Par

Antoine Blanchet

Publié le

3 sept. 2025 à 19h06

Avait-il un air de famille ? Était-il un portrait craché ? On ne le saura pas. Ce mercredi 3 septembre 2025, à la 10ᵉ chambre correctionnelle du tribunal de Paris, le banc des prévenus est vide. Mohammed A. ne s’est pas présenté à l’audience. Un paradoxe pour cet homme qui n’a cessé de vouloir parasiter le monde parfois ostentatoire des célébrités. Âgé de 50 ans, il a été jugé, malgré son absence, pour avoir usurpé l’identité de l’acteur Tahar Rahim ou encore du footballeur international Riyad Mahrez

Invité chez Cyril Hanouna à son insu 

Tout commence en mars 2023 par une sonnerie de téléphone. L’acteur plusieurs fois césarisé Tahar Rahim vient d’être contacté par SMS. Son interlocuteur n’est pas n’importe qui. Il se présente comme Riyad Mahrez, joueur de foot algérien attaquant au club de Manchester City. Il propose au comédien d’assister à un match. Tahar Rahim décline. L’affaire en reste là. 

Quelques semaines plus tard, nouvelle sonnerie. « Appelle moi, c’est urgent », reçoit Tahar Rahim de la part d’un de ses proches. Une chose étrange s’est en effet produite. Un homme se faisant passer pour l’acteur a échangé par messages… avec Cyril Hanouna. La star s’est ainsi retrouvée invitée à son insu sur le plateau de l’émission Touche Pas à Mon Poste. Furieuse, la victime parvient à obtenir le numéro de son alter ego frauduleux auprès de l’animateur. Surprise : il s’agit de celui utilisé par le pseudo Riyad Mahrez ! 

Des places récupérées pour un concert de Beyoncé 

L’usurpation ne s’arrête pas là. Quelques jours après, Tahar Rahim échange avec Patrick Bruel. Le chanteur lui demande si ses problèmes en Algérie se sont réglés. La question inquiète plus qu’elle n’apaise, car l’acteur n’a aucun souci de l’autre côté de la Méditerranée. Le pro du poker qu’est Patrick Bruel échangeait en fait avec un imposteur par téléphone. Le faux comédien continuait à jouer son rôle. Aucune demande crapuleuse. Juste des banalités échangées et une adresse mail : « [email protected] ». Le culot est stratosphérique. 

La compagne de Tahar Rahim, Leïla Bekhti, n’est pas en reste. Elle aussi se fait contacter par le footballeur Riyad Mahrez. Le sportif lui demande s’il est possible d’obtenir des places pour la prochaine cérémonie des Césars. Chou blanc. Il demande alors des places pour le concert de Beyoncé et parvient à les obtenir de la part de l’actrice. 

Des demandes de régularisation 

Pour le couple d’acteurs, la comédie a assez duré. Une plainte est déposée en juillet 2024 par Tahar Rahim. Les enquêteurs parviennent très vite à mettre un nom sur ce fantôme aux mille visages. Il se nomme Mohammed A.. Les investigations révèlent de nouvelles affabulations de sa part. Sous l’alias du père de Kylian Mbappé ou de Riyad Mahrez, encore, il contactait le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Il demande de manière très sérieuse à ce que certains dossiers de régularisation soient traités de manière privilégiée. Les requêtes échouent. 

En septembre 2024, Mohammed A. est interpellé. Sur son téléphone, on trouve 1 200 contacts dont plus de 300 appartiennent à des sommités du monde du spectacle et de la politique. Néanmoins, s’il est déjà connu pour des faits similaires, le prévenu n’a rien d’un Arsène Lupin. Manager dans un fast-food et bénéficiaire du RSA, il est loin de vivre la vie de château. 

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« C’est un enfant de 50 ans »

Mais alors, pourquoi avoir joué les tartuffes du show-business ? En garde à vue, l’intéressé est laconique dans ses réponses. « C’est pour perdre mon temps. Ça m’amuse », déclare-t-il lorsqu’on l’interroge sur son échange avec Cyril Hanouna. Les proches de Mohammed A. voient de leur côté une raison psychologique à ses agissements. « C’est un enfant de 50 ans. Il passe son temps à mentir. Il est très mythomane. Il se fait arnaquer juste pour être encensé », affirme un membre de sa famille. Pourtant, l’expertise psychiatrique n’a révélé aucune pathologie. 

Du côté des stars usurpées, seule l’avocate de Riyad Mahrez était présente. Dans sa plaidoirie, elle a rappelé la fatigue du sportif à devoir gérer ces usurpations à outrance. « Il est épuisé de devoir contacter ses interlocuteurs pour dire qu’il n’est pas à l’origine des messages », clame le conseil. Cette dernière affirme que les échanges frauduleux continueraient aujourd’hui, sans pouvoir prouver que le prévenu en est l’auteur. 

Un an de prison ferme 

Au ministère public, on est un peu blasé quand vient le moment de requérir. « J’ai beaucoup de déception dans ces dossiers, quand je vois que la malice fine de ces escrocs n’est pas mise à profit pour nobles causes, mais pour des larcins divers », lance-t-il en guise d’introduction. Pour le procureur, la vie de Mohammed A. est un « mirage » : « Tout repose sur du vent et des mensonges ». Il demande dix mois de prison ferme. 

À la défense, on met en avant le profil psychologique du prévenu. « Il existe à travers le regard des gens. Il fait ça pour exister et se sentir flatté. Beaucoup moins pour ses avantages personnels », clame son avocate, qui demande du sursis. Le tribunal n’ira pas dans ce sens, et dépassera le procureur dans la sévérité. Mohammed A. est condamné à 12 mois de prison ferme, aménageables sous bracelet électronique. Il a aussi pour obligation de se soigner, de ne pas entrer en contact avec les victimes pendant trois ans, et verser 2 000 euros à Riyad Mahrez en guise de préjudice moral. 

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