Aux États-Unis, des chercheurs ont récemment décrit un cas médical aussi étonnant qu’effrayant. Il est ici question d’une patiente d’une trentaine d’années ayant développé un cancer de la peau agressif suite à une contamination par un papillomavirus. il s’agit pourtant d’un groupe virus très commun dont la plupart des infections sont asymptomatiques et disparaissent naturellement.
Un virus s’insérant dans l’ADN de cellules tumorales
Les papillomavirus humains (HPV) sont des virus communs se transmettant très facilement, la plupart du temps à l’occasion de contacts avec des muqueuses lors de contacts intimes. Il existe plus de 100 types de HPV, certains causant simplement des verrues et d’autres – les HPV à haut risque – peuvent être responsables de cancers génitaux et de l’anus, entre autres. Si le dépistage est évidemment crucial dans le cas des papillomavirus à haut risque, il faut savoir que la plupart des infections HPV sont asymptomatiques et disparaissent de manière tout à fait naturelle.
Une équipe du Laboratoire d’immunorégulation et des maladies infectieuses à Bethesda (États-Unis) rattaché à l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) a décrit un cas médical surprenant, comme en témoigne une publication dans le New England Journal of Medicine le 30 juin 2025. Les chercheurs ont observé une femme de 34 infectée par un Beta-Human Papillomaviruses (beta-HPV) qui aurait franchi un seuil inhabituel. Plus précisément, le virus a pénétré l’ADN de cellules tumorales et a ainsi participé activement à leur prolifération.
En temps normal, les virus cutanés ne sont pas très dangereux, bien que leur comportement dépende beaucoup des défenses immunitaires de la personne concernée. Chez la plupart des gens, le système immunitaire tient ces virus à distance mais dans le cas décrit par les scientifiques, une anomalie génétique a permis à l’agent infectieux de contourner les défenses naturelles. Ce cas témoigne d’un fait finalement peu documenté : un virus longtemps considéré comme bénin peut booster la prolifération de cellules tumorales et ce, dans un contexte de défaillance du système immunitaire.
Un moteur de l’évolution de la tumeur
Dans les faits, la patiente souffrait d’un carcinome épidermoïde cutané récurrent sur le front et malgré plusieurs interventions chirurgicales et une immunothérapie, la tumeur revenait inlassablement. Les analyses génétiques ont permis de comprendre que le beta-HPV avait pénétré le génome de la tumeur et produisait des protéines virales favorisant l’activité cancéreuse. Or, il s’agit là d’un type d’action inédite en ce qui concerne ce genre de virus. La mutation a affecté la protéine ZAP70, essentielle dans la signalisation des cellules T, une catégorie de leucocytes jouent un rôle très important dans la réponse immunitaire adaptative. Le fait est que la capacité de ces cellules immunitaires à détecter et éliminer les cellules infectées s’est grandement réduite.
Exemple de carcinome épidermoïde cutané. Crédits : Michelle Ress / Flickr
Par ailleurs, les circuits de régulation cellulaire ont également été perturbés, favorisant une division cellulaire hors de contrôle et une résistance aux signaux de mort programmée. Ainsi, les protéines virales produites par le le beta-HPV sont passées du stade de simples marqueurs d’infection à véritables moteurs de la transformation de la tumeur.
Enfin, si ce genre de cas est très rare, il s’agit d’une nouvelle occasion de rappeler que les personnes immunodépressives peuvent développer des cancers directement provoqués par le beta-HPV. Pour les chercheurs, un dépistage précoce devrait permettre de proposer rapidement des stratégies préventives ou thérapeutiques avant d’éviter l’échec annoncée des traitements habituels.