À partir de Latresne, en Gironde, la piste cyclable Roger-Lapébie suit la rivière Pimpine jusqu’à Créon, avant de filer jusqu’à Sauveterre-de-Guyenne, en égrenant tout un chapelet de petites gares reconverties en gîtes d’étape ou de charme, restaurants, station vélo ou centre d’interprétation de la nature.
Un festival sur la piste les 6 et 7 septembre
Normal : le parcours épouse l’ancien tracé du chemin de fer de l’Entre-deux-Mers. Cette année encore, la Rock School Barbey de Bordeaux y fera sa rentrée, sportive et festive, les 6 et 7 septembre.
Les festivaliers pédaleront de Sauveterre à Créon le samedi, et de Bordeaux, Lormont ou Créon à Latresne, le dimanche. Deux jours de rigolade avec rencontres de producteurs gourmands, rendez-vous détonants comme le concours de cris (à la station vélo de Créon) et, bien sûr, des concerts sur tout le parcours, siglés Rock School Barbey.
Le parcours de la piste épouse l’ancien tracé du chemin de fer de l’Entre-deux-Mers
Photo archives Christian Coulais
Notre proposition : départ à la gare de Citon-Cénac
Si vous ratez le train du festival, jouez-la tranquille en suivant la piste Lapébie de Citon-Cénac à Frontenac. Deux jours aller-retour avec escales pour mesurer combien les trains, même quand ils ne circulent plus, font rêver. Et répondre à la question qui brûle les lèvres : mais qui donc était Roger Lapébie ? Un coureur cycliste dont 1937 fut LA grande année, puisqu’il remporta Paris-Nice et le Tour de France, le premier avec dérailleur !
À la Station Vélo de Créon, la photo du champion cycliste Roger Lapébie trône en bonne place
Photo Julie Daurel
Ceux qui ne viennent pas de Bordeaux laisseront leur voiture (et dormiront) à l’ancienne gare de Citon-Cénac, devenue gîte d’étape, où l’on range les vélos dans l’ancienne lampisterie. Sophie Bocquillon, la nouvelle gérante, a soigné la déco ferroviaire : un train surgit dans le salon.
« Nous labellisons les hébergeurs qui, comme Sophie, proposent local à vélos, kit de réparation, transfert des bagages, paniers pique-nique ou petits déjeuners sportifs », explique Sabine Valadié d’Entre-deux-Mers Tourisme. Résultat : la piste, en plus des habitants locaux et des Bordelais, attire des Américains ou des Scandinaves friands de grandes véloroutes comme le canal des Deux-Mers à vélo, qui emprunte la piste Lapébie.
Ambiance ferroviaire dans l’ancienne gare de Citon-Cénac, devenue gîte d’étape : on range les vélos dans l’ancienne lampisterie et un train surgit dans le salon…
Photo Julie Daurel
À Lignan, le bistrot La Pimpine
Le lendemain matin, le bistrot La Pimpine, à Lignan, mêle cyclistes étrangers, ouvriers et vignerons venus prendre un café-croissant et papys lisant le journal. Le goût des autres, le sens du service (il ouvre 7 j/7) et la passion du rail, Damien Mitteau les tient de ses parents et grands-parents cheminots et gardes-barrière.
Dans « sa » gare, il a installé baby-foot et flippers, organise des tournois de belote et de pétanque, retransmet les matchs de foot et de rugby, accompagne les fêtes du village et lance même des soirées disco. Mais on vient aussi pour ses ris de veau grillés, avec purée et petit jus de viande maison…
La Pimpine, café et restaurant, PMU-jeux, épicerie-dépôt de pain installé dans l’ancienne gare de Lignan, multiplie les animations. Damien Mitteau et son équipe
Photo Julie Daurel
À Sadirac, la Maison du patrimoine naturel
À Sadirac, on ne chômait pas dans le temps et le train emportait le vin, mais aussi les poteries, les tuiles et les carreaux de terre cuite. Il en reste les grands quais de chargement où pique-niquent les gamins en sortie scolaire. La faute à la Maison du patrimoine naturel du Créonnais, qui multiplie les sorties et ateliers nature depuis 2006.
Les médiateurs scientifiques de Terre & Océan expliquent les arbres remarquables, le trésor des eaux souterraines profondes, la biodiversité de la Pimpine, ou ses crues violentes, comme celle de juin 2021. Un autre monde, fait de moulins en ruine, de racines géantes et de résurgences, commence à quelques mètres de la piste. Et c’est passionnant…
Sadirac. À quelques mètres de la piste, racines géantes et résurgences sont décryptées les dimanches après-midi par les médiateurs scientifiques de Terre & Océan
Photo Julie Daurel
À La Sauve, l’ancien train restauré
À La Sauve aussi, il règne un parfum d’aventure. Depuis que le maire, Alain Boizard, s’est mis en tête de rendre à sa gare sa belle allure de 1873. Avant sa prolongation jusqu’à Eymet, la ligne de l’Entre-deux-Mers au départ de Bordeaux avait son terminus à La Sauve. La gare reçut donc des équipements à part. Comme cette plate-forme giratoire permettant de faire pivoter les wagons pour les charger en vins et pierres locales par l’arrière. Ou ce bâtiment à bouillottes où un préposé était chargé de les vider, de les remplir d’eau chaude et de les apporter aux passagers de première classe.
Les membres de l’association Le Train de La Sauve ont uni leurs forces et compétences pour remonter la ligne et reconstituer l’équivalent de deux rames, dont deux voitures classées de 1929
Depuis 2017, les membres de l’association Le Train de La Sauve ont uni leurs forces et compétences pour remonter la ligne et reconstituer l’équivalent de deux rames, en allant récupérer dans les ronces des wagons et voitures abandonnés aux quatre coins de la France. Dont deux voitures classées de 1929 fabriquées à Bacalan [alors quartier industriel de Bordeaux] et un poilant wagon « bi-foudre » qui pouvait trimbaler 14 000 litres de vin. On les visite le samedi matin dès 9 h, jour où cette trentaine de passionnés bricole, peint, soude, pose les vitres, planchers, rideaux, et retape les équipements ferroviaires qui continuent d’arriver.
L’esprit ferroviaire plane toujours le long de la ligne. Ici, la voiture restaurée par les bénévoles de l’association Le Train de La Sauve
Photo Julie Daurel
Toujours à la Sauve, expo dans l’herbe à l’abbaye
« On n’est pas au bout », dit dans un sourire le maire. D’autant que, en bleu de chauffe et armé de son fer à souder, il accepte d’autres missions. Comme réaliser les tiges métalliques articulées pour la centaine de pâquerettes en pierre de lave émaillée réalisées par Alain Chevalier. L’artisan d’art (et agent du patrimoine à l’abbaye de la Sauve-Majeure) les a installées parmi les graminées de l’ancien cloître.
« L’abbaye m’a montré combien, dans l’art roman, le végétal est important. Il symbolise le bien, la résurrection, le cycle de la vie. « Floraison majeure » est un geste poétique, un message de vie », dit-il, évoquant les prairies de l’abbaye blanches de pâquerettes au printemps, et l’aventure humaine de cette création, le plaisir d’avoir été épaulé par son administrateur et par la bande du Train de La Sauve.
« Floraison majeure », à La Sauve, une œuvre de l’artisan d’art Alain Chevalier sur les pelouses de l’ancienne abbaye. À voir jusqu’au 2 novembre
Photo Julie Daurel
À Frontenac, un gîte pour nostalgiques du chemin de fer rural
Prochain arrêt : la gare de Frontenac, où le metteur en scène de théâtre Renaud Cojo s’est fait scénographe pour restituer, cartes postales à l’appui, le charme de l’ancienne gare (devenue un gîte délicieux), de l’ancienne halle aux marchandises (où il vit), mais aussi des quais aux pierres (les carrières étaient de l’autre côté des voies). « Certaines de ces gares ont été rasées. D’autres sont devenues des habitations, dont les propriétaires ont parfois gommé leur fonction première. » Lui a fait tout le contraire.
Il a fait reprendre par un peintre le lettrage de sa gare. Il a retrouvé les couleurs d’origine (en se basant sur celles de la gare de Mesterrieux) et chiné tout ce qu’on pouvait trouver dans une gare de campagne : plaques émaillées, affiches anciennes, revues, horloges, valises et téléphones. « J’ai voulu que les gens qui viennent ici fassent un petit saut dans le temps », dit-il. Avant de nous laisser sur cette phrase de Georges Perec : « Peut-être le bonheur n’est-il que dans les gares ? »
« Floraison majeure », à La Sauve, une œuvre de l’artisan d’art Alain Chevalier sur les pelouses de l’ancienne abbaye. À voir jusqu’au 2 novembre
Photo Julie Daurel
Que voir, que faire sur le parcours : notre carnet d’adresses
À VOIR, À FAIRE
Festival Ouvre la voix. Samedi 6 septembre au matin, trois navettes emporteront les festivaliers et leurs vélos de Créon à Sauveterre à 8 h, 8 h 30 et 9 h. Concerts et pause foodtrucks sur le parcours. 17 h 30 : concours de cri à la station vélo de Créon. Le soir, retour à Créon et concert de Dominique A aux Arcades à 20 h. Le dimanche 7, trois départs de Bordeaux, Lormont et Créon. Final commun à 13 h, à l’Aérocampus de Latresne : stands de restauration et vins de producteurs locaux. Détails horaires et concerts sur www.rockschool-barbey.com/60/ouvre-la-voix
Parcours Bordeaux-Frontenac : 47 km aller. Parcours sur www.gironde-tourisme.com
Station vélo de Créon. Idéale pour louer des vélos, elle jouxte le bureau d’information touristique, dont la boutique regorge de boissons et produits en circuit ultracourt. 62, boulevard Victor-Hugo, à Créon. Tél. 05 57 34 30 95 et 06 28 26 79 32. station-velo-creon.fr
Maison du patrimoine naturel du Créonnais. Balade ou atelier de découverte tous les dimanches de 14 h 30 à 18 h. 23, route de Créon, à Sadirac. Tél. 05 56 30 64 32. www.terreetocean.fr/maison-du-patrimoine-naturel-creonnais/et www.entredeuxmers.com
Le Train de La Sauve. Visite le samedi matin à prix libre dès 9 h. 71, rue du Gestas, à La Sauve. Tél. 05 57 97 02 20. garelasauve.jimdofree.com
Abbaye de la Sauve-Majeure. Exposition « Floraison majeure », jusqu’au 2 novembre. Avec l’entrée à l’abbaye : 7 €. 14, rue de l’Abbaye, à La Sauve. Tél. 05 56 23 01 55. Jusqu’à fin septembre, ouvert tous les jours de 10 h à 13 h 15 et de 14 h à 18 h. www.abbaye-la-sauve-majeure.fr
OÙ MANGER
La Pimpine. 7 h-20 h du lundi au mercredi, 7 h-23 h jeudi vendredi, 8 h 30-23 h le samedi et 8 h 30-20 h le dimanche. 1, chemin du Bon-Coin, à Lignan-de-Bordeaux. Tél. 05 56 78 38 81. www.lapimpine.com
L’Aiguillage. Le bistrot de l’ancienne gare. 69, rue du Gestas, à La Sauve. Tél. 05 56 44 36 89.
Et aussi…
Hors du thème ferroviaire, on mange très bien au Restaurant de l’Abbaye, 6, place Saint-Jean, à La Sauve. Tél. 05 56 23 21 58 et sur Facebook.
OÙ DORMIR
Gîte d’étape de Citon-Cénac. Accueil vélo et rando. De 100 à 350 € (de 2 à 12 personnes). Soirée étape : 70 €/personne. Panier pique-nique : 12 €. Au 22, avenue de Citon, à Cénac. Tél. 06 07 14 95 32. www.gitecitoncenac.com
La Gare champêtre de Frontenac. Un lieu rare où l’on s’attend à croiser le chef de gare. 3 chambres cosy, salon et cuisine de style vintage ferroviaire. De mi-avril à mi-octobre, 2 nuits minimum (350 € pour 6 personnes). Ancienne gare, à Frontenac. Tél. 06 24 25 77 10. www.lagarechampetre.fr