Dans les brumes matinales de la Garonne, on distingue à peine les silhouettes des grues sur les quais de Bassens. Pourtant, derrière cette quiétude apparente, se joue un ballet industriel d’une ampleur insoupçonnée. Ici, pas de champagne sur le pont ni de croisière romantique. Ici, on décharge, on affrète, on fabrique. Le Grand Port Maritime de Bordeaux, c’est un peu comme un cœur invisible qui fait battre toute une région.

Lire aussi :

17,4% de la valeur industrielle de la Gironde a été créée grâce au port de Bordeaux en 2024

On pourrait croire que les bateaux ne rapportent que du poisson et des containers. C’est sous-estimer le rôle du port de Bordeaux, dont la richesse générée approche les 892 millions d’euros en 2024. Ce chiffre seul représente 17,4 % de toute la valeur ajoutée industrielle de la Gironde.

Et ce n’est pas qu’une affaire de bateaux. Les activités non maritimes : logistique terrestre, industrie chimique, transports, pèsent les deux tiers de cette richesse. Loin derrière, les opérations purement maritimes comme l’affrètement, l’organisation des transports ou les manutentions portuaires n’en génèrent qu’un tiers. Le port agit donc comme une base arrière logistique autant qu’un point d’entrée maritime.

Quant aux flux : 6,3 millions de tonnes de marchandises ont transité en 2024. Cela correspond à 350 000 camions, soit une file continue de 1 750 kilomètres. Une belle image… si l’on aime les bouchons.

Des milliers d’emplois, des salaires corrects, une région qui respire

Le port, ce ne sont pas que des hangars et des silos. Ce sont aussi 8 620 emplois directs, localisés majoritairement à Bassens, Bordeaux et Bruges. Des métiers parfois physiques : ouvriers de l’industrie, manutentionnaires, magasiniers, chauffeurs mais mieux payés que la moyenne régionale, avec environ 2 740 euros nets mensuels.

Ces emplois irriguent 26 communes en Nouvelle-Aquitaine, et trois quarts sont concentrés dans de grandes entreprises, souvent françaises. On est loin de l’image d’un port fragmenté. Il s’agit ici d’un tissu industriel structuré, où les PME côtoient les poids lourds de l’économie régionale.

Un petit bémol tout de même : les femmes sont peu présentes dans ce paysage, encore très masculin.

Une plateforme qui se verdit sans tourner au vert pastèque

Alors que les ports ont longtemps été synonymes de pollution et de béton, le port de Bordeaux change de cap. Il ne s’agit plus seulement de décharger du carburant ou de la ferraille. Désormais, le GPMB s’investit dans la transition énergétique.

Il ne le fait pas pour l’image, mais par stratégie industrielle. Car demain, il faudra produire, transporter et consommer différemment. Et ça, le port l’a compris. Il investit dans la mobilité décarbonée, les énergies renouvelables et l’électrification des process industriels.

Objectif affiché : neutralité carbone en 2050. Pour y parvenir, des projets d’énergie verte sont déjà sur les rails… Ou plutôt sur les docks.

Un carrefour logistique… bien ancré dans son territoire

Avec sept terminaux répartis le long de l’estuaire, le port de Bordeaux agit comme un nœud logistique régional, bien au-delà des frontières bordelaises. On y importe des produits raffinés, des hydrocarbures, des engrais, des conteneurs. On y exporte des céréales, des tourteaux, des huiles, du pétrole brut extrait en Aquitaine. Oui, vous avez bien lu. Il y a encore du pétrole dans le sous-sol régional, et il passe par le port.

Cette diversité de flux illustre le rôle central du port dans l’économie du Sud-Ouest, bien loin de l’image d’un simple quai d’amarrage.

Une vision à long terme qui dépasse le simple bétonnage

Ce qui distingue Bordeaux de certains ports plus traditionnels, c’est sa capacité à intégrer l’innovation dans ses infrastructures. La multimodalité est devenue un mot-clé. Train, route, fleuve : tous les vecteurs sont optimisés pour fluidifier les échanges.

Le port ne se contente pas d’accueillir des conteneurs. Il soutient des filières innovantes, notamment dans le secteur maritime, naval et numérique. Il pousse à la réindustrialisation, tout en prenant soin des milieux naturels et en garantissant la sécurité des navigations sur l’estuaire.

En clair : on construit des filières, pas seulement des entrepôts.

Ce que cache vraiment la Garonne : une puissance économique camouflée

Le Grand Port Maritime de Bordeaux est un actif stratégique pour la Nouvelle-Aquitaine. Ce n’est ni un dinosaure ni un mirage post-industriel. C’est une machine à créer de la valeur, à stabiliser l’emploi, et à réinventer les pratiques économiques à l’échelle régionale.

Il n’est pas là pour faire joli sur une carte postale, mais pour faire tourner l’économie réelle, avec des docks qui vibrent au rythme de la production locale et des ambitions internationales. Une réussite discrète, mais efficace.

Les 10 plus grands ports de France en 2025

RangPortTrafic total (en millions de tonnes)Spécialisation



1

Marseille-Fos

74

Hydrocarbures, conteneurs, vracs


2

Le Havre (Haropa)

62

Conteneurs, vracs liquides


3

Dunkerque

49

Charbon, minerais, céréales


4

Calais

43

Fret roulier, passagers


5

Nantes-Saint-Nazaire

29

Énergies, vracs liquides


6

Rouen (Haropa)

25

Céréales, vracs solides


7

Brest

8

Énergies marines, vracs, maintenance navale


8

Bayonne

6,5

Produits pétroliers, métallurgie


9

Bordeaux

6,3

Produits raffinés, céréales, chimie


10

La Rochelle

5,7

Bois, céréales, engrais



 

Sources :