Depuis le début de l’invasion russe en 2022, l’Ukraine s’est imposée comme pionnière dans l’usage militaire des drones. Des engins parfois artisanaux, certes, mais d’une redoutable efficacité. Un basculement est pourtant en cours avec le déploiement à grande échelle par Moscou d’une nouvelle génération d’aéronefs : les drones à fibre optique, dont GEO a fait mention récemment.

La Russie, qui a fait de ces drones d’un genre nouveau un axe majeur de sa contre-offensive dans la région de Koursk, semble à ce stade tirer des bénéfices tactiques significatifs de leur redéploiement de ces unités vers le front de Pokrovsk. Pour cause : reliés par la fibre à leur pilote, ces drones sont de fait insensibles au brouillard électronique, qui handicape de nombreux aéronefs sur le terrain.

L’Ukraine (pour l’instant) dépassée

Sur le terrain, la riposte ukrainienne s’organise, mais reste encore artisanale. « Nous n’avons pas encore de production centralisée de drones à fibre optique », admet le capitaine Ihor Matviyishyn. Seules certaines brigades spécialisées, comme les bataillons Azov ou Magyar, parviennent à en fabriquer localement, souvent à partir de pièces importées.

Interrogé par le Moscow Times, Volodymyr Makhitko, ingénieur en chef de l’entreprise ukrainienne Technohawk, garde espoir : « Grâce au câble en fibre optique (…) sur une distance pouvant atteindre 20 km, nous contournons totalement la guerre électronique », explique Volodymyr Makhitko, ingénieur en chef chez Technohawk. Plus de brouillage, plus de piratage : le lien est physique, indétectable par les radars, insensible aux ondes ennemies.

« Le défi n’est pas technique. Le vrai problème, c’est l’industrialisation », continue-t-il. Car les composants essentiels, notamment les bobines de fibre optique, restent largement produits en Chine. Une dépendance stratégique lourde, d’autant que Pékin, selon Bloomberg, a cessé ses exportations vers l’Ukraine tout en maintenant ses livraisons à Moscou.

Pour tenter de regagner du terrain, les Forces des systèmes autonomes ukrainiennes ont dévoilé en février le Silkworm, une bobine modulaire produite localement, capable d’équiper aussi bien des drones FPV que des véhicules terrestres autonomes. Une innovation encore embryonnaire, mais qui témoigne de la résilience industrielle du pays. « Cette guerre est aussi celle de l’adaptation et de l’ingéniosité. Nous devons apprendre plus vite que l’adversaire », affirme au Moscow Times Viktor Zubenko, PDG de Technohawk.

Une technologie prometteuse… mais vulnérable

Pour autant, la fibre optique n’est pas une panacée. D’un point de vue tactique, plusieurs limites freinent son adoption massive. Le drone doit emporter une cartouche de câble pouvant peser jusqu’à 5 kg, réduisant d’autant sa charge explosive. Le dispositif est visible pour un observateur aguerri et peu maniable, et surtout, le câble qui le relie au pilote peut facilement être repéré — voire rompu par un simple passage d’animal ou de véhicule.

« Dans les zones boisées du Donbass ou de Kharkiv, la fibre s’accroche partout et casse à l’angle d’une branche », explique Makhitko. Une faiblesse criante sur un théâtre d’opérations où le terrain détermine souvent l’issue des affrontements.

Malgré ces faiblesses, les experts s’accordent donc : le drone à fibre optique changera le champ de bataille mais ne remplacera pas les autres types d’aéronefs autonomes, il deviendra une pièce maîtresse dans l’arsenal du futur.

Article initialement publié le 22 juillet.