Une intégration facile à Bruxelles
Nancy s’est lancée sur son compte The Guide Brussels dès son arrivée en Belgique, après un départ de son pays d’origine, le Liban. « Nous avons quitté le pays, fin mars 2021, à cause de la crise financière. Elle a causé une grande inflation, qui a touché le secteur des banques. Comme j’étais banquière, cette crise a aussi touché ma carrière. Et quand il y a eu l’explosion du port de Beyrouth, cet événement a été un déclic ». Avec son mari francophone, ils décident de s’installer en Belgique, malgré l’inconnu. « À Bruxelles, j’ai eu tout de suite ce sentiment du ‘chez moi’. Je ne peux pas l’expliquer. Franchement, tout était un coup de cœur pour moi. J’ai senti que c’est une ville friendly, une ville où je me sentais bien dès le premier jour, dès le premier instant ». La présence d’une grande communauté internationale l’a aidée. « C’est assez facile de s’intégrer à Bruxelles, vu qu’il y a énormément d’expatriés. Tu ne te sens pas étrangère, parce que beaucoup de gens que tu rencontres sont aussi des internationaux », détaille-t-elle. Prendre le nom « The Guide Brussels » n’était pas controversé pour Nancy. « C’est sûr que j’aurais pu voir ça comme une faiblesse parce qu’il y avait plein d’autres personnes qui connaissaient la ville mieux que moi et qui savent parler français mieux que moi », explique-t-elle. Mais Nancy assure que c’était un contenu qui manquait à la capitale pour la mettre en valeur.
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En tant que non-européenne, Nancy a dû s’adapter comme nouvelle arrivante, à l’époque sans parcours d’intégration. « Je ne savais pas qu’il y avait trois langues en Belgique et qu’on prononçait d’une telle manière Maison Dandoy », se souvient-elle. Continuer sa carrière de banquière n’était pas possible, sans notion de néerlandais et avec un visa touristique. Elle décide alors d’ouvrir son compte Instagram, dédié aux bonnes adresses bruxelloises. « Je postais tout le temps sur mon compte personnel. J’aime partager des bons plans, et donc j’ai décidé de commencer très vite à mon arrivée », raconte Nancy. « La première année, tu testes ce que tu veux faire, en tenant compte de ce que les gens aiment. Je faisais principalement des vidéos sur des restos où on allait, des musées, des balades… Mais c’est sûr que tu ne vas pas être contactée directement par des établissements, dès le premier post ».
Créer du contenu sans aucune rémunération a donc été un fameux pari pour elle au début. Elle profite alors de sa propre découverte de la Belgique en famille pour son contenu Instagram. « Comme on était encore nouveaux ici, on voulait de toute façon découvrir, donc à chaque fois qu’on sortait en famille, je filmais. Même si on me demandait d’arrêter de filmer, je savais que je voulais faire ça ». En persévérant, sa communauté se construit petit à petit, jusqu’à atteindre aujourd’hui plus de 220 000 abonnés sur Instagram et obtenir régulièrement des collaborations.
Lucie Dupont, alias Energybowlz, l’influenceuse belge suivie par les Français : « Il y a des moments où ma réalité n’est pas parfaite »Des collaborations rémunérées
D’après Nancy, le fait que les influenceurs reçoivent tout gratuitement est un cliché qui colle à la peau du métier, raison pour laquelle elle préfère sélectionner avec choix les invitations qu’elle accepte. « Je comprends parce que je connais les galères par lesquelles on passe en tant que créateur de contenu en Belgique, mais tout accepter et faire des promotions gratuites, cela nuit au métier. Et ça nous punit tous », juge-t-elle. Elle tente aussi de garder une part importante de spontanéité dans ses posts, mais cela demande énormément de sacrifices.
« Pour faire ce métier, moi je le dis tout le temps, il faut être entre guillemets riches, parce que les premiers 18 mois, ce n’est pas du tout rentable. Ce ne sont pas des invitations qui payent tes factures », témoigne-t-elle. « Le peu d’argent que j’avais, au lieu de m’acheter des fringues avec, je l’utilisais pour investir dans ma page. Et quand je n’avais rien, je filmais des parcs, des activités gratuites, des cafés. Mais j’ai énormément bossé pour construire cette communauté », se remémore la créatrice de contenu. À présent Nancy est rémunérée par certains restaurants pour les tester et parler d’eux. « J’ai des collaborations avec certains restaurants, dont les montants varient en fonction de leur budget », décrit-elle. À cela s’ajoutent parfois des collaborations annuelles, avec de plus grandes institutions, politiques par exemple, qui lui permettent de couvrir ses dépenses principales.
De la place pour les petits business
Désormais bien installée dans le monde des réseaux sociaux, Nancy n’est pourtant pas libérée de toutes difficultés. Recommander un restaurant reste un exercice délicat, d’après elle. « Mon expérience d’un soir peut être bonne, mais la tienne le lendemain peut être différente. Je fais de mon mieux pour que la base soit là, avec des plats faits maison, de bonne qualité, avec de l’authenticité dans l’assiette ». En cas de mauvaise expérience, elle préfère alors ne pas parler de l’établissement en question. « Je ne suis pas là pour dénigrer des restaurants. Sauf si quelque chose de grave est arrivé – comme du manque de respect, du racisme ou de l’escroquerie – je préfère juste ne pas poster », justifie-t-elle.
Avec le temps, Nancy a aussi appris à prendre du recul sur les phénomènes de mode dans la food. « Parfois, je vois un nouveau restaurant qui vient d’ouvrir, et qui est très hypé. Tout le monde veut aller là-bas. Au début, on est très enthousiaste et on rêve de recevoir des invitations. Mais aujourd’hui, je n’ai pas envie d’aller juste là où tout le monde va. Je veux aussi aller dans les petits business qui n’ont pas de budget de communication, mais qui méritent d’être soutenus », souligne la néo-Bruxelloise, qui insiste sur la nécessité d’une présence en ligne pour les restaurants. « Franchement, tout le monde scrolle maintenant, cela a remplacé la publicité traditionnelle », affirme la Libanaise d’origine.
Un manque dans le nord de Bruxelles
Elle regrette toutefois que le monde « tendance » de l’horeca se concentre surtout au sud de Bruxelles. « J’aimerais vraiment qu’ils ouvrent plus d’adresses qui valent le détour dans le nord. Je fais énormément de recherches, mais je trouve souvent des petits bars de quartier qui n’attirent pas vraiment ». Mais elle n’abandonne pas, car elle est persuadée qu’il existe un vrai public. « Ma communauté me demande tout le temps des adresses dans le nord. Il y a plein de gens qui vivent là, qui aiment sortir, qui veulent des cafés de spécialité, et aussi des lieux trendy ».
Malgré les difficultés, Nancy reste passionnée. « Bruxelles me surprend encore tous les jours. Je n’ai pas peur de me lasser ». Elle espère pouvoir vivre un jour uniquement de son contenu, sans collaborations rémunérées. « Mais alors, il faudrait qu’Instagram et TikTok nous payent pour les vues que nous faisons », reconnaît-elle.