Robert F. Kennedy fils, secrétaire à la Santé des États-Unis, vient de faire une grande annonce. Tel que promis en avril, il a découvert les causes de l’autisme.

Publié à 8 h 00

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« Nous aurons une annonce en septembre tel que promis, a-t-il dit dans une séance publique du cabinet Trump. Nous avons découvert que des interventions, certaines interventions causent clairement presque certainement l’autisme. »

Ce n’est pas une mince déclaration. L’autisme fait l’objet de recherches depuis des dizaines d’années. Les causes, disent les chercheurs, sont multiples. Génétiques, environnementales…

Et voilà qu’en cinq mois, des « recherches » commandées par Kennedy seraient parvenues à une percée spectaculaire.

On sait que Kennedy a déjà comparé la vaccination des enfants aux expériences menées par les nazis. On l’a vu souvent prétendre faussement que l’autisme est causé par les vaccins. On peut donc parier que les « interventions » dont il parle, et qui causent « clairement presque certainement » l’autisme, seront… les vaccins.

Le « chercheur » à l’origine de la théorie des vaccins causant l’autisme, le médecin britannique Andrew Wakefield, a été radié de son ordre professionnel. Hélas, son « étude » frauduleuse a été publiée dans The Lancet, et continue à circuler chez les antivax.

La preuve a depuis été faite et refaite qu’il n’y a aucun lien entre la vaccination et l’autisme.

Quand RFK était une simple célébrité, il causait déjà beaucoup de tort en répandant des faussetés scientifiques, de la pseudoscience et des théories du complot.

Mais maintenant, le président a nommé ce « sceptique » des vaccins, pour ne pas dire cet antivax, à la tête de la Santé. Le Sénat a confirmé sa nomination. Ce ne sont plus des opinions, qu’il émet. Ce sont des décisions.

Et parmi celles-ci, il y a le congédiement mercredi de la Dre Susan Monarez, qui venait tout juste d’être confirmée dans ses fonctions de directrice de la Santé publique, à la tête des Centers for Disease Control and Prevention (CDC).

Le motif ? « Insubordination ». La Dre Monarez avait simplement rappelé à RFK que les nouvelles directives sur la vaccination ne correspondaient pas aux données scientifiques. Le secrétaire a en effet décidé qu’il n’y aurait de vaccination contre la COVID-19 que pour les personnes âgées. Basé sur quoi ? Ses propres avis. Car en juin, Kennedy a foutu à la porte tous les membres du comité de consultation sur la vaccination.

De fait, les CDC ont perdu « des milliers » d’employés et la moitié de leur budget. Certains de leurs meilleurs experts en matière de maladies contagieuses sont partis.

PHOTO ALYSSA POINTER, REUTERS

Manifestation à Atlanta, en Géorgie, au lendemain du licenciement par la Maison-Blanche de la directrice des CDC, Susan Monarez, et de la démission de plusieurs hauts responsables, jeudi

Les États-Unis ont aussi coupé les ponts avec l’Organisation mondiale de la santé. Annulé des contrats de recherche à hauteur de 500 millions sur la technologie de l’ARN messager. En plus de comprimer massivement les budgets de recherche et les fonds universitaires. Ce n’est pas pour rien que 75 % des chercheurs américains (sondage de Nature) disent vouloir trouver du boulot à l’étranger.

Ça ne change rien pour l’instant. Mais la capacité du pays à faire face à une épidémie, une pandémie, une crise sanitaire est sérieusement affectée. Comme les États-Unis ont été un leader mondial en la matière, cela touche le monde entier. Sans parler des risques de contagion idéologique et de contagion tout court.

Ça ne change rien pour l’instant, mais il y aura des morts.

Le démantèlement de la Santé publique américaine s’ajoute à toutes les attaques frontales contre la science. Et jusqu’à la collecte de données.

La destruction volontaire de deux satellites parfaitement fonctionnels qui mesurent le taux de CO2 dans l’atmosphère s’inscrit dans le même superbe projet de rendre aux États-Unis sa grandeur par l’accroissement de l’ignorance.

Quand il a écrit The Assault on Reason (La raison assiégée), en 2007, Al Gore se plaignait de la dégradation du débat public, dominé par des émotions aux dépens des faits. Il n’avait pas imaginé qu’un jour, un président congédierait la patronne du bureau des statistiques du travail parce qu’il n’aimait pas ses données.

Même les plus grands pourfendeurs républicains du « gros gouvernement » n’ont pas voulu éradiquer les données ou nommer volontairement des super-incompétents dans des postes clés.

Le plus consternant est évidemment l’aplaventrisme du Congrès. Le sénateur républicain Bill Cassidy a déclaré jeudi qu’il veut maintenant « superviser » les CDC, vu le bordel actuel.

Ce même sénateur, un médecin, avait fait semblant d’hésiter à confirmer la nomination de RFK à la santé, vu ses déclarations sur les vaccins. Il a longuement expliqué à quel point les vaccins sauvent des vies. Mais à la fin, bien entendu, il a voté pour sa confirmation. Si une personne aurait dû savoir ce qui se tramait, c’est bien lui. Et pourtant, il a ouvert toutes grandes les portes du labo aux idéologues de RFK pour qu’ils le saccagent.

Ce n’est même plus au nom d’une volonté de « réforme » des institutions scientifiques que tout cela est entrepris. Les CDC comme les universités comme tout le gouvernement méritent des réformes et des ménages périodiques, bien entendu.

Ce à quoi on assiste, c’est carrément la destruction de ces institutions qui ont été des références d’excellence en sciences de la santé, en sciences naturelles, en économie, etc.

On a déjà prétendu que John F. Kennedy s’était entouré des meilleurs. « The Best and the Brightest. »

Aujourd’hui, c’est à la moronisation de ce grand pays qu’on assiste.