Par
Julie Bossart
Publié le
2 sept. 2025 à 7h10
Il y a quelques jours, un jeune homme a recueilli le témoignage d’une famille de Rosny-sous-Bois en grande difficulté. Dans sa vidéo TikTok ironiquement intitulée « Eden Garden », on découvre les conditions de vie du couple et de son garçon, âgé de 11 ans. Anissa, Bernard et leur fils* vivent sous une tente, plantée dans un jardin arboré. À l’intérieur, des Playmobil amoncelés sur une table, quelques vêtements entassés dans une armoire et un lit au matelas sans drap.
Du parcours de cette famille dans le besoin, on apprend quelques bribes via le témoignage de la maman. Elle raconte que son mari était courtier en assurance en France, où « [ils] vivaient bien », avant de vouloir tenter leur chance en Tunisie. La famille s’est expatriée, mais l’entreprise a fait faillite au moment de la crise Covid.
« Elle a dit qu’elle faisait les démarches, mais, c’est long »
« J’ai eu cette chance d’avoir un excellent travail, explique Bernard. Mais, du jour au lendemain, par rapport à la crise sanitaire, on a tout perdu. Quand je vous dis tout, c’est vraiment tout. » Retour en Seine-Saint-Denis.
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Anissa et les siens louent alors dans un premier temps une chambre d’hôtel. Elle a bien contacté la mairie de Rosny-sous-Bois, et est entrée en contact avec l’assistante sociale afin d’obtenir un logement : « On a demandé juste un toit, mais, à chaque fois, on nous a dit qu’il y avait beaucoup de monde comme nous. » La mère de famille ajoute que la députée Fatiha Keloua Hachi (8e circonscription de Seine-Saint-Denis) s’est émue de leur sort : elle se serait rendue à l’école de leur fils auquel elle aurait annoncé qu’elle allait les aider. « Elle a dit qu’elle faisait les démarches, mais, c’est long », se lamente Anissa. Contactée, la parlementaire (socialistes et apparentés) n’était pas revenue vers nous au moment de la publication de cet article.
En attendant, Bernard aurait trouvé un travail, début août 2025. « Mais il faut trois fiches de paie pour avoir rien qu’un petit studio », reconnaît la maman qui appelle à l’aide : « On a besoin d’un coup de main, on ne peut quand même pas laisser un enfant dehors. » La vidéo se conclut sur ces paroles du garçon : « J’aimerais qu’un jour on dorme dans une maison, voilà. Là, les autres personnes, elles sont en vacances, elles sont bien. Moi, je suis là, parfois dans le froid, parfois dans le chaud. J’espère que j’aurai une petite chambre pour m’amuser, pour pas que j’embête mes parents quand ils dorment. »
« J’ai cru que c’était un fake »
Ce témoignage a troublé Ivan Itzkovitch, conseiller municipal et président du groupe Uram (Union rosnéenne d’action municipale). Mais il l’a aussi révolté lorsqu’il a appris que la tente occupée par cette famille avait été plantée dans le jardin de l’élue de la ville chargée… de l’habitat et du logement. « Au début, j’ai cru que c’était un fake », nous a-t-il confiés lundi 1er septembre 2025, après avoir alerté la municipalité. « Même si, malheureusement, ce n’est pas un cas isolé en Île-de-France, concède-t-il, la situation d’hébergement catastrophique de cette famille est due à cette élue », s’insurge-t-il.
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Et de réclamer, « si les faits étaient confirmés, de retirer ses délégations, de demander sa démission, mais aussi d’apprécier si la mise en œuvre de l’article 40 du Code pénal est nécessaire ». Ce dernier stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au procureur. »
Les deux délégations de l’élue retirées
Face à la polémique grandissante, le maire, Jean-Paul Fauconnet (LR), a convoqué l’après-midi même l’élue incriminée. Dans la foulée de cet entretien, il a d’abord réagi auprès d’actu via un communiqué en démentant fermement les accusations portées à l’encontre de la conseillère municipale :
« Contrairement à ce que certains commentaires laissent entendre, elle ne peut en rien être assimilée à un ‘marchand de sommeil’. Au contraire, avec son époux, face à la détresse d’une famille vivant à la rue, elle a fait preuve d’une grande générosité en lui proposant d’installer sa tente dans leur jardin et de lui donner accès aux installations sanitaires (toilettes, salle de bains, lave-linge…) et aux indispensables de cuisine. »
Jean-Paul Fauconnet
Maire (LR) de Rosny-sous-Bois
Le maire a ajouté : « Consciente des interrogations nombreuses et soucieuse du risque de voir entachée la probité de la direction de l’habitat et du logement, l’élue a demandé à ce que lui soient rappelées ses deux délégations, ce que j’ai immédiatement accepté et engagé. » Il a aussi salué « une attitude lucide quant à l’absence de lisibilité entre son mandat et sa décision personnelle d’aider une famille ». » Que va-t-il dès lors advenir d’Anissa et de ses proches ?
« Elle a agi avec son cœur »
Lors d’un échange téléphonique en fin de journée, lundi, Jean-Paul Fauconnet nous a assuré que « le 115 [le numéro d’urgence sociale] s’était saisi de l’affaire et allait trouver à la famille une solution de relogement sur le champ ». » De façon moins formelle, il a confié que son élue, malgré ses 80 ans, était « connue de tous pour son engagement et son dynamisme » et qu’elle avait agi « avec son cœur en laissant la famille s’installer dans son jardin il y a quelques mois. C’était au moment de Pâques, je crois. Aujourd’hui, elle est dépitée et se sent trahie : des gens se sont introduits chez elle sans son consentement pour divulguer une action faite à titre personnel pour des démunis. » Il convient de rappeler que, dans la vidéo diffusée sur TikTok, à aucun moment Anissa émet le moindre commentaire sur la conseillère municipale qui lui a tendu la main.
Pour Jean-Paul Fauconnet, le vrai scandale n’est pas le geste de son élue, mais le fait que « 2000 personnes soient en attente d’une solution d’hébergement sur [s]a commune, qui n’est pas propriétaire de logements ». Les vrais coupables, à ses yeux, sont « les bailleurs, qui ne répondent pas aux vrais besoins ».
Selon le dernier baromètre Unicef, « à la veille de la rentrée scolaire 2025 [dans la nuit du 18 au 19 août plus précisément], 1760 familles étaient restées sans solution d’hébergement à la suite de leur appel au 115, dont 552 habitant à Paris et 403 en Seine-Saint-Denis [+30% par rapport à 2024 dans ce dernier département] ».
*Les prénoms ont été modifiés par le vidéaste pour conserver l’anonymat des témoins
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