Les magistrats recommandent à l’établissement public d’adapter ses effectifs à ses besoins réels, d’améliorer les mesures de lutte contre la corruption et de mieux encadrer la transformation de son modèle économique.

Un constat accablant. Dans un rapport rendu public lundi 1er septembre, la Cour des comptes étrille le Grand port maritime (GPM) de Nantes Saint-Nazaire, confronté depuis 2017 à d’«importantes difficultés». Chargé non seulement du port de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), mais aussi des infrastructures maritimes et fluviales situées entre l’estuaire de la Loire et l’île de Nantes, l’établissement public souffrirait d’une situation sociale tendue, d’une intensification des narcotrafics et d’une rentabilité dégradée.

D’après le document de plus de 100 pages, l’activité du port – aujourd’hui composé de 690 agents – a ainsi été particulièrement pénalisée ces dernières années par «des défaillances dans la politique de ressources humaines», un «dérapage des effectifs et des charges de personnel», ainsi qu’une multiplication des primes. Les deux tiers des postes récemment créés – pour une augmentation de 16% des effectifs depuis 2017 – ne correspondraient pas à des besoins réels et auraient été acceptés par la direction du port dans le cadre de négociations avec les organisations syndicales. La Cour des comptes observe que le port fait par ailleurs l’objet de blocages violents et récurrents «liés à des préavis de grève qui couvrent la quasi-totalité de l’année».


Passer la publicité

Risques «forts et avérés» liés au narcotrafic

Les magistrats épinglent également la porosité croissante du GPM aux réseaux de trafic de drogue. «Le port n’est pas épargné par l’intensification des narcotrafics et doit rehausser son niveau de contrôle», note la Cour des comptes, en évoquant des risques «forts et avérés», en particulier dans les terminaux et sur le secteur de Montoir-de-Bretagne. Malgré sa taille moyenne et son trafic limité de conteneurs, le GPM se trouverait paradoxalement plus exposé aux flux issus du narcobanditisme, par effet de contournement des ports plus importants – mais aussi mieux surveillés. La Cour rappelle que plusieurs procès ont mis en cause des dockers et leurs familles, et que les saisies récentes de cocaïne, avec des quantités pouvant frôler la demi-tonne, «confirment la permanence du phénomène et la réalité de la menace». Au vu des dysfonctionnements constatés, la Cour recommande notamment de renforcer les mesures de prévention de la corruption.

Le reste du rapport relève la vulnérabilité du port aux aléas des marchés énergétiques, en raison de sa dépendance au trafic d’énergies fossiles. La Cour des comptes prend acte de la transformation en cours du modèle économique du GPM, qui envisage de développer de l’éolien en mer sur son domaine, tout en notant les risques financiers du projet et le manque d’accompagnement de sa tutelle, le ministère des Transports.

Dans un communiqué publié mardi, la direction du Grand port maritime a indiqué prendre acte du rapport de la Cour des comptes et a assuré porter «la plus grande attention à ses recommandations». Une feuille de route «ambitieuse et réaliste» sera discutée prochainement par la gouvernance du port. Membre du conseil de surveillance du GPM, la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, a réagi à la publication du rapport en taclant «l’opacité» ancienne de l’établissement public portuaire. «J’ai demandé à l’actuel ministre des Transports (Philippe Tabarot, NDLR.) la mise en œuvre d’un plan de redressement», a indiqué l’élue Horizons. Avec un trafic de 28 millions de tonnes de marchandises en 2023, le GPM de Nantes Saint-Nazaire est le port le plus important de la façade atlantique, et le quatrième à l’échelle nationale, derrière ceux de Dunkerque, Marseille et Le Havre. En 2024, son chiffre d’affaires s’élevait à 95 millions d’euros.