À la mode ou pas, sauter le petit-déj ne fait pas de miracles. Entre fatigue, fringales et métabolisme chamboulé, mieux vaut y réfléchir à deux fois. © Adobe Stock
Longtemps considéré comme “le repas le plus important de la journée”, le petit-déjeuner est aujourd’hui la première victime des nouvelles modes alimentaires. Difficile d’échapper au jeûne intermittent quand on fait défiler son fil Instagram ou TikTok. Des influenceurs aux coachs bien-être, tout le monde partage ses routines et ses résultats avant/après.
Cette pratique est devenue l’une des plus visibles en ligne. Sur Instagram, les hashtags #jeuneintermittent et #intermittentfasting cumulent déjà plus de 134 000 publications. Côté TikTok, les vidéos autour du sujet dépassent les 2 milliards de vues. Un engouement énorme, porté par l’effet communautaire. On se motive, on partage ses astuces et ses résultats.
La tendance fait des émules et de plus en plus de Français zappent le café-tartines du matin au nom de la santé ou de la ligne. Bonne idée ou faux ami ? Nathalie Negro, diététicienne et responsable du Centre Nutritionnel des Thermes de Brides-les-Bains, nous éclaire.
Le jeûne intermittent, c’est quoi ?
Derrière l’appellation jeûne intermittent, il n’y a pas une pratique unique mais une multitude de versions. “Quand on prend des études sur nos jeûnes intermittents, vous en avez certains qui concernent du 12 heures sans manger et 12 heures en alimentation, d’autres encore du 16/8 (s’alimenter 8h, jeûner 16h)… et même le 5/2, où l’on mange normalement 5 jours par semaine et l’on réduit très fortement ses apports pendant 2 jours”, explique Nathalie Negro.
Problème, aucun protocole officiel n’existe à ce jour. Chaque étude porte sur une variante, ce qui rend les résultats difficiles à comparer. Et les effets diffèrent fortement selon les populations étudiées. “Les Américains, qui mangent souvent à toute heure du jour et de la nuit, voient davantage d’effets métaboliques du jeûne intermittent que les Européens, dont les rythmes alimentaires sont plus réguliers” rappelle la diététicienne.
Petit-déjeuner : repas dépassé ou indispensable ? Pourquoi c’est important de prendre un petit-déjeuner ?
Ne pas manger le matin n’a pas seulement des conséquences sur la faim de midi. “La littérature scientifique, notamment l’Anses, affirme que de ne pas manger le matin augmente le risque de maladies cardio-métaboliques (diabète de type 2, surpoids, hypertension, troubles cardiovasculaires)”, précise Nathalie Negro.
D’abord, parce que le corps fonctionne par cycles de glycémie. Au réveil, après une nuit de jeûne, l’organisme a besoin d’énergie pour relancer le métabolisme. Si on ne mange pas, le corps puise dans ses réserves de glucose dans le foie mais aussi dans les réserves de protéines musculaires. Ensuite, parce que cette désorganisation du rythme alimentaire favorise le grignotage et une répartition calorique déséquilibrée, concentrée le soir.
Or, manger tard et lourd a un impact direct sur le sommeil et donc sur la régulation hormonale (insuline, cortisol). Comme l’explique Nathalie Negro, “un sommeil de mauvaise qualité entraîne plus d’intolérance au glucose et accentue le risque cardio-métabolique”.
Enfin, chez les personnes de plus de 60 ans, l’absence prolongée d’apport matinal peut accentuer la fonte musculaire. “Pour produire du glucose, l’organisme va chercher dans les acides aminés des muscles” détaille la diététicienne. Alors, au-delà du simple coup de fatigue ou de la fringale de 11 heures, c’est tout le métabolisme qui est bousculé.
Mais, pourquoi certains n’ont pas faim le matin ?
“Ce n’est pas le repas le plus important de la journée, mais c’est un repas important”, souligne Nathalie Negro. Autrement dit, inutile de le sacraliser, mais pas question non plus de le négliger. Cela dit, se forcer à avaler un petit-déjeuner quand on n’a pas faim n’a aucun intérêt, c’est juste un ajout de calories inutiles. Mais alors, pourquoi certains n’ont-ils pas d’appétit au réveil ?
Souvent, c’est parce que le dîner de la veille a été pris trop tard ou trop riche, ce qui retarde la faim au petit matin avant de partir au travail ! Parfois, c’est le manque de sommeil. Se coucher tard pousse à privilégier quelques minutes de repos supplémentaires le matin plutôt qu’un petit-déjeuner. D’autres facteurs, comme le stress ou des mauvaises habitudes prisent pedant l’enfance, peuvent être la réponse à votre question.
Alors, jeûne intermittent, oui ou non ? Les bons conseils de notre experte
Avant toute chose, “on ne se lance pas dans un jeûne intermittent ou dans un régime sans avis médical. Ce sont des pratiques qui doivent être encadrées, sinon elles deviennent rapidement contre-productives”, prévient la diététicienne.
Et en pratique, ce qui compte, plus que de sauter ou non un repas, c’est d’adopter un rythme alimentaire régulier. D’abord, “dîner tôt, idéalement avant 20 heures, pour laisser au corps le temps de digérer. Ensuite, respecter un délai d’au moins deux heures entre le dernier repas et le coucher, gage d’un meilleur sommeil et donc d’un meilleur équilibre métabolique” assure Nathalie Negro.
Le matin, le petit-déjeuner ne doit pas être avalé mécaniquement dès le réveil. Mieux vaut attendre que l’appétit se manifeste, souvent avant de partir travailler ou d’aller à l’école, aux alentours de 7 heures. Et si la faim n’est pas au rendez-vous, inutile de se forcer ! Une petite collation en milieu de matinée fera l’affaire.
Faut-il se fier aux études qui prônent le jeûne intermittent ?
Attention aux annonces tonitruantes basées sur une seule étude. “Une étude peut dire une chose un jour, et une autre sur le même sujet le lendemain”, insiste Nathalie Negro. Seules les méta-analyses, qui compilent l’ensemble des données scientifiques disponibles, permettent de dégager un consensus solide.
Aujourd’hui, aucun consensus ne valide un protocole de jeûne intermittent particulier. Le seul point sur lequel les experts tombent d’accord reste l’importance du rythme, plus que du nombre de repas.
À SAVOIR
Selon l’Inserm, sauter le petit-déjeuner n’affecte pas seulement la santé métabolique, mais aussi les performances cognitives. Chez les enfants et les adolescents, l’absence de ce repas est associée à une diminution de la mémoire à court terme, de la concentration et de l’attention en classe. Les chercheurs rappellent que le cerveau consomme à lui seul près de 20 % de l’énergie quotidienne, principalement sous forme de glucose. Après une nuit de jeûne, ne pas réapprovisionner l’organisme complique donc le fonctionnement cérébral.
Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé