Ce jeudi, l’ancien cardiologue du CHU de Grenoble, Yannick Neuder, signait une journée marathon, à l’aube d’une rentrée qui s’annonce chahutée pour le gouvernement Bayrou : alors que l’inquiétude gagne le secteur de la santé depuis les annonces, à la mi-juillet, du Premier ministre François Bayrou qui évoquait son objectif de trouver 5,5 milliards d’euros d’économies dans le cadre du budget 2026 de l’Assurance Maladie, le spectre d’un vote de confiance prévu le 8 septembre ainsi que d’un « appel à la mobilisation générale » lancé pour le 10 septembre prochain restent dans tous les esprits. Mais le ministre de la Santé ne s’avoue pas vaincu pour autant.
Alors que son gouvernement avait voté, au printemps dernier, son Pacte pour lutter contre les déserts médicaux, le ministre de la Santé a profité de sa venue dans son fief de Grenoble, en Isère, pour annoncer la publication des trois décrets et arrêtés permettant d’installer 3.700 nouveaux médecins juniors de 4e année en médecine générale au 2 novembre prochain, assortis de leurs conditions de rémunération.
Une manière d’esquisser une première réponse aux besoins des 151 territoires référencés comme des déserts médicaux à travers l’Hexagone.
Des projets « qui continuent d’avancer »
« Malgré le contexte politique national, les projets continuent d’avancer. Nous avons publié ce matin les textes concernant les docteurs juniors, en quatrième année de médecine générale. Nous continuons la lutte contre les déserts médicaux, que ce soit par cette mesure ou par la base des deux jours volontaires des médecins dans les territoires les plus en difficulté », affirme à La Tribune Yannick Neuder, qui en a profité pour proposer l’accès à ce nouveau dispositif aux fondateurs du cabinet grenoblois de SOS Médecins.
Et de préciser : « nous aurons identifié d’ici à quelques jours les médecins dans les 151 zones qui nécessitent un renfort médical immédiat ».
Cette seconde antenne de soins non-programmés de SOS Médecins est l’illustration de ce que souhaiterait encourager Yannick Neuder : créée fin 2024 en centre de Grenoble, pour renforcer un premier cabinet situé à Echirolles, elle emploie aujourd’hui 20 équivalents temps plein ainsi que huit internes et traite entre 250 et 350 appels par jour, et réalise près de 200 et 300 consultations quotidiennes. Et ce, alors que le territoire grenoblois est soumis à de fortes tensions en raison d’une vague de départs à la retraite et d’une érosion des installations de jeunes médecins.
Fin décembre 2024, la fermeture de plusieurs cabinets médicaux avait laissé sans médecin traitant près de 10.000 patients, tandis que selon la CPTS, qui s’appuie sur les données de la CPAM, 49.000 Grenoblois étaient sans médecin traitant ou avec un médecin traitant de plus de 60 ans en juin 2023.
« Demander peu à beaucoup de médecins »
Sur place, le ministre de la Santé concède : « Il faut d’une part former davantage de médecins car nous en formons encore pour l’instant le même nombre que les années 70, alors que nous avons 15 millions d’habitants en plus, et des maladies chroniques en augmentation. Mais il faut aussi travailler les conditions d’attractivité, qui passent par des locaux intéressants, par des logiciels d’intelligence artificielle qui peuvent gagner du temps sur certaines tâches ».
Car Yannick Neuder est aussi venu prendre également la température des professionnels de santé… tout en réfléchissant à quelques pistes d’économies à réaliser, à l’aube de l’exercice d’équilibriste que représentera le budget 2026 de l’Assurance Maladie.
Avec un credo : « ma philosophie est de demander peu, mais à beaucoup de médecins, afin de ne pas demander beaucoup seulement à quelques-uns ».
À plusieurs reprises, il est par exemple revenu sur le rôle que pourrait prendre l’intelligence artificielle dans le domaine du traitement des résultats en biologie ou en cardiologie notamment. « Je pense que l’on peut aller beaucoup plus loin en matière d’IA pour rendre du temps aux soignants. J’ai prévu de me rendre en Espagne pour visiter des unités qui sont particulièrement avancées à ce sujet », indique Yannick Neuder.
Le tout, en pointant également le sujet du temps de travail des médecins, qui devront également « travailler plus » sous réserve que leur soient proposées de meilleures conditions de travail (regroupements, aménagements de temps de travail, accès à de nouveaux outils comme l’IA…): « Je ne crois pas que l’on fasse 10 ans d’études pour, à terme, se détourner de la médecine. L’enjeu, ce sont les conditions de pratique : il nous faut améliorer les conditions de travail des soignants à l’hôpital en formant plus de soignants, en ouvrant plus de lits pour permettre la fluidité aux urgences et en ville pour mieux répartir la charge ».
À la recherche d’une plus grande « efficacité »
Avec comme autre piste, celle de faire travailler encore davantage ensemble les professionnels de santé, à l’image du rapprochement qui a eu lieu entre l’antenne échirolloise de SOS Médecins et le plateau technique de la Clinique des Cèdres voisine, ou encore de mieux répartir les contributions de chacun, à l’image du modèle qui se dessine, cette fois dans le domaine des soins non programmés, entre le SAMU et les structures comme SOS médecins :
« On voit par exemple bien qu’en phase caniculaire, ou en épidémie de grippe, si les 30 à 40 appels qui sont habituellement faits à la régulation du SAMU peuvent être gérés par SOS médecins, on évite ainsi le recours aux urgences et on diminue la tension ainsi les délais d’attentes tout en améliorant les conditions de travail », assure Yannick Neuder.
Difficile de prédire néanmoins quel rôle pourraient jouer ces pistes dans le projet de budget 2026, qui sera particulièrement difficile à boucler cette année.
Avec des économies de 5,5 milliards d’euros demandées au secteur de la santé, sur un total de 43,8 milliards d’euros d’économies à trouver, le premier ministre François Bayrou visait notamment les franchises concernant le remboursement des médicaments, la prise en charge des affections longue durée ou encore des arrêts maladie.
Sur le terrain, Yannick Neuder multipliera dans les prochains jours les déplacements, tout en glissant : « Quels que soient les problèmes politiques et financiers de notre pays, une transformation est nécessaire, puisque notre système de santé a été conçu pour la prise en charge des maladies aigües, alors que les maladies chroniques augmentent ».