Pendant qu’Israël poursuit sa guerre génocidaire à Ghaza et se prépare à lancer une invasion militaire de la ville de Ghaza, par le terrassement de quartiers entiers, la rue israélienne gronde et des centaines de milliers de personnes ont paralysé hier Tel-Aviv et de nombreuses autres régions réclamant un accord de cessez-le-feu, la libération des otages et la fin de la guerre.
Alors que le cabinet de sécurité du Premier ministre israélien se réunissait pour approuver les plans préparatifs opérationnels pour l’occupation militaire de la ville de Ghaza, dans un climat d’émeute provoqué par d’importantes manifestations populaires appelant à un accord de cessez-le-feu, la libération des otages et la fin de la guerre, 209 anciens ambassadeurs de l’Union européenne (UE), hauts fonctionnaires diplomatiques et ambassadeurs des Etats de l’UE ont appelé, hier, à une action urgente contre la guerre à Ghaza et les actions illégales en Cisjordanie. Dans une lettre signée et rendue publique hier, les signataires ont estimé que «même si l’UE n’agit pas collectivement, les Etats membres doivent prendre des mesures individuellement ou en petits groupes pour soutenir les droits de l’homme et faire respecter le droit international». La lettre présente au moins neuf actions possibles.
Il s’agit de «la suspension des licences d’exportation d’armes, l’interdiction du commerce de biens et de services avec les colonies illégales et l’interdiction pour les centres de données européens de recevoir, de stocker ou de traiter des données provenant du gouvernement israélien ou de sources commerciales si elles sont liées à la présence et aux activités d’Israël à Ghaza et ailleurs dans les territoires occupés». Parmi les signataires, 110 anciens ambassadeurs, 25 anciens directeurs généraux et deux des plus hauts diplomates de l’UE – Alain Le Roy, ancien secrétaire général du service européen des affaires extérieures, et Carlo Trojan, ancien secrétaire général de la Commission européenne.
«Cela a touché une corde sensible», a déclaré, au journal britannique The Guardian, Sven Kühn von Burgsdorff, ancien représentant de l’UE dans le territoire palestinien et membre d’un groupe de pilotage de six anciens diplomates coordonnant l’initiative qui a débuté à la mi-juillet. «Il y a une telle consternation au sein des institutions, les gens disent que c’est assez», a ajouté Kühn von Burgsdorff, en soulignant : «Nous ne pouvons pas rester paralysés si les 27 Etats membres ne peuvent agir, car cela trahirait nos valeurs.
Nous avons donc proposé neuf mesures qui peuvent être prises au niveau des Etats ou par des groupes d’Etats.» Selon lui, «les gouvernements européens perdent en crédibilité non seulement dans les pays du Sud, mais aussi auprès de nos propres citoyens, dans chaque Etat membre». Pour étayer ses propos, il a rappelé les résultats d’un sondage effectué en Allemagne, son pays natal, connu pour être un indéfectible allié d’Israël, qui démontre que «80% de la population désapprouvent les actions de l’Etat hébreu à Ghaza» et que «les deux tiers souhaitent que le gouvernement agisse».
«Les tirs dirigés contre des caméras»
Une déclaration qui tranche avec celle du chancelier allemand, Friedrich Merz, qui affirmait, lors d’une conférence de presse hier à Berlin, qu’il «ne croyait pas pour le moment» que l’attaque israélienne contre un hôpital de Ghaza, qui a tué au moins 20 personnes, «visait des journalistes». «Mais l’armée israélienne et le gouvernement israélien ont tous deux promis de lancer une enquête approfondie sur cet incident. Je voudrais attendre les résultats de cette enquête avant de porter un jugement définitif», a souligné le responsable allemand.
L’attaque, faut-il le rappeler, a suscité de virulentes réactions de la communauté internationale, qui a suivi en direct sur les chaînes de télévision et les smartphones les scènes terrifiantes d’un premier tir de missile qui a ciblé un journaliste, suivi d’un deuxième, tiré contre les secouristes qui tentaient de récupérer le corps de la première victime. L’armée israélienne a affirmé hier que, selon l’enquête qu’elle aurait menée, c’est la sinistre brigade Golani, devenue célèbre pour ses actes génocidaires à Ghaza, «qui a tiré sur l’hôpital pour détruire les caméras de surveillance qui suivaient ses mouvements» et présenté les six victimes comme «des terroristes, dont un a pris part à l’attaque du 7 octobre».
A en croire cette armée, «il reste quelques failles à élucider, dont l’ordre de tirer, le type d’armement et le moment de validation du tir».
Des affirmations formellement rejetées par la Fondation Hind Rajab, une ONG internationale, basée en Belgique, qui traque à travers le monde les soldats et officiers israéliens ayant participé à la guerre génocidaire, pour les poursuivre devant les tribunaux pour des crimes de guerre et contre l’humanité. La Fondation, qui porte le nom d’une petite Palestinienne tuée avec ses parents à Ghaza, après avoir été assiégés par des chars, durant des heures, dans la voiture où toute la famille se trouvait bloquée, a déclaré, dans un communiqué diffusé hier, avoir fait appel à des spécialistes qui ont analysé «le missile guidé, tiré sur une trajectoire directe depuis le Nord-Ouest. Ce qui est compatible avec les systèmes de précisions Spike NLOS».
Ces missiles, a-t-elle expliqué, «sont de type ‘‘Homme dans la boucle’’ : l’opérateur voit ou désigne la cible avant l’impact. L’armée israélienne savait donc qu’elle frappait des médecins, des équipes de la Protection civile et des journalistes». En conclusion, a écrit, la Fondation, «il s’agissait d’un double crime de guerre délibéré et non d’un accident», puis a annoncé : «les chercheurs de la Fondation finalisent un rapport technique détaillé sur cette attaque, qui sera inclus dans un prochain dossier juridique contre les responsables».
Pour sa part, Human Rights Watch (HRW), une ONG internationale de défense des droits de l’homme, a déclaré, dans un communiqué diffusé hier, que «le personnel militaire américain pourrait être tenu responsable juridiquement pour avoir aidé les forces israéliennes qui commettent des crimes de guerre à Ghaza». Selon HRW, «la participation directe des forces américaines depuis octobre 2023, notamment la fourniture de renseignements et leur implication dans la coordination et la planification, fait des Etats-Unis une partie prenante du conflit entre Israël et les groupes armés palestiniens».
Des raids aériens et des attaques violentes de colons à Ramallah
Les réactions contre les attaques israéliennes interviennent dans un contexte particulier marqué par une escalade terrifiante de la guerre génocidaire menée par Israël à Ghaza, mais aussi en Cisjordanie occupée, où des raids aériens ont ciblé hier la ville de Ramallah, déclenchant des heurts violents entre la population palestinienne et l’armée d’occupation. Selon l’agence de presse palestinienne Wafa, au moins trois personnes ont été arrêtées par l’armée israélienne, après une descente dans un bureau de change pour confisquer les fonds entreposés.
D’autres médias palestiniens ont fait état aussi de nombreux Palestiniens blessés lors d’une attaque de colons dans un village des collines du sud d’Al Khalil.
De nombreuses images et vidéos circulant sur les réseaux sociaux montraient des colons attaquer des maisons et des voitures de Palestiniens et frapper avec des bâtons et des armes blanches les résidents du village. Selon les mêmes sources, les colons auraient également jeté des pierres, aspergé de gaz lacrymogène et brisé des caméras de sécurité, des vitres de voitures et des panneaux solaires dans la zone. De nombreux blessés ont été enregistrés.
Au même moment, et après deux heures de discussions, la réunion du cabinet de sécurité du Premier ministre a pris fin. Selon la presse locale, de nombreux ministres n’y ont pas assisté. Selon le journal Ahronoth, «le cabinet n’a pas discuté spécifiquement l’offensive contre la ville de Ghaza, qui a été évoquée dans le cadre de la présentation de la situation générale», alors qu’elle était au cœur même de cette réunion. Dans la rue, les centaines de milliers de manifestants ont paralysé Tel-Aviv et de nombreuses autres villes israéliennes, en appelant à un accord de cessez-le-feu en contrepartie de la libération des otages et la fin de la guerre. Un climat d’émeute a régné durant toute la journée à Tel-Aviv, où des manifestants ont bloqué les grandes artères de la ville et des autoroutes avec des pneus brûlés.
Du côté des négociations, aucune réponse n’a été donnée par Israël à l’accord de cessez-le-feu de 60 jours, approuvé par le Hamas depuis plus d’une semaine. Le Qatar a dénoncé hier le fait que Tel-Aviv «refuse de répondre à la proposition» et précisé : «Israël, qui veut changer le lieu de rencontre pour les négociations, doit savoir qu’il n’aura pas de résultats positifs avec l’escalade.» La réponse de Netanyahu ne s’est pas fait attendre. «Nous sommes sur la route de la victoire à Ghaza. La guerre a commencé à Ghaza et se terminera à Ghaza, nous ne laisserons pas le Hamas là-bas. Il y a devant nous un avenir radieux.» Le Premier ministre semble encore attaché à l’invasion militaire et l’occupation de Ghaza, défiant toute la communauté internationale qui exige la fin de la guerre. S. T.