne de se démarquer de ces harceleurs en affirmant que oui, on peut être juif sans être pour Israël. »

La maire écologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian a condamné ces actes d’intimidation : « Ce climat de peur, cette montée inquiétante de la tension et de la violence sont graves », a déclaré Mme Barseghian, qui a apporté son soutien « aux personnes visées, ainsi qu’aux habitants de l’immeuble qui expriment leur crainte ».

Choquées également, 40 organisations locales ont signé un communiqué d’Urgence Palestine qui les condamne, affirmant leur droit à dénoncer le génocide perpétré par Israël à Gaza. L’affaire a également suscité le soutien de plusieurs organisations politiques et associatives strasbourgeoises qui, jusqu’ici, étaient demeurées plutôt silencieuses quant à la Palestine. 

« Au final, ça ne fait que renforcer notre détermination et notre union. Et à la réunion du collectif qui a suivi, nous avions une vingtaine de nouvelles personnes ! On continue la lutte, plus que jamais, et on appelle tout le monde à nous rejoindre. »