Excepté les amateurs d’histoire de la Révolution française, qui se souvient aujourd’hui de Bertrand Barère de Vieuzac, né et mort à Tarbes, ayant vécu de septembre 1755 à janvier 1841 ? Élu des Hautes-Pyrénées sous la Constituante (1789-1791), puis sous la Convention (1793-1795), il est un des membres les plus actifs du grand Comité de salut public, célèbre pour ses discours célébrant les victoires françaises sur les tyrans attaquant la France.
La réaction thermidorienne lui fait payer cher son engagement patriotique, décidant de le déporter en Guyane au printemps 1795. Il s’enfuit, se cache à Bordeaux, d’où il commente l’évolution de la république bourgeoise du Directoire et la situation du continent. La France demeure en guerre contre l’Angleterre, première puissance capitaliste du monde, imposant selon lui une « tyrannie sur les mers ». De sa cachette, il écrit la Liberté des mers en l’an VI (1798), proposant plusieurs solutions pour sortir d’un conflit qui résonne étrangement avec notre actualité.
Il envisage une paix républicaine de l’Europe par la constitution de gouvernements d’hommes éclairés par le droit international, capables de garantir la paix sur le continent en refrénant l’ultralibéralisme pirate de l’Angleterre d’alors. Pour sortir de la guerre, il faut inventer un modèle de gouvernance républicaine de l’Europe, une souveraineté européenne, tel un système politique nouveau.
Barère imagine alors dans le plus pur style des utopies des Lumières, mais éclairé de son expérience de conventionnel et d’homme d’État ayant traversé victorieusement la crise de l’an II, un tribunal des crimes du gouvernement anglais, « soumis aux décrets préparés dans une grande assemblée européenne réunie dans le centre, et dans laquelle chaque peuple, État, puissance ou gouvernement enverrait ses députés ». Il poursuit : « Pourquoi ne verrions-nous pas l’assemblée des représentants de l’Europe ? Là, serait juré solennellement par tous les gouvernements, par tous les peuples continentaux, haine à la tyrannie maritime, fidélité à la liberté du commerce et des mers ! ».
Plus loin, Barère songe à une possibilité d’étendre le gouvernement constitutionnel à tout le continent : « C’est un problème à résoudre en Europe après la dissolution du despotisme maritime des Anglais de trouver la forme d’association générale qui défende et assure à chaque nation, par la force de tous les droits maritimes de chacune, l’observation exacte du droit des gens et l’exécution sévère des traités…
Il manque un acte de navigation générale fondée sur le droit naturel, sur le droit des gens et sur le droit public en Europe… On y graverait la liberté des mers, l’affranchissement du commerce et de l’industrie, l’abolition universelle de la traite des Noirs, de la vente et de l’esclavage des hommes, la proscription de la course, la punition de la piraterie, et le droit public maritime serait enfin écrit uniforme et consacré par les nations réunies. Il faudrait appuyer cette déclaration des droits des nations sur un pacte européen qui organiserait militairement sur terre et sur mer la défense et le maintien de ces droits. »
Les principes fondateurs de la révolution de 1789 et de la République de 1792 sont à l’œuvre dans la perspective d’une confédération européenne des droits naturels traduits en droits positifs. L’affirmation des principes de justice sociale au niveau des États, pensée au travers du partage équitable des fruits du commerce, liée à l’abolition de l’esclavage, le tout dans un système d’autodéfense bien pensé, constitue le socle de cette Europe. Il y a là plus que l’esquisse, le plan d’une fédération démocratique des peuples européens, qui reste encore à construire.
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