Ce 3 septembre, l’accord UE-Mercosur a été validé par les membres de la Commission européenne. Dans les mois qui viennent, le texte sera soumis aux États membres, puis aux eurodéputés. Face à cet accord nocif pour notre agriculture, la France paraît plus que velléitaire. « Tout se passe comme nous pouvions hélas nous y attendre, explique à BV la présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc’h. On a beau nous parler d’une opposition du gouvernement français à cet accord, la ratification du traité avance, elle va même s’accélérer. » L’UE est pressée de boucler les choses avant que Lula, le président brésilien, ne quitte la présidence tournante du groupe Mercosur, le 31 décembre prochain.

« Vaches contre bagnoles »

L’accord de libre-échange a été signé en décembre 2024 entre, d’une part, l’Union européenne et, d’autre part, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Ursula von der Leyen se réjouissait alors d’« une victoire pour l’Europe », d’« un accord gagnant-gagnant ». Une vision des choses… contestable. Concrètement, l’UE va importer massivement de la viande bovine, du poulet, du maïs, du sucre… toutes choses qu’elle produit déjà très bien et qui ne feront pas le poids, une fois mis en concurrence avec l’équivalent sud-américain, produit à moindre coût, avec moins de contraintes réglementaires. Tous ces produits entreront en Europe en payant des droits de douane minimes.

Mais dans la croyance libre-échangiste qui est celle de Bruxelles, que pèsent les 93.000 exploitations bovines françaises face aux 700 millions de consommateurs sud-américains susceptibles d’acheter des liqueurs et des voitures ? La loi du marché n’a pas de limites. « C’est ce que certains appellent vulgairement l’accord « vaches contre bagnoles » », écrivait dans nos colonnes l’eurodéputée RN Valérie Deloge.

Des garde-fous fragiles

Pour rassurer les éleveurs français, on parle de clauses de sauvegarde. Pour le moment, elles n’ont qu’une existence virtuelle, puisqu’il faudra un « acte juridique » supplémentaire pour qu’elles se matérialisent. Et ce mercredi, en conférence de presse, la porte-parole du gouvernement, Sophie Privas, a bien insisté pour vérifier trois points concernant ces clauses : que les pays du Mercosur soient d’accord (sic), qu’un seul pays puisse les activer et qu’elles soient juridiquement opérationnelles ! C’est dire si la France a la main…

Ces clauses permettraient d’intervenir en cas d’effets négatifs du traité. « C’est se moquer de nous, réagit Véronique Le Floc’h auprès de BV : On laisse les accords se mettre en place et on changera d’avis ensuite ? S’il y a le moindre doute, il faut exclure l’agriculture du traité. » Agir (si on agit…), une fois qu’il est trop tard : voilà une curieuse politique. « La France a perdu un million de têtes de bétail en dix ans, nous rappelle Jérôme Besnard, de la Coordination rurale. Quand on pense à la fragilité actuelle de la filière d’élevage français, le risque est évident. Une filière détruite ne se reconstruira pas. »

La continuité Genevard

Début décembre 2024, lorsque l’accord a été signé à Buenos Aires, la France n’était déjà pas au mieux de sa forme politique : on vivait la fin du gouvernement Barnier. Aujourd’hui que l’accord entame son parcours dans les institutions européennes, on vit la fin probable du gouvernement Bayrou. « Ça tombe très mal, selon Jérôme Besnard. Avec le triste spectacle que donne notre classe politique, la France n’est pas en position de négocier. » C’est vrai, mais la situation ne date pas d’aujourd’hui. La falote Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a gardé son poste d’un gouvernement à l’autre, et la France n’a pas attendu les crises politiques pour se désintéresser du sort de ses agriculteurs. Emmanuel Macron lui-même a joué le en même temps qui lui est cher (sinon congénital) : se prononcer contre l’accord et se dire prêt à le signer

Du côté de la Coordination rurale, on n’abandonne donc pas le combat. « La CR va se mobiliser avec ses partenaires européens et ne pas laisser faire, assure Véronique Le Floc’h. Il faut gagner du temps pour porter les discussions au-delà de 2025, reprendre des négociations et, peut-être, au niveau européen, définir une exception agricole. »


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