« Nous ne sommes pas là pour faire les ouin-ouin, mais pour dire que la politique c’est sérieux », s’agace Juliette Chesnel le Roux, cheffe de file de l’opposition écologiste à la Ville de Nice et à la Métropole. « Notre rôle c’est d’alerter le procureur via un article 40 du Code de procédure pénale [1] lorsque l’on voit quelque chose qui nous semble délictuel. Ce n’est pas un droit, c’est un devoir », ajoute la conseillère municipale.
Elle insiste: « Les élus qui appliquent cette obligation légale ne sont donc pas des délateurs, des collabos ou des antisémites ».
« Pétain, Vichy »: Picard dépose plainte contre Estrosi
Si cette mise au point, en ces termes, semblait nécessaire à l’opposition à Christian Estrosi, c’est que « trop, c’est trop », lance, de son côté, Jean-Christophe Picard.
L’élu, ancien président d’Anticor, l’association de lutte contre la corruption en politique, vient de déposer plainte pour diffamation et injures publiques contre le maire Horizons de Nice pour des propos qui remontent au 23 mai 2025. « En matière de diffamation, le délai de prescription est de 3 mois, j’ai attendu le dernier moment, pour laisser à Christian Estrosi l’occasion de présenter ses excuses. Je n’en ai pas eu », indique Jean-Christophe Picard.
Ce jour-là, en conseil municipal, le maire – qui devait se déporter pour un vote – avait ironisé sur les nombreux articles 40 déposés par son opposition écolo.
« Je sais que M. Picard est en train de prendre les jumelles pour savoir jusqu’où je vais sortir et à quelle distance de l’hémicycle je vais me tenir, avant de faire un signalement article 40… Sous Pétain, il aurait fait la même chose, puisqu’il a toujours dit: ‘Moi, je respecte les lois quel que soit le régime’. Donc, apportez-moi un Vichy, s’il vous plaît, M. l’huissier », avait lâché Estrosi en pleine séance.
« Si je comprends bien ces accusations graves et sidérantes, j’aurais été un collabo, un délateur, c’est-à-dire une personne qui dénonce les autres pour des motifs méprisables et j’aurais été capable de dénoncer les juifs », décrypte l’élu d’opposition.
La protection fonctionnelle en question
Les écolos ont hésité à déposer cette plainte, jurent-ils, en raison du coût de la protection fonctionnelle pour les contribuables, donc pour les Niçois. C’est ce qui permet à un élu de faire payer les frais d’avocat par la collectivité.
« Mais je suis arrivé à la conclusion que M. Estrosi ne pourra pas utiliser la protection fonctionnelle dans cette affaire car les propos tenus résultent d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions », explique l’élu qui s’estime diffamé. « S’il utilisait j’annonce que je m’y opposerai en saisissant le préfet et le procureur », enchaîne-t-il.
L’opposition a déposé une vingtaine d’articles 40 depuis le début de ce mandat en 2020. Beaucoup ont débouché sur l’ouverture d’enquête: affaire du port de Saint-Laurent-du-Var, parking Vauban, Affaire Orlinski, de la statue de Jeanne d’Arc, du Nice Climate Summit ou encore du GIP Grand Prix de France, etc.
« Et parce que nous appliquons l’article 40, nous sommes la cible de plusieurs procédures bâillon destinées à nous faire taire », conclut Fabrice Decoupigny.
1. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur.