Si l’annonce officielle n’a toujours pas été révélée à
l’heure où ces lignes sont écrites, on sait, avec certitude, que
Jack Miller devrait être reconduit par Pramac Yamaha la saison
prochaine ; une fois de plus, il est sauvé, mais jusqu’à
quand ? Analyse.
En sursis
Je vous le dis tout de suite : je ne suis pas un grand fan
de cette prolongation. Cela fait maintenant plusieurs années que
Jack Miller fait du sursis, mais est sauvé à chaque fois, dans les
derniers instants du mercato. Après son passage raté chez KTM, je
ne le voyais pas rebondir, et force est de constater que c’est très
difficile pour l’Australien cette saison. Pourtant, Yamaha
compte sur lui. Mais, pourquoi ?
Miller
était assez agacé que la décision tarde à venir. Photo : Michelin
Motorsport
Deux raisons me viennent en tête. La première, et ce n’est pas
la première fois que j’en parle, est liée à sa nationalité. On sait
que l’Australie est un gros marché, et qu’un Grand Prix MotoGP y est disputé. Un peu comme la Thaïlande pour
Chantra et le Brésil pour Moreira, ce choix est sans doute aussi
motivé par une volonté de rester présent dans les pays importants
pour l’écosystème motocycliste. Étant donné qu’il est très
difficile de justifier cette prolongation avec les résultats – que
nous évoquerons par la suite –, je m’en remets forcément à
cet argument. Des sources sûres affirment que la DORNA a
la capacité d’influencer le marché des transferts, et, très
franchement, ça ne m’étonnerait pas que les plus hautes instances
aient leur mot à dire dans ce cas précis.
Cependant, il existe un deuxième argument, soulevé par Fabio Quartararo, qui,
par ailleurs, se satisfait de cette décision. Le
Français affirme que Miller, de par son expérience avec les moteurs
V4, pourrait être une pierre angulaire du projet. Il est vrai que
Miller a connu différents V4, à savoir, les moteurs Honda, Ducati,
et KTM. Miguel Oliveira, lui, en a un de moins au compteur, ce qui
pourrait avoir une influence là-dedans. Mais laissez-moi
vous dire que je suis loin d’être persuadé.
D’abord, car je suis personnellement convaincu que
l’influence de l’architecture moteur est très largement surestimée
en MotoGP. À entendre Fabio Quartararo, on pourrait croire
que le V4 va tout changer, que ce sera une révolution. Mais les
moteurs quatre cylindres en ligne ont aussi connu de très bons
résultats en MotoGP, récemment qui plus est. En 2022, un Alex Rins
déjà sur le déclin parvenait encore à imposer la Suzuki GSX-RR en
MotoGP face aux excellentes Ducati Desmosedici. Et puis, Honda,
fidèle au V4 depuis très longtemps, n’a-t-il pas totalement sombré
avec cette architecture moteur entre 2019 et 2024 ? Bref,
je ne m’attends pas à un changement miraculeux sur la seule
base du moteur.
La preuve, beaucoup de pilotes sont passés de l’un à l’autre, et
il est bien difficile de trouver un sens à leur trajectoire.
Regardez Alex Rins, l’exemple le plus
parlant. Il gagnait chez Suzuki fin 2022, après y
avoir passé six saisons. Puis, chez Honda, sur une moto V4 réputée
difficile, il y a gagné au bout de trois courses, avant de se
blesser. Repassé chez Yamaha, sur un quatre en ligne, donc,
il ne fait plus rien depuis deux ans.
Pourquoi
ne pas tenter de recrutement maintenant pour préparer l’après 2027
? Photo : Michelin Motorsport
Ensuite, je ne crois pas que l’expérience de Miller soit
si significative. Oui, il a piloté trois V4 contre deux
pour Oliveira. Mais le moteur Honda, il l’a eu entre les jambes de
2015 à 2017, il y a bientôt 10 ans ; permettez-moi de douter
de la pertinence de ce retour d’informations. De plus, il n’a pas
eu, a priori, de rôle significatif dans les progrès de Ducati sur
la période 2018-2022, et KTM non plus n’a pas progressé lorsqu’il y
était. À vrai dire, il a même régressé au sein de la firme de
Mattighofen, ce qui prouve bien qu’il n’est peut-être pas ce
régleur providentiel qui peut donner une direction à suivre au
département technique. Ce ne sont là que des suppositions, bien
sûr.
Pour conclure cette partie, disons qu’il est difficile de se
convaincre des arguments avancés justifiant la prolongation de
Miller. Il s’agit d’une signature conservatrice, qui vise à ne pas
changer tout l’effectif d’un seul coup – en prenant en compte
l’arrivée de Toprak. Mais, à mon sens, c’est trop
frileux.
Des résultats décevants
Comme beaucoup, j’ai été assez surpris par quelques courses de
Miller cette saison. On sait qu’il peut s’illustrer une ou deux
fois dans l’année, mais son irrégularité chronique, elle,
ne le lâche pas d’une semelle. De plus, quand il ne brille
pas, il est carrément absent. En 2025, il compte déjà six résultats
blancs en quatorze courses, et, finalement, ses seuls bons moments
se résument à une cinquième place aux États-Unis, une
impressionnante séance qualif’ en Thaïlande, et un week-end correct
à Silverstone – qui est, d’ailleurs, sa seule entrée dans les
points en Sprint. C’est peu, trop peu. On pourrait penser qu’il va
s’améliorer, car ça ne fait qu’une demi-saison qu’il est là. C’est
possible, mais c’est aussi possible qu’il régresse sans la moindre
explication, comme ce fut le cas chez KTM où il n’a jamais été
aussi bon que sur les sept premières courses disputées avec la
RC16.
Yamaha avait l’embarras du choix, et même si on peut comprendre
cette stratégie conservatrice, ça me tue de voir que les Manuel
Gonzalez, Aron Canet et autres stars du Moto2 ne se voient proposer
aucun guidon. Oui, ça ferait deux rookies dans une
même équipe, mais ne faut-il pas prendre des risques pour
réussir ? Est-ce avec Jack Miller que Yamaha compte passer un
cap, que ce soit en développement ou sur la piste ? Je ne le
crois pas. Et j’irai même plus loin : je crois que
c’est une erreur.
Partagez-vous mon avis sur « Jackass » ?
Pensez-vous réellement que sa prolongation sera bénéfique pour
Yamaha ? Dites-moi tout en
commentaires !
Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur,
et pas de l’entièreté de la rédaction.
Miller
va devoir s’accrocher, mais je peine à y croire. Photo : Michelin
Motorsport
Photo de couverture : Michelin Motorsport