par Andrew Gray
L’Union européenne
réfléchira à l’utilisation des avoirs russes gelés pour financer
la défense et la reconstruction de l’Ukraine une fois la guerre
terminée et leur confiscation est en l’état actuel irréaliste du
point de vue politique, a déclaré samedi Kaja Kallas, haute
représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la
politique de sécurité.
L’UE estime avoir gelé environ 210 milliards d’euros
d’avoirs russes dans le cadre des sanctions infligées à Moscou
en raison de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine depuis
février 2022.
L’Ukraine et quelques pays de l’UE, dont la Pologne,
l’Estonie et la Lituanie, jugent que ces actifs devraient dès à
présent être saisis pour alimenter l’aide à Kyiv. Leurs appels
se font plus pressants en raison des besoins de financement de
l’Ukraine, estimés à plusieurs dizaines de milliards d’euros
pour la seule année prochaine.
La France et l’Allemagne, ainsi que la Belgique, qui retient
l’essentiel de ces actifs gelés, s’opposent toutefois à une
telle initiative, dont ils doutent de la validité sur le plan
juridique, et soulignent que les intérêts générés par ces actifs
permettent déjà de soutenir l’Ukraine.
S’exprimant à l’issue d’une réunion des ministres des
Affaires étrangères de l’UE à Copenhague, Kaja Kallas a fait
état d’un consensus pour juger « inconcevable que la Russie
revoie un jour cet argent à moins qu’elle n’indemnise
intégralement l’Ukraine » pour les conséquences du conflit.
« Nous ne les imaginons pas payer pour les dégâts. Donc nous
devons avoir une stratégie de sortie » quant à l’utilisation de
ces fonds une fois la guerre terminée, a-t-elle dit.
Ces avoirs russes sont pour l’essentiel placés dans
Euroclear, une structure financière de dépôts de titres basée en
Belgique.
Le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a
déclaré qu’il était hors de question en l’état actuel de saisir
ces actifs.
« Ces actifs sont solidement protégés par le droit
international », a-t-il dit aux journalistes à Copenhague. « Leur
confiscation générerait une instabilité financière systémique et
éroderait également la confiance dans l’euro. »
Maxime Prévot a aussi rejeté les appels à une évolution de
la stratégie d’utilisation des profits générés par ces actifs
vers des investissements à plus haut rendement. Il a jugé que
cela serait trop risqué, aussi bien financièrement que
juridiquement.
Les pays du G7, avec l’UE, sont convenus l’an dernier
d’utiliser les intérêts produits par ces actifs pour financer un
prêt de 50 milliards de dollars (42,8 milliards d’euros) à
l’Ukraine.
« La Belgique et de nombreux autres pays ne veulent pas
discuter (de la saisie de ces actifs) pour l’instant (…) mais
tout le monde convient (…) que la Russie devrait payer pour
les dégâts, pas nos contribuables », a dit Kaja Kallas.
(Reportage Andrew Gray, version française Bertrand Boucey)