Publié le
5 sept. 2025 à 6h30
Il y a des retraités très actifs. Gilbert Kerleau en fait partie. À la retraite depuis une petite dizaine d’années, le septuagénaire est connu de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin aux livres, à Guingamp et bien au-delà. Les médiathèques du pays n’ont pas de secrets pour lui.
À Mots & Images, on le surnomme Le papa de la librairie, c’est un client tellement assidu qu’il lui arrive de donner un coup de main pour écrire les bandeaux qui guident les choix des clients.
Gilbert Kerleau, un homme que l’on croise régulièrement en ville. D’un caractère affable, il s’arrête volontiers discuter le bout de gras. Toujours avec le sourire.
On le croise également à chaque rencontre organisée avec un écrivain. D’ailleurs, il les connaît bien les auteurs, c’est pour ça qu’on lui a confié la fonction de programmateur des salons du livre à Guingamp et à Bégard.
C’est aussi le président de l’association briochine des amis de Louis Guilloux, dont le chef-d’œuvre, Le Sang noir, est un de ses livres préférés. Des livres, il en a plus de 10 000 chez lui et lire entre 200 et 300 pages par jour, c’est la routine.
Vidéos : en ce moment sur Actu« Mon père, lui, était maréchal-ferrant et ma mère employée de commerce »
En l’occurrence, c’est à Guingamp que ce lecteur invétéré, originaire du Quinquis, à Belle-Isle-Bégard, a appris à lire. C’était à l’école de La Chesnaye, avec des instituteurs qui lui ont laissé un souvenir ému, « des hussards de la République ! ». Par la suite, au collège et au lycée, c’est surtout le théâtre qui l’occupe, notamment Samuel Beckett. Croyant et pratiquant, le jeune homme se cherche, passe un temps par le monastère.
Et, c’est effectivement par l’entremise d’un de ses amis prêtres, à Paris, qu’il va se former au métier de libraire. « Mon père, lui, était maréchal-ferrant et ma mère employée de commerce. Elle a notamment travaillé chez l’horticulteur et fleuriste Liberge, rue Saint-Nicolas, à Guingamp, mais aussi aux Dames de France, rue Notre-Dame », précise Gilbert Kerleau.
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Alors commencent ses lectures, sous la bienveillance d’un patron très formateur : du théâtre, des romans, des essais…
À Mots & Images à Guingamp, on le surnomme Le papa de la librairie, c’est un client tellement assidu qu’il lui arrive de donner un coup de main pour écrire les bandeaux qui guident les choix des clients. Il est ici avec Céline Vignon, directrice de la librairie. ©Archives L’écho
C’étaient les années soixante-dix : Gilbert a les cheveux longs, il enchaîne les expériences en librairies et la lecture est son moteur. Cela lui donne des références : le « baba-cool » ne peine pas à trouver du travail, d’autant qu’il n’aime pas l’oisiveté.
Ça ne l’empêche pas d’être parfois à côté de la plaque : alors qu’il travaillait dans les beaux quartiers de Paris, une très belle femme, alors au sommet de sa gloire, lui demande conseil pour emporter des livres dans sa villa du sud de la France.
Après un bon quart d’heure ensemble, alors qu’elle lui précise qu’elle a un compte à la librairie, il lui demande à quel nom : Bardot ; Brigitte. « C’est que je suis quelqu’un qui est souvent dans la lune, un peu naïf ».
« J’ai un sale caractère et une grande notion de justice »
Les années passent sans qu’il parvienne à rester plus que quelque temps dans le même poste, que ce soit à Paris ou en province. C’est que notre homme est un tantinet exigeant : « J’ai un sale caractère et une grande notion de justice »… Ce qui le fait, presque chaque fois, préférer quitter les libraires.
On lui propose alors d’être représentant d’éditeur. Car, en plus de lire tant et plus, c’est un homme cordial, toujours souriant : qualités requises pour être commercial.
Pour sa première expérience, n’ayant pas son permis de conduire, le jeune commis voyageur prend le train, de ville en ville, dans l’ouest de la France pour vendre les livres d’une petite maison d’édition.
Avec les années, sa réputation devient telle que les éditions du Seuil font appel à lui.
Par la suite, il est passé chez Actes Sud, quelques mois seulement, avant d’être finalement recruté par la maison Harmonia Mundi Livres, où il a travaillé sur tout l’est de la France pendant près de vingt ans.
Gilbert Kerleau est aussi programmateur des salons du livre à Guingamp et à Bégard. ©L’écho de l’argoat
De ces années dans l’édition, le Guingampais retient les rencontres « enrichissantes » avec les directeurs d’édition qu’il appréciait pour leurs compétences, avec aussi des « personnages célèbres, hors normes » qu’il estimait pour leur simplicité.
Ainsi, connaître les auteurs, faire le lien entre le texte et l’écrivain est autant un moteur que la lecture elle-même.
« C’est une personne précieuse pour l’univers de la lecture dans la région »
À tel point que, chez Harmonia Mundi, si son travail consistait à vendre des livres auprès des libraires la semaine, ses week-ends se passaient à courir les salons, pour rencontrer de nouvelles plumes ou défendre celles de la maison.
Ce qui le fascine surtout, c’est le procédé de création d’une histoire : comment les auteurs trouvent-ils leur sujet ou cette faculté à trouver la phrase juste.
Inlassablement, sa vie professionnelle consacrée à la lecture, aux livres, aux auteurs se poursuit aujourd’hui, dans sa retraite dans le pays de Guingamp. Inlassablement, promouvoir les livres et les auteurs est une de ses activités favorites.
« C’est une personne précieuse pour l’univers de la lecture dans la région, pour tout l’écosystème autour des livres et des lecteurs », confie Fanny Parent, de la médiathèque de Guingamp.
En effet, depuis son retour, deux salons du livre ont vu le jour et il participe au lancement d’un troisième salon, en octobre prochain, dans la ville de Plésidy.
Faire se rencontrer les lecteurs et les auteurs pour donner envie de lire encore davantage est son credo.
Il n’y a pas à dire, Gilbert Kerleau est bien décidé à nous faire lire…
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