Que prépare l’armée russe dans l’Arctique ? Cette région du monde à l’importance stratégique croissante a régulièrement servi de zone de test pour des armes nucléaires soviétiques, notamment sur l’archipel de Nouvelle-Zemble, un territoire de la taille du Portugal situé au nord de la Russie européenne. Une importante activité militaire dans la zone ces derniers jours, confirmée par des images satellites, pointe vers le test d’une arme en développement par Moscou : le missile à propulsion nucléaire Bourevestnik, sans équivalent dans l’arsenal russe.

Maintien du secret

Comme le souligne le Barents Observer, média spécialisé sur l’Arctique et le nord de la Russie, aucune information publique n’a été dévoilée par l’armée russe ou l’entreprise d’État russe spécialisée dans le nucléaire Rosatom concernant les opérations en cours en Nouvelle-Zemble. Le trafic aérien civil au-dessus de l’archipel a cependant été stoppé pendant plusieurs semaines, tandis que les autorités côtières de l’Arctique russe, basées à Mourmansk, ont déconseillé le passage de navires dans les eaux au nord-est de la mer de Barents.

Selon le média spécialisé, ces restrictions ont été imposées afin d’assurer le test d’un Bourevestnik 9M730, missile bénéficiant théoriquement d’une portée de plus de 20 000 kilomètres, lui permettant de toucher n’importe quel point du globe. Ce missile à armement nucléaire, présenté par Vladimir Poutine aux côtés de plusieurs autres armes en mars 2018, avait été décrit par le président russe comme « invulnérable » aux moyens d’interception contemporains et futurs.

Activité militaire intense

Le test supposé aurait été conduit à Pankovo, site de lancement de Bourevestnik lors du test de mars 2018, autour duquel on observe une activité maritime intense, plusieurs navires ravitaillant la zone ou restant stationnés à proximité de la base pendant plusieurs semaines.

L’opération conduite pendant les trois premières semaines d’août a mobilisé de nombreuses ressources militaires russes, dont un avion de détection et de commandement aéroporté Iliouchine A-50, déployé sur la base aérienne Rogatchevo, au sud de l’archipel de Nouvelle-Zemble. « [L’Iliouchine A-50] pourrait être là pour suivre et mesurer le vol du missile lui-même, mais il est peut-être plus probable qu’il surveille et coordonne les opérations de vol liées aux essais », a souligné Lars Peder Haga, professeur associé de l’Académie de l’armée de l’air norvégienne et spécialiste de l’aviation militaire russe, auprès du Barents Observer.

La base aérienne a également abrité huit hélicoptères ravitaillant les sites de Pankovo et Severny, deux Soukhoï Su-35 servant vraisemblablement à sécuriser l’espace aérien en cas de test de missile, ainsi que plusieurs avions de transport : un Antonov An-72, un An-26 et un Iliouchine Il-76. Enfin, deux autres avions notables sont toujours présents à Rogatchevo : des Il-976 SKIP appartenant à Rosatom. Ces modèles ont été spécialement conçus pour surveiller et effectuer des relevés liés aux tests de missiles nucléaires, selon Lars Peder Haga.

Le Barents Observer pointe par ailleurs une visite de Vladimir Poutine le 21 août à Sarov, une ville fermée abritant un centre de recherche nucléaire, officiellement pour observer les avancements de son pays dans plusieurs domaines de la recherche nucléaire ; la chaîne Telegram Deti Arbata rapporte cependant qu’il s’est rendu sur place pour obtenir un rapport du test du Bourevestnik.

Des tests aux résultats contrastés

L’activité russe dans la région n’est pas passée inaperçue : les États-Unis ont déployé dès le 5 août un WC-135R Constant Phoenix, avion utilisé par l’armée de l’air américaine pour la collecte de particules de l’atmosphère afin de détecter et analyser une éventuelle explosion nucléaire.

En dépit de l’enthousiasme du président russe concernant cette nouvelle arme, le Bourevestnik aurait jusqu’à présent connu des tests peu concluants. CNBC dévoilait en 2018 qu’un missile à propulsion nucléaire s’était écrasé dans la mer de Barents, à proximité de la Nouvelle-Zemble, quelques mois avant que Vladimir Poutine ne dévoile sa nouvelle arme.

En 2019, une explosion en mer Blanche au cours d’une mission de récupération d’un petit réacteur nucléaire, servant potentiellement à la propulsion d’un missile, a tué cinq experts de Rosatom. Si les autorités russes maintiennent le secret sur ces incidents, les informations disponibles pointent vers des tests infructueux de missiles Bourevestnik. Le résultat du test conduit cet été est quant à lui pour l’instant inconnu.