Jusqu’à tout récemment, la lutte contre le cancer semblait devoir passer par le traitement ou l’élimination de l’intégralité des cellules touchées. Mais New Scientist aborde une piste pas tout à fait nouvelle, mais actuellement remise sur le devant de la scène par plusieurs groupes de scientifiques. Dans une partie des cas, parlementer avec les cellules cancéreuses pourrait suffire à endiguer la maladie.

Le média scientifique se base entre autres sur les recherches de Ling He, médecin chinoise qui a travaillé sur des cellules extraites de tumeurs de personnes atteintes d’un cancer du cerveau agressif appelé glioblastome. Les cellules de celui-ci peuvent se développer et se propager rapidement, envahissant le cerveau par des projections tentaculaires qui s’enfoncent dans les tissus environnants, affaiblissant ainsi le système immunitaire. Cela rend le cancer difficile à éradiquer complètement: le taux de survie à cinq ans du glioblastome n’est que de 5%.

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Pourtant, Ling He et son équipe semblent avoir trouvé un moyen de lutter efficacement contre cette forme de cancer. Leur stratégie a consisté à cibler certaines cellules cancéreuses, non pas dans le but de les éliminer, mais avec l’objectif de leur faire subir des transformations. Après avoir été cultivées en boîte de Pétri, certaines se sont mises à se comporter de manière semblable à des neurones, tandis que d’autres paraissaient avoir muté pour devenir des cellules immunitaires connues sous le nom de microglies.

Drapeau blanc

Ces travaux, réalisés dans des laboratoires de l’Université de Californie à Los Angeles, ne sont pas isolés: d’autres équipes de recherche ont montré que des cellules cancéreuses du foie pouvaient abandonner leur comportement malin et que des cellules cancéreuses du sein avaient la capacité d’être reprogrammées en cellules graisseuses inoffensives. De quoi imaginer qu’un nouveau type de rapport au cancer puisse être mis en place: finie la guerre de tranchées, place au drapeau blanc et à la négociation en douceur.

New Scientist signale que l’idée selon laquelle on puisse modeler le cancer n’est pas entièrement nouvelle: il y a plus de quatre-vingts ans, les biologistes du développement ont commencé à explorer l’idée que le cancer était une maladie liée à un développement perturbé, une rupture des interactions sociales des cellules qui construisent ou réparent les tissus, les organes et le corps. C’est de ce postulat que provient l’idée que le développement des cellules malignes puisse un jour être inversé.

«La recherche sur le cancer a consacré beaucoup de temps à essayer de comprendre comment nous pouvons tuer sélectivement les cellules cancéreuses et très peu de temps à comprendre comment notre corps supprime naturellement le cancer», appuie Boris Kholodenko, biologiste des systèmes à l’University College Dublin.

«Si vous essayez de tuer les cellules, vous avez contre vous l’arme la plus efficace de tous les systèmes biologiques: la sélection darwinienne des cellules résistantes», explique Jan Brábek, de l’Université Charles de Prague. «Avec les approches qui préfèrent éduquer ou persuader les cellules plutôt que de les tuer, on contourne la défense la plus solide contre le cancer.» L’avenir finira par nous dire si cette approche est faite pour devenir la norme en termes de lutte contre la maladie.