Par

Inès Cussac

Publié le

28 août 2025 à 6h04

Encore quelques jours et les amphithéâtres seront pleins à craquer. En cette fin août 2025, les futurs étudiants et les professeurs de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne s’apprêtent à entamer une nouvelle année. Sera-t-elle aussi mouvementée que celle qui vient de s’achever ? Telle est la question. Cet hiver, l’université avait été marquée par la suspension pour une durée de six mois d’Alain S., maître de conférences en Histoire et civilisations, spécialiste de l’Europe centrale. Il avait été exclu pour des propos publiés sur Facebook et tenus devant des élèves lors de travaux dirigés (TD). Si certains voient le retour de l’enseignant avec prosaïsme, d’autres restent vent debout.

Une enquête pénale toujours en cours

« C’est le dégoût et la révolte. Il a insulté tout le monde, m’a diffamé… C’est vraiment dégueulasse qu’il puisse revenir en toute impunité », s’emporte Son Lam au bout du fil. Le jeune homme de 27 ans prépare l’agrégation d’histoire-géographie à Nanterre mais connaît bien Alain S., l’un des « préparateurs » du concours à Paris 1, où était inscrit l’étudiant l’an dernier. Il est l’un des maillons de la chaîne ayant provoqué la suspension de l’enseignant aux 35 années de carrière, dont 22 au sein de la prestigieuse université parisienne. En janvier 2024, il avait déposé une plainte en diffamation à son encontre. L’enquête pénale est toujours en cours.

Rembobinons. Après avoir signalé ses propos sexistes publiés sur les réseaux sociaux, Son Lam est pris pour cible par Alain S. qui qualifie publiquement l’étudiant de « détraqué », « inapte à tout métier sérieux » ou encore d’« alcoolique et drogué ». En remontant le fil des publications Facebook de l’enseignant, le jeune homme découvre une kyrielle de messages à caractère haineux et à connotation raciste, insultants et dégradants. En plus de la plainte, il signale les faits auprès de la direction des affaires juridiques et institutionnelles (DAJI) de la Sorbonne Paris 1. Il découvre alors qu’une procédure disciplinaire était déjà lancée en interne et dont la décision a été révélée en décembre dernier.

Dedans, la commission relève d’une part les propos publiés sur les réseaux sociaux et d’autre part, le comportement « inapproprié lors de travaux dirigés d’Histoire ». « Selon plusieurs témoignages concordants, les étudiants craignaient ces séances de TD et de devoir faire leur exposé », peut-on lire par exemple dans le document entre autres illustrations de sanctions abusives, remarques méprisantes ou propos à caractère sexiste à l’égard d’étudiantes tenus par le professeur. Le couperet tombe le 17 janvier 2025 : Alain S. est suspendu pour six mois et la peine s’accompagne d’une diminution de la moitié de son salaire. Il a contesté cette sanction administrative en appel auprès du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser).

« Je regrette »

« J’ai été profondément meurtri par la décision », confie l’intéressé dont « l’intention n’a jamais été de blesser qui que ce soit », selon lui. « Je suis exigeant parce que je souhaite que mes étudiants puissent réussir dans leurs études. Je regrette d’avoir pu blesser des étudiants et m’engage à faire preuve de plus de bienveillance à l’avenir », soutient-il.

Alain S. a été accusé de surcroît par certains étudiants d’avoir réalisé un salut nazi lors d’un TD. Cependant, devant la contradiction des témoins, la commission a estimé qu’un « doute subsiste sur ce point et qu’il ne saurait être retenu à l’égard d’Alain S. d’avoir fait ce geste. » « Ce métier représente pour moi un vrai engagement fondé sur la lutte de mes deux grands-pères engagés dans le combat de la Résistance anti-nazie pendant la Seconde Guerre mondiale », se défend l’enseignant.

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« S’agissant de mes étudiants, j’ai pu avoir, à leur égard, une exigence élevée », reconnaît toutefois le sexagénaire. Et d’ajouter : « J’ai également pu avoir, pour illustrer les cours, des propos mal perçus. L’une comme les autres, je les regrette. »

Bien sûr qu’il y a un risque de récidive. Cela fait des années qu’il est professeur, il a 60 ans et cela fait des années qu’il pratique cette forme de harcèlement.

Son Lam
Ancien étudiant à Paris 1

Cela ne suffit pas pour Son Lam qui reproche aussi à son ancien préparateur d’examen du Capes de l’avoir discrédité auprès des autres professeurs officiant en tant que membres du jury. « J’avise à qui de droit afin d’éviter une erreur de recrutement », avait d’ailleurs prévenu Alain S. sur Facebook. « Il a eu une influence sur mon concours », dénonce le jeune homme. « J’ai eu 16/20 à l’épreuve écrite portant sur l’impérialisme colonial français. La copie était anonyme alors qu’aux oraux, nous devions remplir une fiche de renseignements. J’ai eu 2/20 », précise-t-il s’étonnant encore de cet écart de 14 points entre les deux épreuves.

« La peine est purgée »

Ralliée à sa cause, Sandrine Rousseau a bien essayé d’éviter le retour d’Alain S. à la rentrée. La députée de la 9e circonscription de Paris (EELV) avait adressé au début de l’été un courrier à la direction de l’université dans ce sens. Celui-ci est toujours sans réponse aujourd’hui, tout comme les signalements auprès des syndicats et du Cneser. « Il faut faire le maximum pour avertir les gens. Surtout ceux qui entrent en L1, il ne faudrait pas que ça les dégoûte de l’université », poursuit Son Lam.

À l’inverse, certains anciens étudiants de Paris 1, témoins de l’affaire au moment des faits, estiment que « la peine est purgée ». « Il a eu une sanction assez forte », balaie l’un d’eux. « Pour l’instant on ne sait pas comment ça va se passer. La rentrée n’a pas encore eu lieu. Quand les étudiants auront [Alain S.] devant eux, ça sera différent. »

De son côté enfin, le professeur s’avoue « impatient » de reprendre les cours et proclame dès lors qu’il va « tout faire pour que l’année se passe bien et pour transmettre le savoir historique du mieux que je puisse en prenant en compte ce qui n’allait pas ».

Contactée, la direction de La Sorbonne n’a pas répondu à nos sollicitations.

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