Douzième à l’issue de la saison dernière, le Stade français, quatorze boucliers de Brennus au compteur, est donné favori pour disputer l’access match face au finaliste de la Pro D2. Un constat qui en dit long sur la perte d’influence et l’image véhiculée aujourd’hui par le club de la capitale.
C’est l’histoire d’un déclassement vertigineux. Une déliquescence rare. Par le passé, même après une saison ratée, le Stade français recueillait toujours quelques suffrages pour un éventuel titre de champion de France, une place en finale ou dans le dernier carré. Dans le pire des cas, il y avait toujours quelques managers ou entraîneurs qui mettaient une pièce sur le club de la capitale parmi les barragistes de la phase finale. Et pour cause, les Soldats roses sont des habitués des montagnes russes. Une saison tout en haut, la suivante tout en bas ou presque. Le constat est presque devenu une marque de fabrique, un atypisme sur lequel les dirigeants ont longtemps surfé comme pour mieux affirmer que le Stade français n’est pas un club comme un autre. En interne, les joueurs, toutes époques confondues, s’en sont même parfois amusés. Comme si l’institution se complaisait à ne jamais rien faire comme les autres. Sauf que. Sous l’ère Max Guazzini, malgré certaines crises, les résultats étaient très souvent au rendez-vous. Ce qui n’est plus vraiment le cas depuis le titre de champion de France 2015 et le succès en Challenge Cup en 2017, sous la présidence de Thomas Savare.
Résultat ? Dans le traditionnel sondage Midi Olympique réalisé avant le début de la saison auprès des managers et entraîneurs des clubs de l’élite, quasiment aucun d’eux ne croit à une hypothétique résurrection stadiste. Pour la saison à venir, si le club parisien truste bien une place de barragiste, il s’agit cette fois-ci de l’access match contre le finaliste malheureux du Pro D2, synonyme de treizième place. Un match à la vie, à la mort, pouvant conduire à une disparition du paysage de l’élite du rugby français. « Sincèrement, quand tu réalises une saison pareille, c’est normal, disait il y a peu le capitaine Paul Gabrillagues. Quand tu finis à cette place-là en Top 14 (12e), les autres te regardent différemment, c’est logique. Pour moi, aujourd’hui, on doit se taire et travailler. Quand on sort d’une saison comme la nôtre l’an dernier, il faut mieux éviter de trop la ramener. »
Le fruit d’une instabilité chronique ?
L’ancien troisième ligne du XV de France Olivier Magne (89 sélections), fin observateur du Top 14, pose dans cette édition un constat sans concession : « Paris fait partie de ces clubs qui n’ont jamais su comment faire pour basculer sur un vrai projet, avec de la patience, avec de la persévérance dans la construction d’un groupe. En fait, ils récoltent ce qu’ils sèment. Il y a dans ce club une instabilité chronique au niveau des managers […] En fait, c’est une question de systéme. Qu’est-ce qui fait que, finalement, ce système-là ne marche pas ? Il y a des questions plus profondes à aller chercher. » Depuis 2015, date du dernier titre de champion de France sous la houlette de Gonzalo Quesada, le club de la capitale a éclusé de nombreux entraîneurs : Greg Cooper, Heineke Meyer, le duo Laurent Sempere-Julien Arias, de nouveau Gonzalo Quesada, Laurent Labit et Karim Ghezal. L’instabilité est chronique, notamment depuis la prise de pouvoir du Docteur Hans Peter Wild en 2017. « Repartir de zéro, c’est ce qui fatigue tout le monde », constatait Fabrice Landreau, ancien joueur de la maison rose passé à différents postes d’encadrement ces dernières années. C’était en mars dernier après le départ de Laurent Labit.
Aujourd’hui, c’est le technicien anglais Paul Gustard, conservé contre son gré alors que ce dernier avait demandé à être libéré de sa dernière année de contrat pour rejoindre Leicester, qui est aux commandes. Pour combien de temps ? « Il y a une véritable volonté de stabilité, répondait dans ces colonnes vendredi dernier le capitaine Paul Gabrillagues. Cette question, vous pouvez la poser à tout le monde au sein du club, personne ne répondra autre chose. Ça ne peut pas faire de mal. Ça ferait même du bien à tout le monde, de la stabilité. » Dans l’intimité du vestiaire parisien, on tente tout de même de positiver en rappelant que la demi-finale de 2024 perdue de peu face à l’Union Bordeaux-Bègles (20-22) n’est pas si loin. Et qu’après la pluie vient le beau temps.
Toujours est-il que la situation du Stade français interpelle. Plusieurs anciens joueurs historiques (ou non) ont été sollicités pour connaître leur sentiment sur cette image salement amochée auprès des acteurs du Top 14, mais aussi probablement auprès du grand public. Aucun n’a souhaité s’exprimer ouvertement, certains avaient le cœur lourd, d’autres étaient en colère contre la gestion ayant mené à cette situation. Des silences assourdissants synonymes d’inquiétude grandissante quant à l’avenir d’un club comptabilisant 14 Boucliers de Brennus. Contacté également, l’ancien président emblématique Max Guazzini, qui avait fait du Stade français une véritable marque populaire autant grâce aux résultats sportifs qu’à une politique de développement détonante en direction du grand public, est demeuré longtemps mutique lorsqu’on lui a exposé les résultats du sondage. Et ce dernier de lâcher tristement : « Pas de commentaire s’il vous plaît. »