Une récolte des raisins rouges qui débute fin août, est-ce une première dans le Bordelais ?

À ma connaissance, oui. Sur les trente dernières années, la date moyenne pour le début des vendanges en rouge est le 18 septembre. Cette année, certains auront déjà tout rentré dans le chai à cette date-là. Ce millésime 2025 est d’une précocité exceptionnelle, plus encore que le 2022. Avec, en Gironde et ailleurs dans notre région, des crémants récoltés avant le 15 août, puis les blancs la semaine suivante. Avec les réserves en eau de l’hiver, les pluies du printemps, puis la chaleur et la lumière, la vigne n’a pas arrêté de pousser. Tout est allé très vite.

Comment gérer cette précocité dans les exploitations ?

Avec ce millésime 2025, de nombreuses lignes bougent. Notamment l’organisation même de la récolte : rentrer de congés plus tôt, préparer les chais rapidement, trouver du personnel en plein été. Ces vendanges seront stressantes car le monde viticole n’est pas prêt pour les faire en août. Pourtant, la réalité est là : nombre de merlots, le cépage le plus précoce, sont déjà à 13 degrés d’alcool. Le millésime 2025 est joué. Alors que j’ai déjà vinifié 40 millésimes, j’estime avoir changé de métier à partir de 2015, qui est pour moi l’an 1 de l’impact du réchauffement climatique en viticulture. Le raisin est différent, les vinifications sont différentes.

Quel a été l’impact réel de l’été chaud et sec ?

Un été presque sans pluie a stressé la vigne. Avec la sécheresse, et parfois la canicule, la plante a fatigué. Sur ce volet, plusieurs sujets techniques sont à mettre sur la table pour demain. D’abord, l’irrigation, de fait interdite en appellation d’origine contrôlée. Il faudra sans doute y venir et apprendre à s’en servir. Ensuite, faute de précipitations, les baies sont très petites. Du coup, les rendement seront bien maigres : de l’ordre de 30 hectolitres par hectare, alors qu’il en faudrait au moins 50 pour faire tourner une exploitation. Comment donner un avenir au métier dans ces conditions ? Pour faire baisser les degrés des vins, je pense à la désalcoolisation, mais c’est cher, ou au rajout d’eau dans les moûts avant les vinifications. Et ce, sans altérer la qualité finale des vins. C’est autorisé en Australie.

Diriez-vous que le 2025 est l’archétype d’un « millésime réchauffement climatique » ?

Clairement, oui. On retrouve là tous les ingrédients. Chacun doit en prendre conscience pour adapter ses décisions – par exemple concernant l’avenir du merlot, cépage qui monte vite en alcool. Mais le réchauffement climatique peut aussi amener de bonnes nouvelles. Ce millésime s’annonce d’une qualité exceptionnelle. Du niveau d’un 2016 ou d’un 2020. Les raisins ont du goût, du fruité. Et ils gardent une bonne acidité, ce qui amènera de la fraîcheur aux vins. L’année a été dure pour les vignerons mais sera bonne, dans les verres, pour les consommateurs. Dans moins d’un mois, la récolte sera terminée. Il faudra ensuite bien travailler sur les vinifications pour tirer le meilleur de chaque grappe.