« Trou à rat », « capitale mondiale du meurtre »… Donald Trump ne manque pas d’inspiration pour qualifier Chicago sur sa plateforme Truth social. Jugeant que l’insécurité a atteint son paroxysme, le président a promis, ce mardi 1er septembre, de déployer ses forces armées dans la ville de l’Illinois. Certain de pouvoir « régler rapidement le problème », Donald Trump a interpellé le gouverneur démocrate de l’Etat : « Pritzker a désespérément besoin d’aide, il ne le sait juste pas encore ».

Une annonce qui n’a pas manqué de faire bondir J.B. Pritzker, qui analyse dans la démarche du président une volonté de « créer du spectacle politique pour dissimuler sa corruption ». Et l’élu d’abonder, « il n’y a aucune urgence qui justifie le déploiement de militaires ».

48 % de meurtres en moins qu’il y a 4 ans

« Oui, Chicago a un problème de criminalité », a pourtant tranché la Maison-Blanche sur son site Internet. Dans un article publié le 25 août, l’institution dresse une série de constats sur la ville, appuyés sur des données parfois contestables.

Donald Trump joue avec les chiffres. Parmi ceux qu’il mobilise, certains sont avérés, frappants, voire choquants, et permettent de soutenir sa campagne martiale. Par exemple, on peut y lire que « depuis 13 années consécutives, Chicago est la ville qui compte le plus de meurtres aux Etats-Unis », c’est vrai. Mais la Maison-Blanche omet de préciser que les chiffres du crime sont en chute libre dans la ville venteuse.

Le département de police de Chicago recense 278 plaintes pour meurtre depuis le début de l’année 2025, contre 410 en 2024, soit 31 % de moins. Une tendance qui se confirme au fil des années. En 2023, l’autorité recensait 433 plaintes pour meurtre, 464 et 2022, et 534 en 2021. En quatre ans, il y a donc 48 % moins d’homicides à Chicago.

Dans leur ensemble, les statistiques du crime ont également chuté dans la ville depuis 2023. Seuls les vols relevant du délit ont accru cette année… de 1 %.

Des données mensongères

D’autres chiffres, quant à eux, relèvent de l’affabulation. Entre autres, le billet présidentiel prétend que « depuis sept années consécutives, Chicago compte le plus grand nombre de meurtres par habitant ». Une affirmation tout simplement fausse : la mégapole de l’Illinois se positionne bien plus loin dans le classement. Si les statistiques de la criminalité peuvent paraître vertigineuses à Chicago, cela s’explique, en partie, par le fait que la ville est la troisième plus peuplée du pays. Une fois rapportés à la population, les chiffres sont en réalité plutôt bas en comparaison avec ceux d’autres grandes villes américaines.

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Contrairement aux affirmations de Donald Trump, c’est St. Louis, ville républicaine du Missouri avoisinant les 300 000 résidents, qui enregistre le plus de crimes par habitant.

En 2022, 7 838 actes de criminalité ont été recensés pour 100 000 habitants à St. Louis. Un chiffre supérieur de près de 2 000 par rapport à Chicago, qui comptabilisait 5 496 crimes pour 100 00 habitants. En 2023, alors que la tendance nationale était à la baisse en matière de criminalité, St. Louis maintenait sa position sur le podium : 6 945 crimes pour 100 000 habitants, contre 6 441 à Chicago.

Les conclusions sont similaires pour la ville de Washington, où Donald Trump a déployé ses troupes. Contrairement aux affirmations de la Maison-Blanche, la ville n’est pas « hors de contrôle ». Comme à Chicago, le taux de crime par habitant de la capitale des Etats-Unis est largement inférieur à d’autres villes et la criminalité est en chute libre.

Des campagnes politiques ?

Si Chicago est la dernière métropole à s’être retrouvée dans le collimateur du président, elle suit une longue liste.

700 Marines et 4 000 militaires de la Garde nationale déployés à Los Angeles, 1 761-arrestations à Washington, des menaces faites à l’encontre de Baltimore, de New York et de La Nouvelle-Orléans… Tant d’opérations dont se targue Donald Trump sur son réseau social.

Pourtant, les villes les plus affectées par la criminalité précédemment évoquées n’ont pas su attirer l’attention du président. Leur particularité ? Avoir un gouverneur républicain. Un traitement de faveur qui n’a pas échappé aux élus des municipalités visées par Donald Trump. Dans une lettre ouverte, l’Association des Gouverneurs Démocrates (Democratic Governors Association), condamne les agissements du chef de l’Etat : « Plutôt que d’aborder véritablement le problème de la criminalité, le président Trump a réduit le budget fédéral des forces de l’ordre sur lequel nos Etats reposent, et continue de politiser notre armée en essayant de saper l’autorité des gouverneurs ».

Une prise de position réaffirmée par le gouverneur de l’Illinois, J.B. Pritzker, et son homologue Wes Moore, à la tête du Maryland, qui accusent Donald Trump de « fabriquer des crises » pour justifier l’envoi de forces fédérales dans des Etats démocrates.

Des critiques balayées par Abigail Jackson, porte-parole de la Maison-Blanche, qui y perçoit une « manœuvre publicitaire ».

Même son de cloche du côté du président qui ne prend pas grand soin de dissimuler son hostilité aux démocrates sur Truth Social, publiant une citation de son conseiller à la Maison-Blanche : « Eux (les criminels dans les villes gérées par les démocrates) ne restent jamais en prison ».

Une bataille juridique

Malgré l’indifférence de Donald Trump à ces protestations, le maire de Chicago, Brandon Johnson, a pris un arrêté visant à limiter l’autorité d’éventuelles forces de l’ordre fédérales dans sa ville. « Nous allons mener ce combat à travers toute l’Amérique, mais nous devons d’abord nous défendre chez nous », avait lancé l’édile au cours d’une manifestation ce 1er septembre.

Une bataille juridique qui s’est déjà engagée sur d’autres fronts : le déploiement des forces armées à Los Angeles était illégal, a tranché un juge fédéral de Californie. Cette décision, qui pourrait freiner l’élan martial du président entrera en vigueur le 12 septembre. Selon la BBC, Il reste néanmoins probable que l’administration Trump fasse appel.