A Nantes, la 13e édition du festival Eurofonik, qui a lieu cette année du 5 au 16 mars, a ouvert sur un cycle autour de l’Irlande. Le temps d’un week-end, le festival a mis à l’honneur les danses et musiques du Comté de Clare, situé sur la côté ouest du pays. Au programme : concert, bal traditionnel irlandais et Master Class dont une sur les danses collectives irlandaises animée par Karine Luçon qui a approché cet univers lors des rencontres irlandaises de Tocane en Dordogne :
« Il y a plusieurs types de danses irlandaises : il y a les danses collectives et les danses solo. Aujourd’hui nous travaillerons sur les danses collectives, et plus particulièrement sur le « set dancing ». On danse sur différentes musiques : les reels, les polkas, les jigs… Chacune a des « sets » différents et selon les régions d’Irlande, il y a différentes façons de danser sur une même danse. »
Pour Karine Luçon, sa plus grande découverte reste l’univers des bals irlandais, appelés ceili : « Ces bals regroupent des personnes de différentes générations qui s’entendaient si bien pour arriver à danser ensemble. Et surtout : ils ont une mémoire d’éléphant pour retenir tous les mouvements qu’il faut faire. Tout est très codé dans la danse irlandaise, il faut respecter ça et je trouve cette connaissance fascinante. »
Un duo irlandais de la région du Clare pour faire danser les foules
Qui dit danse dit musique… Pour débuter les festivités autour de l’Irlande, le festival Eurofonik a convié un duo de musiciens de la région du Clare : le joueur de violon – appelé fiddle en irlandais – Eoghan Neff et le joueur de cornemuse irlandaise Blackie O’Connell :
« Je joue de l’uilleann pipes [cornemuse irlandaise]. C’est un célèbre joueur de cornemuse, Mickey Dunne, qui vient du Comté de Limerick, qui m’a formé. J’ai commencé quand j’avais 11 ou 12 ans, parce qu’il faut être physiquement assez grand pour pouvoir jouer de cet instrument. Mickey était le meilleur ami de mon père donc j’ai toujours entendu cette musique et le son si particulier, si unique, de la cornemuse irlandaise. Ensuite, je crois que tu deviens piper / cornemuseux quand tu commences à jouer de cet instrument, ça prend un peu, voire même beaucoup, le dessus sur ta vie. Quand j’ai commencé à jouer, j’ai su très vite que c’était fait pour moi. »
La Master Class animée par Blackie O’Connell à la Maison de l’Europe de Nantes – Marie Joly
Blackie O’Connell a profité de l’occasion pour donner une Master Class autour de la musique de sa région le Comté de Clare dans un des nombreux lieux qui accueille les concerts et événements portés par le festival. Maël Hougron et directeur d’Eurofonik et du Nouveau Pavillon :
« Nous sommes à la maison de l’Europe, sur l’île de Nantes, c’est un lieu dédié à l’Europe en général, qui parle aussi de citoyenneté et comme notre festival s’appelle Eurofonik et porte des musiques d’Europe, ça faisait sens de travailler ici. Mais ce n’est pas notre ‘maison’, la structure qui porte le festival s’appelle Le Nouveau pavillon. Cette association existe depuis 2003 et actuellement traverse de grosses grosses difficultés. Historiquement, nous sommes basés à Bouguenais, au sud de Nantes, mais nous avons dû annuler notre saison 2024/25 après de nombreuses coupes budgétaires. Pour l’instant, nous y sommes encore mais dans une espèce de semi nomadité, plus ou moins imposée. »
Les coupes budgétaires représentent à la fois celles, drastiques, de la région Pays de la Loire annoncées en décembre dernier qui touchent directement le secteur de la culture avec moins 62% sur son fonctionnement, mais aussi celles du département Loire Atlantique qui traverse une crise financière. Dans ce contexte, le festival Eurofonik et le Nouveau Pavillon cherchent à résister.
La création et l’expérimentation au cœur du Nouveau Pavillon
« C’est tout un écosystème artisanal et fragile et qui se prend la situation de crise actuelle de plein fouet et peut-être avec une urgence encore plus forte que d’autres domaines esthétiques, commente Maël Hougron. Après, nous concernant, nous sommes les seuls en Pays de la Loire à accompagner ces musiques, avec une particularité : dans le paysage national, nous avons une étiquette axée sur la création. Nous ne travaillons pas du tout sur le volet autour du patrimoine culturel immatériel. Donc tout nouveau projet, ou forme qu’e l’on mettrait en œuvre, garderait cet accompagnement de la création. C’est là qu’est notre expertise et que les artistes ont grand besoin de lieux comme les nôtres pour les accueillir et les conseiller, les accompagner etc. L’enjeu est vraiment là. »
Même dans le cycle un peu plus traditionnel autour de la musique irlandaise, le côté créatif porté le festival était bien là, grâce notamment au violoniste Eoghan Neff, compagnon de route de Blackie O’Conell :
« Mon binôme avec qui j’ai joué hier, Eoghan Neff, est un joueur de fiddle très intéressant. Il utilise beaucoup l’électronique, le looper / les boucles sonores et il arrive à créer un son très fort avec son petit instrument. Avec la cornemuse ça fonctionne très bien. Pour moi, la musique traditionnelle est vivante et continue d’évoluer. Je me considère plutôt comme un musicien traditionnel et Eoghan serait plus expérimental donc on se retrouve au milieu. Tu peux t’inspirer de choses qui viennent de différents endroits, ça ne veut pas dire que tu oublies le passé et la tradition. Tu explores de nouvelles choses mais tu reviens toujours à la musique traditionnelle car elle a toujours une place dans ton cœur. »
La 13e édition du Festival Eurofonik se termine le 16 mars avec un bal de clôture au Centre chorégraphique national de Nantes. La musique sera animée par le groupe poitevin Ma Petite et le duo breton Rozenn Talec et Yannig Noguet.