Une précarité étudiante qui s’envole. En août dernier, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc se réjouissait du classement de sa ville « parmi les villes universitaires les moins chères de France ». Avec un coût mensuel moyen de 1.214,65 euros, elle se situe à la 20e place (sur 23) selon le top réalisé par l’UNEF ; loin derrière Paris (1.626,76 euros), Nice (1.370,15 euros) ou encore Lyon (1.323,98 euros). Le premier édile décrivait alors ce classement comme étant « une bonne nouvelle pour nos étudiants », et « la preuve que nos choix portent leurs fruits ». Mais derrière ces chiffres se trouve une réalité plus nuancée. Car le coût de la vie étudiante augmente partout, et ce même dans la Ville rose. « + 765 euros entre 2024 et 2025 » selon l’UNEF Toulouse, soit une augmentation de 5,54 % en un an (contre 4,12 % en moyenne à l’échelle nationale).

Quand transports et logement pèsent lourd sur le portefeuille

La hausse du prix des transports en commun à Toulouse figure parmi les augmentations les plus importantes pour ses étudiants.

Toulouse est la ville de France qui a le plus augmenté ses coûts des transports depuis 2022. C’est clairement une volonté politique », indique Julien Regimbeau, responsable de l’UNEF Toulouse. 

L’abonnement annuel pour les étudiants non-boursiers a en effet connu une hausse de presque 5 % cette année, passant de 154,50 à 162 euros. Une augmentation qui succède à celle de 16,17 % entre 2023 et 2024. Pourtant, Tisséo indiquait en juillet 2025, à l’occasion de la hausse de ses tarifs, proposer « un prix de l’abonnement pour les jeunes le plus bas des réseaux cités », parmi lesquels Grenoble, Lyon, Bordeaux ou encore Paris. 

À ces frais de transport s’ajoute le poids du logement. Entre 2018 et 2025, les loyers du parc privé ont bondi de 14 %, passant de 457 euros à 521 euros par mois en moyenne, selon le syndicat étudiant. Toulouse n’est pas la ville la plus chère de France, mais l’UNEF Toulouse pointe du doigt « l’absence totale » d’encadrement des loyers, qui laisse les étudiants à la merci du marché.

Le loyer reste la première dépense pour les étudiants. Ensuite vient évidemment tout ce qui est alimentaire », souligne l’UNEF.

L’inflation alimentaire, subie partout en France, creuse encore un peu plus le budget des jeunes.

Étudier ou travailler : un choix impossible

La conséquence directe de cette flambée ? Le salariat étudiant se généralise.

Plus d’un étudiant sur deux se salarie aujourd’hui en France. On sait aujourd’hui que le salariat étudiant est une cause d’échec de l’enseignement supérieur », rappelle Julien Regimbeau.

Parallèlement, les aides stagnent. « Les bourses du CROUS sont la seule prestation sociale en France qui ne suit pas l’inflation », insiste-t-il. Leur montant n’a pas été revalorisé depuis 2023, malgré la hausse du coût de la vie. Une situation redoutée d’autant plus que le gouvernement a annoncé une « année blanche » pour 2026, avec notamment le gel des prestations sociales. En prime, des milliers d’étudiants ont commencé l’année scolaire 2025 sans avoir encore touché leur bourse…

L’université publique fragilisée

La précarité étudiante ne se limite pas aux questions de logement et de transport. L’UNEF insiste sur la crise profonde que traverse l’enseignement supérieur.

On a eu des coupes, l’année dernière, de 1,5 milliard d’euros dans les universités publiques. 60 universités sur 74 se sont endettées aujourd’hui en France », alerte Julien Regimbeau.

Cette austérité budgétaire favorise l’essor du privé, avec des frais d’inscription « pouvant dépasser 10.000 euros par an ». Un basculement qui menacerait l’égalité d’accès à l’université selon l’organisation syndicale :

Aujourd’hui, on a de moins en moins de places d’enseignement supérieur public, ce qui cause une sélection qui privilégie les personnes issues de milieux favorisés. »

Une tendance récemment confirmée par l’Observatoire des Inégalités, dans un rapport publié le 28 août. Celui-ci dressait un constat alarmant : plus on avance dans le parcours scolaire, plus les enfants d’ouvriers disparaissent des effectifs

À l’université, la fracture est très nette : 8,7 % seulement des étudiants sont enfants d’ouvriers, contre 34,9 % issus de cadres. Dans les classes préparatoires, l’écart se creuse davantage (6,4 % contre 53,7 %), et il atteint un sommet dans les Écoles normales supérieures les enfants de cadres sont 30 fois plus représentés que ceux d’ouvriers.

L’Observatoire conclut sévèrement :

Notre système est loin de faire ce qu’il devrait pour assurer l’égalité des chances scolaires. Essentiellement parce que l’école française cherche à sélectionner quelques bons élèves plutôt que d’éviter d’en perdre un grand nombre en route. »

« Nous allons nous battre cette année »

Face à ce constat, l’UNEF Toulouse affiche un agenda clair pour l’année universitaire 2025-2026 : lutte contre la précarité, revalorisation des aides sociales, encadrement des loyers, défense du service public universitaire et extension du repas à 1 euro. Le syndicat milite aussi pour la généralisation du congé menstruel, déjà adopté à l’Université Jean-Jaurès et à Paul-Sabatier, mais encore aujourd’hui refusé par Toulouse-Capitole.

À l’UNEF Toulouse, nous allons nous battre cette année pour lutter contre la précarité étudiante », conclut Julien Regimbeau.

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