Pionnière de l’agriculture urbaine, la Cité de l’agriculture a annoncé sa liquidation judiciaire le 1er août dernier. Après dix ans au service du territoire marseillais et régional, la structure cesse toutes ses activités, faute de financements publics suffisants. Salariés et partenaires dénoncent une « erreur » qui prive la ville d’un acteur essentiel.

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« Après dix ans d’activité au service du territoire marseillais et régional, nous sommes au regret de vous annoncer la liquidation judiciaire et, de ce fait, la cessation totale des activités de notre association », peut-on lire sur le site de la Cité de l’agriculture.

Créée en 2015, l’association, installée dans le 1er arrondissement de Marseille (Bouches-du-Rhône), avait accompagné la naissance et la structuration de centaines d’exploitations agricoles à Marseille et à Aix-en-Provence.

Mais son modèle, largement dépendant des subventions, n’a pas résisté. « Comme la plupart des associations, la Cité n’avait pas de réserves financières pour faire face à l’austérité actuelle », explique la structure sur son site internet.

La fermeture laisse un goût amer aux anciens membres. Pour l’une d’entre eux, l’annonce a été vécue comme un choc : « c’est un deuil, c’est la perte d’un réseau central”. Derrière la fermeture, c’est aussi un sentiment d’épuisement. « Notre fonctionnement de base a été mis à mal. On a la sensation d’avoir fourni énormément d’efforts, mais les décisions nous essoufflaient au quotidien. Les retards de subventions peuvent être fatals : un trou de 100.000 euros, pour une association, c’est un gouffre », exprime Alina Bekka, ex co-directrice de la Cité de l’agriculture.

Les acteurs de la Cité disent avoir anticipé la baisse des financements et tenté de diversifier leur modèle économique. Mais cela n’a pas suffi. « Ce n’est pas qu’un problème local. On constate une hausse de 50% des liquidations judiciaires d’associations en 2025. On veut que notre disparition serve d’électrochoc. »

En quatre ans, plus de 200 projets ont ainsi été accompagnés. Stages, formations, vocations suscitées : la Cité servait aussi de tremplin à des jeunes curieux de découvrir l’agriculture urbaine. Pourtant, le paradoxe est cruel : en trois ans, le nombre de fermes sur le territoire métropolitain est passé de 55 à 80 fermes, preuve de l’essor de l’agriculture urbaine.

Alina Bekka rappelle l’importance de cette structure : “on avait fait le pari de relier des mondes qui ne se parlent pas spontanément : urbains et ruraux, producteurs et consommateurs, collectivités et collectifs citoyens. La Cité faisait en sorte que les projets se parlent pour agir ensemble. Ça prend du temps de coopérer, et nous faisions gagner ce temps au territoire ».

Avec une double mission, agriculture urbaine et alimentation durable, la Cité jouait un rôle dans l’écosystème local. Elle aidait les maraîchers à trouver des terrains, les accompagnait dans leurs démarches administratives et formait les nouvelles générations à des pratiques respectueuses de l’environnement.

Elle portait plusieurs projets, aujourd’hui à l’arrêt. C’est le cas de la Ferme Capri (15e arrondissement), terrain cultivé appartenant à la Ville, lieu d’animations et de dons alimentaires aux familles des quartiers Nord. Mais aussi le hameau agricole de Sainte-Marthe (14e), une exploitation de trois hectares destinée à la formation de jeunes maraîchers, qui ne verra pas le jour.

Elle a organisé des événements comme les 48 heures de l’agriculture urbaine, les Journées de l’agriculture paysanne, le Cortège des transitions ou encore la préparation d’un Projet alimentaire territorial, dont elle devait être le pivot, ainsi qu’un projet européen que la Ville devra reprendre.

Dans cette liquidation judiciaire, la Ville de Marseille a tenu à préciser sa position. Elle assure que, « contrairement à la Métropole Aix-Marseille, au Département et à la Région qui ont cessé leur soutien financier à la Cité de l’Agriculture, [elle] est restée un partenaire constant et engagé ».

Elle rappelle avoir signé en 2024 une convention triennale et versé un total de 208.000 € sur trois ans : 58.000 € en 2023, 80.000 € en 2024 et 70.000 € en 2025.

Au-delà des projets, c’est toute une expertise territoriale et une aide à tous les porteurs de projets qui veulent s’engager à cultiver qui s’arrêtent.

Ville de Marseille

à France 3 Provence-Alpes

Consciente du rôle essentiel de la structure, la Ville promet de rester mobilisée pour « préserver les dynamiques et construire, avec les acteurs locaux, de nouvelles solutions au service de l’agriculture urbaine ».

De son côté, le Département rappelle avoir soutenu l’association via un dispositif spécifique à l’agriculture urbaine. Si entre 2022 et 2025, la Cité a bénéficié de 86.000 € de subventions départementales, ces aides ont progressivement chuté : une baisse de 25 % entre 2022 et les subventions de 2023, puis une baisse de 51 % entre 2023 et 2024. « Les aides du Département ont représenté environ 6% de son budget annuel », se défend l’institution.

La subvention de la Région est également passée de 80.000 € en 2024 à 70.000 € en 2025. La Métropole a, elle aussi, réduit son soutien : 65.000 € en 2025 contre 70.000 € en 2024. Elle précise avoir dissocié les financements entre la Cité de l’agriculture (45.000 €) et Vrac Marseille (20.000 €), association devenue autonome. Une « restructuration », pas une baisse, affirme-t-elle à La Provence.

Une chose est sûre : pour les acteurs locaux, la disparition de la Cité marque un recul majeur pour l’agriculture urbaine à Marseille. Alina Bekka, co-directrice de la structure conclut : « on transformait des graines en projets solides. C’est dommage : ça fonctionnait. Mais on veut voir ce qui peut naître dans les braises chaudes de notre disparition ».