La menace planait, c’est désormais officiel. Londres, Paris et Berlin ont annoncé jeudi activer conjointement le « snapback », un outil de l’ONU prévu pour réimposer des sanctions contre l’Iran. Les Européens estiment que Téhéran n’a pas respecté ses engagements sur le nucléaire.
Alors que le régime des mollahs pointe une « action illégale et injustifiée », l’E3 composé de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne espère que cette pression relancera le « dialogue avec l’Iran ».
Qu’est-ce que le « snapback » ?
Il s’agit d’un mécanisme intégré à l’accord de Vienne signé en 2015 par l’Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (France, Royaume-Uni, Russie, Chine et États-Unis) et l’Allemagne. Par cet accord, les Occidentaux consentaient à une levée progressive des sanctions contre Téhéran à condition que cette dernière renonce à l’arme nucléaire. Mais pour garantir son effectivité, ils avaient aussi prévu un outil très simple permettant de les réactiver si nécessaire. C’est ce qu’on appelle le snapback.
Il permet donc de relancer les sanctions suspendues contre l’Iran en cas d’infraction constatée par un ou plusieurs membres du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui en notifie l’organisme dans la foulée. Les États-Unis, qui se sont retirés de l’accord de Vienne en 2018, ne peuvent toutefois plus l’activer.
Dès les Nations unies informées, le rétablissement des sanctions est débattu puis voté.
Pourquoi maintenant ?
Après avoir menacé pendant plusieurs semaines Téhéran, les Européens ont décidé ce jeudi « d’invoquer le mécanisme ». Dans un communiqué, les trois pays « souhaitent notifier le Conseil de sécurité que, sur la base de preuves factuelles, l’E3 estime que l’Iran est en position de non-respect important de ses engagements ».
La France, le Royaume-Uni et l’Allemagne précisent que « les exigences fixées à savoir la reprise des négociations, le respect par l’Iran de ses obligations à l’égard de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) et des mesures pour répondre à nos préoccupations concernant le stock d’uranium hautement enrichi, n’ont pas encore été remplies de manière satisfaisante ».
Cette annonce intervient dans un timing crucial, quelques jours après des discussions infructueuses avec l’Iran à Genève et à quelques semaines de l’échéance du dispositif du snapback. « L’accord de Vienne expire le 18 octobre 2025, aux dix ans de la signature », rappelait en juillet Clément Therme auprès du Parisien.
Quelles sanctions ?
La réactivation des sanctions sera décidée à l’issue des discussions du Conseil de sécurité de l’ONU qui débutent ce vendredi pour une durée de 30 jours.
S’il était adopté, le snapback aurait des conséquences lourdes dans la société iranienne. Gel des avoirs à l’étranger, réenclenchement des embargos sur les armes et les équipements nucléaires, réintroduction des restrictions bancaires… Ces sanctions renforceraient sans nul doute l’inflation et la crise économique.
Une tactique pour relancer les négociations ?
Mais pour de nombreux experts, cette menace brandie est surtout un outil diplomatique. Thierry Coville, chercheur à l’Iris, interrogé par le Parisien en juillet, soulignait ainsi que le snapback met « la pression sur l’Iran pour que les négociations repartent avec l’AIEA et avec les États-Unis car c’est la clé ».
Avec mes collègues @AussenMinDE et @DavidLammy, nous avons officiellement notifié au Conseil de sécurité des Nations unies le non-respect notable par l’Iran de ses engagements au titre du Plan d’action global commun, et avons déclenché la procédure dite de « snapback ».…
— Jean-Noël Barrot (@jnbarrot) August 28, 2025
Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, s’est d’ailleurs exprimé en ce sens : « Nous sommes déterminés à mettre à profit la période de 30 jours qui s’ouvre pour dialoguer avec l’Iran », a-t-il déclaré.
Néanmoins, « s’il s’agit de faire pression pour faire pression, sans accord derrière, ce sera contre-productif », relativise Clément Therme.
Des réactions diverses
Depuis l’annonce des trois alliés européens, les réactions se multiplient. L’Iran, qui a menacé de se retirer du traité de non-prolifération des armes nucléaires en cas d’application du snapback, a promis « une réponse appropriée à cette action illégale et injustifiée », estimant que cette décision « compromettra gravement » la coopération avec l’AIEA.
La Russie et la Chine se sont rangées du côté de Téhéran. La première appelle les Européens « à retrouver la raison et à réviser leurs décisions erronées avant que celles-ci n’aboutissent à des conséquences irréparables ». La seconde juge ces sanctions peu « constructives » et nuisibles « au processus de règlement de la question nucléaire iranienne ».
En revanche, les États-Unis, par la voix de Marco Rubio, se sont dits ouverts à des discussions « directes » avec l’Iran « afin de trouver une solution pacifique et durable ».
La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, plaide elle aussi en faveur des discussions pacifiques, indiquant que « nous entrons dans une nouvelle phase de 30 jours que nous devons vraiment utiliser pour trouver des solutions diplomatiques ».