GONZALO FUENTES via REUTERS
Classe fermée d’une école primaire de Saint-Maur-des-Fossés, le 30 mars 2021.
ÉDUCATION – C’est un véritable choc dans le monde de l’enseignement. Caroline Grandjean, une institutrice de 42 ans qui dirigeait également l’école primaire de la commune de Moussages (Cantal), s’est donné la mort ce lundi 1er septembre, le jour de la rentrée scolaire, après plusieurs années de harcèlement homophobe.
Selon Le Parisien, elle a contacté la plateforme de prévention du suicide autour de 10h30 du matin, avant de se jeter du haut d’un ravin. « Caroline aura tenté du mieux qu’elle pouvait de se reconstruire. Mais la blessure était trop profonde. Elle a choisi de se donner la mort ce lundi 1er septembre, jour de la rentrée scolaire », a réagi sur X l’auteur de bandes dessinées Remedieux, de son vrai nom Christophe Tardieux. Proche de l’enseignante, il lui avait dédié l’un de ses 14 portraits dans sa BD Cas d’école sur ces instituteurs et institutrices ordinaires racontant la crise de la profession.
Car les dernières années de l’enseignante avaient été celles d’une descente aux enfers. Dans cette école à classe unique de ce village de 300 habitants, le harcèlement a commencé en 2023 pour Caroline Grandjean, lorsqu’elle découvre juste avant Noël un tag « Sale gouine » inscrit sur le préau de son établissement scolaire.
« Tout cela a contribué à creuser sa tombe »
Mariée à une femme sans que cela n’ait jusqu’ici été un quelconque sujet, l’enseignante est arrêtée jusqu’en mars 2024 face à ce choc. Lorsqu’elle reprend le travail, un nouveau message lui est adressé à l’école : « gouine = pédophile », le 7 mars. Sans oublier d’autres mots comme « va crever sale gouine », retrouvés dans la boîte aux lettres de l’établissement.
Alors qu’elle ne souhaitait initialement pas renoncer face à ce harcèlement anonyme, elle finit par se mettre en arrêt de travail à la rentrée 2024, sans que sa situation personnelle ne s’améliore depuis. « Cette histoire de corbeau l’avait placée dans une position de grande fragilité », explique auprès du Parisien Remedium, qui explique que cette date de la rentrée scolaire « n’est évidemment pas le fruit du hasard ».
« Le corbeau qui l’a abreuvée d’insultes homophobes et de menaces de mort, les villageois et le maire qui ne l’ont pas soutenue, les collègues de son académie aux abonnés absents… Tout cela a contribué à creuser sa tombe. Mais l’Éducation nationale a planté les clous de son cercueil en n’assumant rien, allant jusqu’à porter plainte contre la bande dessinée, imposant à Caroline une audition au commissariat. Comme une coupable », poursuit Christophe Tardieux sur X.
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Avant de pointer un dernier symbole. « Il y a trois jours à peine, Caroline m’écrivait pour n’annoncer que l’inspectrice qui ne l’avait pas soutenue était promue, devenant l’assistante de la Directrice académique. » Une goutte qui fut peut-être de trop, à quelques jours de la rentrée.
L’Éducation nationale mise en cause
« Ce harcèlement l’a détruite et elle a préféré dire stop. D’autant qu’elle n’a été soutenue ni par l’institution qui voulait la changer de poste, ce qu’elle a refusé, ni par la mairie qui trouvait que cette histoire faisait une mauvaise publicité au village », affirme de son côté le secrétaire général du syndicat des directeurs et directrices d’école (S2DE), Thierry Pajot, auprès du Parisien.
Le maire de la commune, Christian Vert, s’était de son côté vivement défendu de ces accusations dès septembre 2024, lorsque plusieurs voix dans la presse locale l’accusaient de privilégier une forme de « pas de vague » dans sa commune. « Contrairement à ce qui est affirmé de manière mensongère, j’ai toujours condamné les actes odieux d’homophobie dont [elle] a été victime », écrivait-il dans une lettre. « Je tiens à rappeler que, mon conseil municipal et moi-même, avons toujours agi dans la limite de nos propres moyens et pouvoirs pour soutenir l’enseignante et faire cesser ces agissements. […] J’ai porté plainte à cinq reprises auprès de la gendarmerie de Mauriac », poursuivait-il alors.
Le ministère de l’Éducation nationale a réagi auprès du Parisien, se disant « profondément touché par le décès tragique d’une professeure des écoles dans le Cantal ». Avant d’ajouter que « la rectrice de l’académie de Clermont-Ferrand va saisir la formation spécialisée santé, sécurité et conditions de travail départementale afin qu’elle puisse conduire les investigations et formuler les préconisations nécessaires ».