À Palavas-les-Flots, les restaurateurs voient leurs terrasses se vider tandis que les plages se remplissent de vacanciers équipés de glacières. Face à la baisse du pouvoir d’achat, le pique-nique s’impose comme l’alternative économique de l’été, au détriment des tables en bord de mer.

Mais où sont-ils ? C’est la question que se posent les restaurateurs de Palavas-les-Flots, qui patientent devant leurs terrasses désertes. Pourtant, du monde, il y en a. « On ne comprend pas, on voit les gens déambuler, mais ils ne s’arrêtent pas », soupire Malek, patron du restaurant Va Bene. Sa terrasse est prête, mais les clients manquent. Et au fond, il connaît déjà la réponse : « On les voit passer avec la glacière sous le bras et la chaise pliante. Ne cherchez pas, ils vont à la plage. »

Face à la baisse du pouvoir d’achat, les vacanciers adaptent leurs habitudes : séjours plus courts, plus fréquents, et un budget restauration réduit. Résultat : en juillet 2025, les restaurateurs héraultais enregistrent en moyenne – 20 % de chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. Et le pique-nique, depuis la plage, fait de l’ombre aux terrasses.

Des habitudes qui changent

Chez Le Petit Mousse, le constat est le même. « De toute façon, s’ils ne sont pas sur ma terrasse, c’est qu’ils sont sur le sable », lâche un serveur en dressant les tables. Depuis quelques saisons, les restaurants de bord de mer sont délaissés au profit du pique-nique, devenu le nouveau « menu économique » de l’été.

« Les contraintes sont de plus en plus fortes, les gens ont dû changer leurs habitudes. Pour moi, ça se traduit par une baisse de 30 % en juillet », constate Malek. Les familles, elles, font vite leurs calculs : dans un restaurant de gamme moyenne, un repas coûte aujourd’hui entre 20 à 40 € par personne. « À quatre, ça chiffre vite. Quand mes enfants étaient petits, on allait plus souvent au restaurant. Mais maintenant qu’ils mangent comme des adultes, ce n’est plus possible. Si c’est pour se restreindre et ne pas choisir ce qu’on veut, ça n’a pas de sens », confie une mère de famille.

Économiser à tout prix

Pour réduire la note, certains clients cherchent à faire des économies coûte que coûte. Les restaurateurs sont les premiers à assister à ça : « Tous les jours, j’ai des clients qui s’installent à quatre pour partager une seule pizza. Le problème, c’est qu’ils bloquent une table, et je ne peux pas servir d’autres clients », regrette Malek. « On fait aussi de l’emporté, mais même là ça ne fonctionne pas comme on le voudrait. Pourtant la pizza n’est qu’à 12 euros. »

La restauration rapide, elle, résiste un peu mieux. « On est moins touchés que les restaurants traditionnels, mais on voit clairement de plus en plus de pique-niques », note Marion, patronne du snack Miami, ouvert en 2007. Comme beaucoup, elle a connu un boom après le Covid, mais aujourd’hui la tendance s’inverse : « Depuis deux ans, le chiffre d’affaires recule. Avant, les gens prenaient un menu complet. Désormais, ils arrivent avec leur sac de courses et commandent juste une barquette de frites pour compléter. »

Les clients viennent avec leur sac de course commander une barquette de frites.

Les clients viennent avec leur sac de course commander une barquette de frites.

Les gagnants : les boulangeries

À Palavas-les-Flots, ce sont les boulangeries qui tirent leur épingle du jeu. Proches des plages, elles sont prises d’assaut dès le matin pour des sandwichs, pizzas ou salades à emporter. « Normalement, on prépare le casse-croûte nous-mêmes, mais là on n’a pas eu le temps, alors on prend à emporter », raconte une cliente dans la file d’attente.

Pourquoi pas le restaurant ? La réponse est simple : « Parce que ça coûte moins cher. Ici, le sandwich est à 6 euros. On fait des économies comme on peut », assume-t-elle. Les enseignes locales le confirment : « On vend énormément, surtout entre 11 h et 13 h 30 où les familles débarquent pour préparer le pique-nique. On est souvent obligés de refaire une fournée, parfois deux », explique une vendeuse de la boulangerie Galzin. À la fin de la journée, le résultat est sans appel : entre 80 et 95 sandwichs vendus par jour.

De son côté, Malek refuse l’idée de baisser l’addition : « On ne peut pas rogner les prix comme ça. Si on réduit, les clients vont s’y habituer et ce sera intenable pour nous. Le vrai problème, c’est le pouvoir d’achat. Il faudrait que les gens aient à nouveau les moyens de venir au restaurant. »

Alors pendant que les terrasses se vident, les plages se remplissent de familles armées de glacières et de sacs de courses. Non sans un petit pincement au cœur, certains l’avouent : « Si on pouvait manger tous les jours au restaurant, on le ferait, c’est bien meilleur. Mais malheureusement, le budget ne suit pas toujours », concède un groupe de jeunes assis sur le sable. En attendant, les restaurateurs voient les clients leur passer sous le nez, glacière sous le bras.