De la génération Z, celle née entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, on a coutume de dire que son identité se caractérise par une certaine fluidité plus que par un concept figé. Des interrogations qui irriguent le deuxième roman de Brittany Newell, Soft Core, paru mercredi 27 août chez Pauvert et traduit par Diniz Galhos. Est-ce “un roman noir, une satire sur le travail sexuel, une romance ?” s’interrogeait The Guardian en début d’année, après la sortie de sa version originale, en anglais.

Ce qui est certain, c’est qu’il ne s’agit pas, comme le confie l’autrice au quotidien britannique, de souvenirs mais d’un mélange de fiction et de “détails sensoriels”. “Une exploration décadente du monde vaste et mystérieux des appétits de l’autre”, résume le San Francisco Chronicle.

On y suit Ruth, une jeune strip-teaseuse à la dérive depuis que Dino, son ex-petit ami avec lequel elle vivait toujours dans une maison victorienne de San Francisco, a disparu sans laisser de trace. S’ensuit une déambulation dans les rues de la ville californienne où l’identité de Ruth se dissipe entre ses différents alias : Baby, au club de strip-tease, ou encore Miss Sunday, lorsqu’elle est embauchée en tant que dominatrice dans un donjon BDSM.

“Empathie, curiosité et courage”

Des professions qu’a également exercées l’écrivaine, ce qui nourrit le roman d’une réflexion organique sur les corps et la sexualité d’une génération lassée des coups d’un soir. “La plus grande force de Newell réside dans sa capacité à écrire sur le corps – celui de Ruth et celui des personnes qui l’entourent – d’une manière à la fois troublante et intime. Elle parvient à saisir le sentiment d’habiter un corps qui est à la fois le sien et pas le sien, celui d’être observée, désirée et réifiée tout en brûlant d’envie que l’intimité qu’elle partage avec ses clients lui permette d’établir avec eux des liens sincères”, analyse The Stanford Daily, le journal de l’université dont elle est diplômée.

“Je suis écrivaine, donc je m’intéresse toujours aux histoires, et j’ai découvert par hasard ce genre de travail où les gens vous racontent non seulement leurs histoires mais aussi leurs secrets. J’aime toujours dire que ce qui fait un bon écrivain, c’est aussi ce qui fait une bonne dominatrice, à savoir l’empathie, la curiosité et le courage”, détaille Brittany Newell à la radio publique américaine NPR.

Native de San Francisco, la jeune femme à peine trentenaire brosse également le portrait de plusieurs “espaces clandestins” de la ville côtière, commente le site féminin Jezebel. Soft Core est “un roman qui se faufile dans les bas-fonds illuminés par les néons de San Francisco, abordant les thèmes de l’identité, du pouvoir et de la quête désespérée, parfois illusoire, de liens humains”, pour le Stanford Daily. Dans ses errances, Ruth amène à voir “ce qui se cache derrière les enseignes en néon rose des clubs de strip-tease, mais aussi dans les grandes maisons victoriennes pleines de courants d’air et le silence nocturne et oppressant des quartiers riches”, énumère The New York Times.

The Guardian s’est quant à lui délecté du carnaval de personnages élaboré par Brittany Newell : “Des strip-teaseuses particulièrement tendues, des maquerelles grincheuses, les innombrables sosies de son ex-petit ami, ainsi qu’un employé de Starbucks qui construit des maisons de poupée et lui envoie de l’argent chaque mois, mais sans sexe en contrepartie.”

Et si la dernière partie du livre souffre d’une résolution abrupte, comme l’observent le Guardian et le New York Times, Soft Core tisse le portrait d’une génération ultra-connectée mais qui constate, “de manière désespérée, l’impossibilité de vraiment connaître l’autre”, conclut le Stanford Daily.