C’est là, près de l’île de Phuket, qu’il fait la connaissance de Rüdiger. « La capsule flottait sans personne à son bord, alors j’ai proposé qu’on aille vivre dessus avec Nadia.  » Ils habitent sur le prototype, mais pendant quelques mois seulement : « J’ai adoré y vivre. C’était si paisible sur l’eau, sans personne autour, se rappelle Chad. On y restait une ou deux semaines d’affilée, et Rüdiger venait nous chercher avec son bateau. J’avais beaucoup de choses à faire car le seastead n’était pas complètement terminé. Nadia, elle, nageait, faisait du snorkeling, allait sur le toit, cuisinait… Quand on n’y était pas, on voulait y retourner ! C’était tellement serein… En ville, on est constamment dans les bouchons ou en train d’attendre dans des bâtiments administratifs, une vie de terrien ennuyeuse », résume-t-il en riant.

Mais l’expérience tourne court. En 2019, l’armée thaïlandaise lance un raid aérien et détruit le SeaPod. La cause du litige ? La maison flottante, située à 26 kilomètres de la côte, soit en dehors des eaux territoriales thaïlandaises (jusqu’à 22 kilomètres), mais encore dans la zone économique exclusive du pays (jusqu’à 370 kilomètres du littoral), une définition un peu floue qui attribue les ressources sous-marines de la zone au pays en question mais n’englobe pas la surface de l’eau. Une raison jugée néanmoins suffisante par les autorités thaïlandaises pour considérer les apprentis seasteaders comme une menace pour la souveraineté nationale – un crime passible de la peine de mort.

Potentiel touristique

Quelques mois plus tard, après une fuite sur laquelle ils préfèrent rester discrets, Chad, Rüdiger et Grant, les trois pionniers d’Ocean Builders, s’installent au Panamá, sur les conseils d’entrepreneurs étrangers déjà sur place, notamment le patron de la marina qui accueille aujourd’hui leur usine. Pas question de reproduire le fiasco thaïlandais : ce coup-ci, ils prennent soin de rencontrer les autorités du pays, et en particulier le ministre du Tourisme. « Il est venu nous voir plusieurs fois. [Les autorités] sont très enthousiastes à l’idée d’annoncer au monde que les gens peuvent venir voir quelque chose d’unique au Panamá  », se félicite Chad. Le pays a aussi l’avantage d’être au sud de la ceinture cyclonique caribéenne, qui en été voit défiler les ouragans. Une sécurité géographique indispensable pour les SeaPods.