Le jour de la rentrée, il est très rare de voir les élèves demander un selfie avec leur prof. C’est pourtant ce qui s’est passé ce jeudi 4 septembre 2025 devant un amphithéâtre de l’université de Rennes. Car à 13 h 15, c’est Cédric Villani, lauréat de la médaille Fields (l’équivalent du prix Nobel de mathématiques) en 2010 et ancien député (2017-2022) qui s’apprête à faire cours aux étudiants de Licence 3 de l’École normale supérieure. Sammy, étudiant en Master 1 mathématiques, est de ceux-là. Et ne peut cacher une certaine émotion. « Je suis comme un fou. C’est grâce à lui et à ses vidéos sur internet que j’ai continué à étudier les mathématiques. Je n’avais pas de très bonnes notes en Terminale et lui disait qu’il suffisait de travailler. »
« Il faut avouer que c’est la classe »
D’autres sont arrivés plus de trois quarts d’heure avant le début du cours. Comme Louise, Arthur et Valentin. « On voulait avoir une bonne place, dans les deux premiers rangs. Il nous impressionne quand même. Ma mère n’y connaît rien en maths, mais quand elle a su que c’était lui qui allait me faire cours, elle était fière. » Un peu plus loin, Baptiste et Thomas aussi sont venus un peu plus tôt, « pour être sûr de pouvoir rentrer » dans cet amphi de 350 places. « Depuis le retour en cours, il n’y a pas un jour sans qu’on entende son nom dans notre classe, c’est le sujet de la rentrée. Il faut avouer que c’est la classe. »
Quelque 200 étudiants ont assisté au premier cours de Cédric Villani à Rennes. (Photo Le Télégramme/Romain Leroux)
Car l’arrivée de Cédric Villani est un vrai coup de projecteur sur l’université de Rennes. Outre sa Médaille Fields, le mathématicien a, par son travail de vulgarisation, mais aussi via son parcours politique et son personnage (lavallière autour du cou et broche araignée qu’il ne quitte jamais), fait sortir les mathématiques des bancs universitaires. « Il sort du stéréotype du mathématicien pas très sociable qui reste dans son coin, ça fait du bien de voir ce profil, observe Louise. Il sort des clichés dans lesquels je ne me retrouvais pas. C’est grâce à lui que j’ai fait des mathématiques ». « On a peu de mathématiciens connus, Cédric Villani est un emblème, il permet aux mathématiques d’exister en France », ajoute Elouan, lui aussi en Licence 3.
« Certains sont passés au tableau »
S’ils affirment que Cédric Villani n’est pas leur « idole », ils sont « très curieux d’assister à un cours d’un prof qui a eu la Médaille Fields. On a vu ses vidéos, il est très bon chercheur, mais j’attends de voir s’il est un bon professeur, un bon pédagogue ». Elouan et son pote Gaspard ont d’ailleurs une petite longueur d’avance. Le matin même, ils ont déjà eu droit à un cours du mathématicien de 51 ans, une heure de travaux dirigés en petits groupes. « Certains sont passés au tableau, ça met un coup de pression, mais il est normal en fait, à l’écoute, et pas très critique sur la méthode de travail. Du moment que tout le monde comprend. »
Ce jeudi après-midi, les quelque 200 étudiants rennais de Cédric Villani ont assisté à un cours pointu, mais « normal », si on élude les portables qui se lèvent pour prendre une photo ou une vidéo et les curieux qui passent une tête pour l’apercevoir. Éloquent, abordable, il n’hésite pas à arrêter son cours pour répondre aux questions. « Je me suis toujours considéré comme un enseignant avant d’être un chercheur, expliquait-il à l’issue de son cours. Je suis peut-être le seul des médaillés Fields à n’avoir jamais postulé au CNRS ou à un poste de pure recherche, j’ai toujours voulu rester enseignant-chercheur. Je suis attentif à faire participer les élèves, le simple fait de me voir hésiter, ça peut les débloquer. »
Plusieurs étudiants ont demandé un selfie à Cédric Villani après ses premiers cours à Rennes. (Photo Le Télégramme/Romain Leroux)Selfies et erreur de calcul
Le mathématicien primé a même plaisanté avec un étudiant qui lui a corrigé un calcul sur les théories de la mesure (qui permettent de mesurer les quantités, surface, longueur, volume…), l’objet de son enseignement pour ce premier semestre. « Comme on dit, c’est pour voir si vous suiviez ». Il est ensuite resté de longues minutes à la fin de son cours pour répondre aux nombreuses questions, et prendre encore quelques photos, retardant au passage le début du cours suivant. « Je suis désolé », s’excuse le mathématicien devant son confrère qui attend patiemment. « Pas de problème, on m’avait prévenu », sourit ce dernier. Bref, une rentrée « presque » normale.