Arrivé à Toulon la saison passée en provenance du Munster, l’international français (2 sélections) analyse avec lucidité sa première année jalonnée d’une grosse blessure et de prestations en deçà de ses attentes. À 29 ans, le centre, dans un discours posé et réfléchi, avoue avoir entrepris un travail mental pour mieux appréhender ce nouvel exercice.
Vous venez de retrouver les terrains, lors des matchs amicaux, après avoir été éloigné du jeu depuis six mois. Comment vous sentez-vous ?
Ça fait énormément de bien. Franchement, j’attendais ce moment depuis longtemps. Je reprends du plaisir autour d’un bon groupe, avec de bons joueurs autour de moi. Vraiment, si je dois retenir qu’une seule chose c’est ça : le plaisir d’être sur le terrain. Ça fait du bien !
De quelle blessure avez-vous souffert si longtemps l’an passé ?
J’ai eu comme une fracture du pied. Je traînais ça, mais ça a fini par craquer. J’avais une espèce de tendinopathie sésamoïde (inflammation de l’os d’un orteil, NDLR). J’ai serré les dents, j’ai joué des matchs avec ça. La fracture est arrivée plus tard dans la saison, à Montpellier. J’ai senti que ça n’allait pas dès l’échauffement. Il a fallu que je m’arrête pour que cela cicatrice. Il m’a fallu beaucoup de patience pour arriver au bout du processus. On a vraiment pris le temps. Désormais, je n’ai plus aucune douleur.
Depuis combien de temps évoluiez-vous avec cette tendinite ?
Je ne sais même pas le dire. Ça me gênait sûrement inconsciemment. Mais, vous savez, aucun joueur ne joue à 100 % dans le rugby professionnel. Il n’y a pas d’excuse à trouver à ce niveau de compétition.
Je n’ai pas été en capacité d’amener quelque chose au club durant ma première saison
Mentalement, comment avez-vous vécu ce coup d’arrêt et globalement le précédent exercice ?
Il ne faut pas se mentir, la période n’a pas été facile. Non, elle a même été dure. Je suis arrivé avec de l’ambition à Toulon, et j’en ai toujours pour le futur. J’avais envie de prouver direct, de gagner ma place et d’amener au club, à l’équipe, ce que je savais faire sur un terrain. Le constat est clair : je n’ai pas été en capacité d’amener quelque chose au club durant ma première saison. C’est dur à accepter, mais il faut le dire. Maintenant, je ne suis pas quelqu’un qui abandonne. Ça me donne encore plus de motivation pour cette saison qui arrive. Je dois vraiment apporter et faire une différence ici. Toute mon énergie du quotidien est tournée vers cet objectif.
Avez-vous eu recours à une aide mentale ?
J’ai bossé avec Pierre (Dantin, consultant haute performance au sein du RCT).
Quel a été le but de cette démarche ?
En fait, il a été d’un soutien sur le court terme, mais on a surtout réalisé une introspection sur mon parcours, mes envies et mes objectifs. J’ai pris le temps de réfléchir sur ma carrière, où j’en étais dans ma vie de joueur, et sur les processus à mettre en place pour aller là où je veux aller. Il m’a posé beaucoup de questions, et à travers ça, tu finis par te poser des questions à toi-même, en dehors des séances. Je me suis trouvé des réponses, des choses auxquelles je ne pensais pas. Cette période m’a aidé à grandir, à être plus mature, à être un peu différent.
Dans quels aspects ?
Dans les périodes plus difficiles, pour bien revenir, j’ai compris qu’il était important d’être clair sur des points : où tu veux aller et comment tu veux le faire. Après, il faut s’en donner les moyens, et j’ai toujours été un travailleur du quotidien. Pierre est quelqu’un de très expérimenté, qui sait trouver les mots dans la psychologie du sportif. Parfois, nous avons le sentiment qu’il y a un peu d’acquis. Mais, nous avons discuté en profondeur des raisons qui m’ont amené ici, de ce que je veux faire ici, du pourquoi je suis là. C’est une introspection générale qui doit participer aussi à te libérer.
Je me sens mieux mentalement, physiquement
Sans jouer, avez-vous le sentiment d’être, d’une manière paradoxale, plus fort que l’an passé ?
Vous pourrez me poser la question d’ici quelques mois, après les matchs. Il n’y a que ça qui compte. Même si, à l’instant T, j’ai quand même envie de vous dire : je me sens plus fort. C’est difficile à matérialiser, à poser des mots dessus. Je me sens mieux mentalement, physiquement. Tout est plus clair en moi. Je sais ce que je dois faire pour aller là où je veux aller.
Tentons tout de même de matérialiser cette pensée…
Il y a quelques mois, nous avions discuté et je vous avais dit que Toulon était plus grand que le Munster. Je le pensais, honnêtement, sans faire offense à mon ancien club. Quand tu signes ici, et c’est pour ça que je suis venu, c’était pour atteindre la meilleure version de moi-même en tant que joueur. Je le dis : il y a tout à Toulon pour élever son niveau au maximum. C’est pour ça que je suis venu. Maintenant, il faut que j’aille chercher ça. Il faut avoir un état d’esprit et une personnalité quand on porte le maillot de Toulon. Ce temps en dehors des terrains m’a fait comprendre ça. J’ai été trop timide, je dois aller chercher les choses. Je ne parle pas d’être moins timide dans la vie de tous les jours, mais surtout sur le terrain. Je me suis posé trop de questions. J’ai manqué d’audace, j’ai voulu être trop propre.
On dit souvent que quand la tête est là, le corps suit. Où vous situez-vous physiquement ?
L’an passé, je suis arrivé sans faire de préparation. Je ne me plains pas, car cela a été un privilège d’être sélectionné en équipe de France. Maintenant, une préparation physique fait clairement la différence. Je suis en train de monter progressivement, j’ai gagné en muscle. Une nouvelle fois, je ne veux pas qu’on me trouve une seule excuse, car je n’ai pas su, comme je l’ai dit, surfer sur la vague de mon changement de club. Ça ne s’est pas passé comme je le voulais, mais je suis en train de suivre un autre chemin, de m’adapter.
Dans quelle optique commencez-vous cette saison ?
J’ai faim, j’ai envie de prouver ce que je vaux. Je parle avec vous de la saison dernière, mais au fond, je n’ai plus envie d’y penser. C’est fini, passé. On ne pourra plus la changer. Mon énergie est tournée vers le futur. Je ne dois plus me prendre la tête, j’ai juste envie de saisir les opportunités devant moi. Elles seront là. Peu importe le poste, en 12 ou en 13, je veux jouer avec mes qualités et surtout les montrer avec le maillot de Toulon.
Concernant le XV de France, vous avez reculé dans la hiérarchie des centres. Comment vous positionnez-vous par rapport aux Bleus ?
De mon point de vue, rien n’a changé. Je n’étais pas arrivé, il y a un an, et je ne suis toujours pas arrivé maintenant. J’ai toujours les mêmes objectifs, et l’équipe de France passera par les performances avec Toulon. Si j’enchaîne les matchs, les bonnes performances, je sais que tout est possible. C’est un objectif.