Vendredi, l’enseignement catholique de Loire-Atlantique a annoncé avoir recueilli plusieurs témoignages de violences sexuelles au sein du collège-lycée de Saint-Stanislas à Nantes entre 1958 et 1995. Les témoignages, émanant des victimes ou de leurs familles, décrivent des viols, des agressions sexuelles et des attouchements commis au sein de l’internat et pour « au moins une victime » des faits survenus lors de vacances organisées par l’établissement. Cinq des prêtres ainsi qu’au moins un membre du personnel éducatif sont mis en cause. Après avoir appris la nouvelle, une victime et ancien élève de l’établissement privé nous livre son témoignage.

Philippe intègre Saint-Stanislas en classe de 6e en 1958. Malgré les bruits de couloir, le collégien passe deux années « sans aucun problème ». A l’époque, la quasi-totalité de ses professeurs sont des hommes de foi. « Leurs chambres étaient situées juste au-dessus des dortoirs », se rappelle Philippe. C’est le cas de son professeur de latin*, également abbé au sein du diocèse. « Un jour, il me convoque dans sa chambre pour discuter de mon dernier devoir. Le ton employé était tel, que je me suis mis à pleurer. Pour me consoler, il m’a pris sur ses genoux », raconte le septuagénaire. L’abbé aurait alors commencé à lui caresser les parties génitales. « Il s’est arrêté avant une possible éjaculation et je suis parti, retrace le retraité avec précision. Quand on est jeune, on se souvient de tout. »

« Baille pas si fort, on voit la marque de ton slip »

Jusqu’à la terminale, Philippe continue sa scolarité au sein de l’établissement catholique. « Je n’appréhendais pas d’aller à l’école, je voulais juste travailler. J’ai toujours été un élève moyen et je le suis resté », confie-t-il.

Pendant ces années, l’adolescent dit ne pas être confronté à une seconde agression sexuelle de la part de cet abbé ni d’un autre enseignant mais cite un professeur de mathématiques* au tempérament « discutable ». « Il nous disait, « baille pas si fort, on voit la marque de ton slip ». » Un jour, un camarade lui révèle avoir été emmené de force dans une chambre par cet homme, ce dernier aurait réussi à s’enfuir « en voyant que l’abbé essayait de le toucher ».

Génération omerta

Malgré les quelques échos qui résonnent dans les couloirs de « Saint-Stan », Philippe se mure dans le silence. « Je n’en ai pas parlé à mes parents ni à mes copains », assure le Nantais dont les parents sont décédés sans avoir connaissance de cet évènement. « J’en ai parlé pour la première fois à des amies de bureau quand j’étais adulte », reconnaît celui qui se réjouit des récentes prises de conscience au sujet des viols dans l’Eglise. « Ça me fait du bien de voir que d’autres prennent la parole, c’est remarquable. Entre élèves, nous n’en parlions pas beaucoup, surtout, nous ne savions pas ce qu’était une agression sexuelle. »

Ce n’est que très récemment que Philippe découvre ne pas avoir été la seule victime de son agresseur. « J’ai appris bien plus tard par le biais d’anciens élèves qu’on le surnommait « le Tâteur » ». Après avoir pris connaissance des dernières annonces du diocèse vendredi, Philippe s’est senti « soulagé, mais pas étonné du tout ». Concerné, il mentionne cependant ne pas avoir témoigné auprès du diocèse à cause, notamment, d’un manque d’accès à Internet.

Dans une conférence de presse tenue vendredi, l’évêque de Nantes, Laurent Percerou, a lancé un appel à témoignages « avec l’espoir que se fassent connaître celles et ceux qui auraient été victimes d’agressions physiques ou sexuelles à Saint-Stanislas ainsi que dans les établissements scolaires de l’enseignement catholique de Loire-Atlantique ».

*En l’absence de procès, les personnes mentionnées sont présumées innocentes.