« Il est essentiel que la parole continue à se libérer et que la vérité éclate au grand jour », déclare avec gravité l’évêque de Nantes, Mgr Laurent Percerou, en ouverture d’une conférence de presse organisée vendredi 28 août pour révéler des abus sexuels commis par des prêtres dans un collège catholique du centre-ville de Nantes, Saint-Stanislas, entre les années 1960 et 2000. Après la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), en 2021, des tags évoquant ces faits avaient été découverts sur les murs de l’établissement. Deux ans plus tard, une à deux victimes s’étaient manifestées. Mais c’est entre février et juin dernier, après les révélations visant Notre-Dame de Bétharram, que d’autres victimes (ou leurs familles) ont brisé le silence, longtemps après les faits.

Leurs témoignages mettent en cause cinq prêtres enseignants pour des viols, agressions et attouchements sexuels commis entre 1958 et 1995 dans ce collège réputé du centre-ville de Nantes. Ces faits se seraient déroulés dans l’internat de l’établissement et lors d’un camp de vacances. Un surveillant, qui n’a pas encore été formellement identifié, pourrait également faire partie des mis en cause. Tous les prêtres concernés sont décédés – le dernier en 2011 –, mais leurs agissements ont été signalés à la justice par le diocèse, qui dit mettre ses archives à sa disposition.

Appel aux victimes potentielles

Les victimes, toutes mineures à l’époque des faits, sont 9 hommes et une femme, qui aurait, elle, en plus des abus sexuels, subi des violences physiques. Sur ces dix personnes, sept sont encore en vie, âgées entre 65 et 75 ans. « Nous sommes bouleversés et révoltés par les actes relatés, commente Frédéric Delemazure, directeur diocésain de l’enseignement catholique de Loire-Atlantique. Nous mesurons l’ampleur de la souffrance des victimes et l’impact à vie de ces traumatismes. Cette vérité n’est pas facile mais il faut l’assumer. »

Dans le sillage de ces révélations, le diocèse et l’enseignement catholique lancent un appel aux potentielles autres victimes. « Aucune violence ne doit être tue et aucune souffrance ne doit rester enfouie », souligne Mgr Laurent Percerou. Au-delà de Saint-Stanislas, cet appel s’adresse à toutes les victimes d’agressions physiques ou sexuelles dans les établissements scolaires catholiques du département, ou les trois petits séminaires qui existaient à l’époque (1).

Depuis 2016, la cellule régionale d’accueil et d’écoute du diocèse a reçu 280 victimes, mais peu de témoignages concernaient des établissements scolaires (25 %). « Depuis l’affaire Bétharram, il semblerait que la parole se libère pour des faits survenus dans l’enseignement catholique », témoigne Jean-Luc Pilet, responsable de cette cellule.

Comprendre et analyser les causes

« Nous avons commencé et allons continuer à éplucher nos archives pour croiser des sources, repérer les dysfonctionnements et analyser les causes, précise l’évêque de Nantes. Les victimes ont besoin d’entendre quel a été le mécanisme mis en œuvre. » Si elles sont déjà en relation avec l’Inirr (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation), Mgr Percerou ajoute que, si le nombre de victimes s’avère important après l’appel à témoignages, « il y aura une prise en charge collective localement ».

Le diocèse de Nantes a recruté depuis deux ans une salariée chargée de la protection des mineurs, poursuit l’évêque. C’est elle qui coordonne une formation appelée « Stop abus » à destination des paroisses et des établissements scolaires. À ce jour, 650 adultes en contact avec des mineurs ont été formés (prêtres comme laïcs). Dans l’enseignement catholique, un programme de protection des publics fragiles est également déployé depuis 2018 pour « prévenir et agir contre toute situation de maltraitance », complète Frédéric Delemazure. Il tient également à rassurer les parents dont les enfants sont scolarisés à Saint-Stanislas. « La vie s’y passe tout à fait sereinement et les horreurs du passé ne doivent pas compromettre le travail mené dans l’établissement. »

(1) Cellule d’accueil et d’écoute du diocèse : paroledevictimespaysdelaloire@gmail.com